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Claude Hamonet

 

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Syndrome/maladie d’Ehlers-Danlos : conseils aux médecins

Du diagnostic au traitement et à l’adaptation-réadaptation

Guide pratique

Faculté de Médecine de Créteil (UPEC).
Consultation Ehlers-Danlos, Hôtel-Dieu de Paris.

 

Le syndrome d’Ehlers-Danlos n’est manifestement plus une maladie rare mais il est rarement diagnostiqué d’emblée et l’errance thérapeutique est de 21 ans en moyenne pour nos 644 premiers patients. Il est, en tout cas, toujours orphelin en termes de soins de santé, même si le nombre de médecins qui le connaissent et entreprennent une prise en charge thérapeutique et sociale appropriée est en augmentation sensible.

L’accès au diagnostic se fait actuellement principalement par les patients déjà reconnus qui découvrent dans leur famille, mais aussi dans leur entourage non familial, des symptômes identiques aux leurs. Il se fait, aussi, de plus en plus, par les médecins (généralistes surtout) qui ont, dans leur patientèle, au moins un cas reconnu de maladie (ou syndrome d’Ehlers-Danlos). Cette diffusion de la connaissance des manifestations du syndrome et la remise en cause d’autres diagnostics posés par défaut a provoqué une augmentation considérable des demandes parvenant à la consultation spécialisée Ehlers-Danlos de l’Hôtel-Dieu de Paris.

En 2012, nous avons personnellement effectués 842 consultations. En 2013, ce chiffre est passé à 1242. Les demandes continuent à affluer en augmentant encore, en sachant que si on diagnostique un cas, c’est une famille que l’on diagnostique. La file d’attente s’allonge…

Il faut également suivre les patients déjà reconnus, en lien avec leurs médecins, et répondre aux appels urgents à l’occasion de crises douloureuses diffuses ou très localisées, migraineuses, respiratoires, proprioceptives, dystoniques, dysautonomiques, orthopédiques (entorses, luxations), abdominales aiguës (cholécystites, pancréatites, occlusions, éventrations…), obstétricales etc. Et éviter la psychiatrisation très souvent évoquée devant la négativité des tests biologiques (immunologiques surtout) et la normalité des IRM contrastant avec une symptomatologie souvent « bruyante » et angoissante.

Pour faire face à cette situation, nous mettons en place, avec l’aide de plusieurs confrères, universitaires, et non universitaires, expérimentés dans la connaissance du SED, des formations destinées aux médecins et aux professionnels de la santé (contact : pr.hamonet@wanadoo.fr). La première    a été organisée pour les 23-24 mai et les 13-14 juin 2014, à la faculté de médecine de l’Université Paris-Est-Créteil. Elle est le prélude à un diplôme universitaire. Les confrères qui le souhaitent, sont les bienvenus, pour se former, aux consultations Ehlers-Danlos, incluant les consultations interdisciplinaires avec des d’orthésistes, à l’Hôtel-Dieu de Paris, le lundi et mercredi de chaque semaine et, aux consultations conjointes avec les chirurgiens orthopédistes (Professeur Levon Doursounian, CHU Saint-Antoine et Docteur Nourissat), les vendredis, chaque mois. Une consultation spécialisée en gynécologie-endocrinologie est organisée  chaque mercredi, à l’Hôtel-Dieu, destinée aux personnes avec un SED par la Professeure Anne Gompel au Centre diagnostic et thérapeutique de l’Hôtel-Dieu. Une collaboration étroite est établie avec le Centre national de référence des maladies rares de la vigilance (Docteur Arnaud Métlaine, Service du Professeur Damien Léger à l’Hôtel-Dieu).

D’autres formations, davantage ciblées sur certains aspects diagnostics ou thérapeutiques, sont en préparation. Nous sommes également disposé à faire, en dehors de Paris, des formations aussi pratiques que possible (examen clinique, prescriptions, conseil génétique).

Devant la très longue file d’attente des patients, nous avons décidé de rédiger  un  guide pour les médecins qui soupçonnent chez l’un ou l’une de leurs patients(es) un Syndrome d’Ehlers-Danlos en se basant sur la façon de faire avec les consultants qui nous sont adressés. Il est plus détaillé que celui proposé il y a quelques années sur notre site et s’est enrichi de nouvelles connaissances sur le syndrome. Ceci pour permettre aux médecins, sans attendre une consultation appropriée, de faire gagner du temps à leurs patients en parvenant au diagnostic, en effectuant les quelques examens paracliniques nécessaires, en rédigeant les certificats médicaux pour l’accession à l’ALD et à la MDPH mais aussi au PAI pour les enfants, en sachant éviter les thérapeutiques à risque chez ces patients fragiles, en déjouer les déviances thérapeutiques, très fréquentes par ignorance des signes du SED par la très grande majorité du corps médical.

Ces recommandations comportent cinq volets :

1 - Les clés méthodologiques pour aborder le diagnostic d’Ehlers-Danlos.

2 - Faire le diagnostic et le bilan clinique et paraclinique d’Ehlers-Danlos.

3 - Ce qu’il faut éviter de faire.

4 - Mettre en place le traitement

5 - Déclencher les démarches d’inclusion et de réadaptation sociales.

Nous proposons ici les trois premiers volets, ainsi qu’une grille d'aide au diagnostic, un modèle de certificat, un questionnaire pour les patients, un document sur les urgences.

 

GUIDE PRATIQUE

à l'intention des médecins

1 - Quelques clés méthodologiques pour aborder la maladie d’Ehlers-Danlos

La description par Ehlers du cas d’un étudiant en droit présentant une tendance hémorragique, une peau étirable (cutis laxa) et des luxations spontanées des doigts date du 15 décembre 1900 (Copenhague). Depuis cette première description déjà très complète mais peu diffusée (elle a été publiée en allemand), cette maladie a connu une errance sémiologique peu commune dans l’Histoire de la Médecine, oscillant entre une banalisation extrême de l’hypermobilité articulaire dominée par l’image spectaculaire et amusante du contorsionniste d’un côté et cette d’une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de celui qui est atteint d’une forme vasculaire de la maladie, exposé à des complications cataclysmiques de rupture artérielle, intestinale ou utérine avec un pronostic entaché de léthalité.

La polarisation diagnostique sur deux signes inconstants et mal interprétés, l’étirabilité excessive de la peau et l’hypermobilité articulaire a fait négliger, voire abusivement exclure, des symptômes et signes très fréquents (donc à forte valeur diagnostique) et, surtout, importants par les multiples situations de handicap dont ils sont responsables. Ce sont la fatigue et les troubles du sommeil, les douleurs multiples, les hémorragies, les difficultés respiratoires, les troubles digestifs, vésico-sphinctériens, bucco-dentaires, ORL, ophtalmologiques, dysautonomiques, dystoniques, gynéco-obstétricaux, cognitifs, et même dermatologiques ce qui est paradoxal pour une maladie qui porte le nom de deux dermatologues. C’est assez souligner l’ignorance dans laquelle se trouvent actuellement les médecins face à une maladie qui, contrairement au cadre dans lequel on a voulu l’enfermer, n’est pas une maladie rare, bien au contraire, que tout praticien de la médecine clinique est conduit à rencontrer.

L’évolution des pratiques médicales n’a pas été favorable pour les personnes avec un Ehlers-Danlos, comme le souligne très bien Pierre Le Coz, vice-président du Comité national d’éthique (in « Enseigner que la Médecine est aussi un Art», Courrier de l’éthique médicale, (9), n°1, 1er semestre 2010 », il y a un « effacement de la clinique au profit de la technique. La Médecine devient une Médecine d’Organes qui oublie qu’en dehors de l’organe qui se voit, il y a un corps qui se vit…L’exploration de l‘organisme remplace la rencontre avec le visage et les chiffres se substituent aux mots. ». La maladie d’Ehlers-Danlos et ceux qui en souffrent, sont totalement en situation de handicap face à un corps médical, qui ne croit plus à la clinique et, ce qui est plus grave, selon nous, ne fait plus confiance au patient/malade,  qui est la base d’un dialogue créatif nécessaire au diagnostic et à l’organisation des  soins. La multiplicité des symptômes qui oriente vers une maladie « multi organes » et constitue, en soi, un argument diagnostic très puissant, désoriente, au contraire, la plupart des médecins éduqués très jeunes à une « médecine à la pièce détachée » (Henri Margeat). Cette richesse du tableau clinique est même perçue comme suspecte de fantasmes ou de « maladies imaginaires » quand on n’évoque pas « le syndrome de Münchhausen ». Le fait que le diagnostic soit strictement clinique en l’absence de test paraclinique, contribue à la dévaloriser dans l’esprit des médecins et les met mal à l’aise face à son identification qu’ils ont tendance à remettre très souvent en doute devant de nouvelles manifestations, pourtant, de toute évidence, en lien avec elle. Cette attitude est favorisée par le comportement même du syndrome d’Ehlers-Danlos dans lequel on observe des « crises » avec une majoration des symptômes existants ou la survenue de nouveaux symptômes jusque-là inapparents ou mal identifié, pouvant faire évoquer aune autre pathologie.

Les données physiopathologiques sont indispensables pour la compréhension des symptômes et la mise en place de la prévention et des traitements. Il s’agit d’une maladie de la trame conjonctive qui soutient et relie tous nos organes et représente environ 80% de notre masse corporelle, incluant le système osseux, les dents, les vaisseaux, la peau, les muqueuses, le tube digestif, l’appareil respiratoire, l’appareil génital, les voies urinaires, les organes de la vision, de l’audition, de l’olfaction et de la gustation, les méninges et une partie des constituants du cerveau  et de la moelle. La lésion à l’origine des manifestations de la maladie est une altération, d’origine génétique, de la trame collagène (29 sortes de collagènes ont été identifiés (premier symposium international sur le syndrome d’Ehlers-Danlos Gant Septembre 2012) qui apporte aux tissus des propriétés biomécaniques particulières  : « les collagènes sont aux tissus l’équivalent de l’acier dans le béton armé, sa résistance à la traction est proche de celle de l’acier ou équivalente aux cordages des raquettes de tennis P. Bououyrie. Cette altération est responsable dans la maladie d’Ehlers-Danlos de la finesse et de la fragilité des tissus, ceci explique que la peau protège moins bien des champs électriques par perte de sa capacitance et que les petits vaisseaux saignent plus facilement expliquant le syndrome hémorragique présent dans toutes les formes cliniques du syndrome. Elle a aussi pour conséquence la perte ou la diminution de l’élasticité tissulaire, ce qui perturbe les réactions des capteurs de toute sorte qui sont implantés dans les tissus conjonctifs. Ces réactions se font dans le sens de l’exagération, communément sur un mode douloureux pour les tendons et la peau, mais aussi d’hyperacousie, d’hyperosmie. Elles se font aussi dans le sens de la diminution ou de l’absence de réaction des capteurs qui n’informent pas les centres neurologiques de régulation des mouvements de ce qui se passe en périphérie. Ceci permet d’interpréter l’ensemble du syndrome proprioceptif diffus observé dans cette maladie. Il s’agit des dérobements de chevilles ou de genoux (pseudo entorses), les maladresses lors de l’utilisation de la main, mais aussi les pauses respiratoires  à la montée d’un escalier et probablement, non perception de vessie pleine, la constipation et le ballonnement abdominal et la non ouverture du col utérin lors d’un accouchement, alors que le travail avec contractions utérines est entamé. La combinaison des dysfonctionnements des capteurs oculomoteurs, cervicaux, bucco-dentaires, vestibulaires, du tronc, des membres inférieurs et plantaires contribue largement aux désordres posturaux et de perception de l’espace, observés dans la maladie. L’absence de fiabilité des capteurs ont, probablement aussi, une responsabilité dans le déclanchement de deux manifestations fréquentes dans la maladie d’Ehlers-Danlos : la dysautonomie et la dystonie. Ces quelques hypothèses physiopathologiques servent de base à un raisonnement clinique et thérapeutique (qui a permis de vérifier certaines d’entre elles)  et pédagogique vis-à-vis des patients qui peuvent ainsi mieux appréhender la compréhension de leur maladie, prévenir ses symptômes, éviter les thérapeutiques dangereuses et appliquer efficacement les traitements appropriés.

Le contexte génétique contribue au diagnostic et est indispensable à connaître pour dépister d’autres cas dans une même famille et permettre les conseils génétiques appropriés. La transmission est autosomique, touchant les deux sexes. Contrairement à ce qui est habituellement avancé, la transmission n’est pas autosomique dominante mais concerne tous les enfants lorsqu’un des parents est atteint avec une prégnance variable du gène. Nous l’avons vérifié chez 35 familles dont nous avons pu examiner la totalité des enfants. La répartition des symptômes est très hétérogène y compris dans les 11 couples de jumeaux hétérozygotes que nous avons examinés. Il y a une différenciation nette de la sévérité des symptômes entre les deux sexes. La sévérité est nettement plus marquée pour le sexe féminin. Ces données  nouvelles sur le mode de transmission de la maladie d’Ehlers-Danlos, contribuent à éclairer une autre réalité qui donne toute sa dimension médicale et sociale à cette pathologie : c’est une maladie dont la prévalence est située très, très nettement au-delà des quelques milliers de cas annoncés par les sites internet officiels En s’appuyant sur le nombre de patients suivis par les médecins généralistes qui savent faire ce diagnostic et qui nous adressent régulièrement des patients, nous pouvons avancer, en nous référant  au nombre de généralistes exerçant en France, qu’il y a plus de 500.000 cas de personnes avec une maladie d’Ehlers-Danlos vivant en France.

 

2 - Faire le diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos.

Les circonstances du diagnostic.

Deux cas se présentent :

La maladie d’Ehlers-Danlos est connue dans la famille (ascendants, collatéraux, descendants) et il convient de rechercher les signes apparentés au syndrome pour apprécier les symptômes présents et leur importance avec les conséquences thérapeutiques qui en découlent.
La maladie n’est pas connue et il convient de l’évoquer devant certains tableaux cliniques et de l’identifier.

Les tableaux évocateurs.

Certaines circonstances doivent faire évoquer systématiquement la maladie d’Ehlers-Danlos qui apparaît, par sa fréquence, l’une de causes la plus probable mais, jusqu’à présent, habituellement oubliée. Il s’agit d’une luxation de hanche ou un pied bot à la naissance, de luxations répétées, de l’épaule ou d’une autre articulation (mâchoire en particulier), d’ecchymoses fréquentes pour des traumatismes minimes, de la constatation de vergetures en dehors d’une grossesse, de la présence d’extrémités froides  évoquant un syndrome de Raynaud, de crises de tachycardie, d’un tableau d’endométriose, de l’association reflux gastro-œsophagien, constipation, ballonnement, d’un syndrome abdominal très aigu sans explication ou d’une crise de dyspnée intense chez un enfant ou un adulte, de pneumothorax  récidivants, d’une crise dystonique avec contractures handicapantes... Mais les circonstances les plus fréquentes sont représentées par la survenue d’un tableau asthéno-algique rebelle aux thérapeutiques ou de désordres moteurs à type de maladresses (heurts d’obstacles, lâcher d’objets). Bien souvent, le tableau clinique, parce qu’il est quasiment totalement méconnu, est confondu avec des diagnostics plus familiers pour le médecin tels que fibromyalgie, sclérose en plaque, maladie musculaire, myasthénie, spondylarthrite ankylosante, polyarthrite rhumatoïde, arthrose, syndrome du canal carpien, maladie de Lyme, maladie de Crohn, maladie caeliaque, asthme,  syndrome de Gougerot-Sjögren ou d’Hashimoto, voire hémophilie. Une place particulière doit être réservée à la psychiatrisation de ces patients  qui s’entendent souvent dire par leurs médecins : « c’est dans la tête » et qui se retrouvent souvent traités pour dépression, syndrome bipolaire, voire autisme avec des hospitalisations en milieu spécialisé injustifiées. Bien souvent, c’est à l’occasion du suivi pour l’un de ces diagnostics qu’une remise en cause par le médecin ou, bien souvent par le patient lui-même, survient.

Conduite pratique de l’examen clinique

« Ecoutez votre patient,  il vous fera le diagnostic » (Osler, 1900, Baltimore).
« Il n’y a pas de meilleur livre pour le médecin que le malade » (Baglivi, Padoue, 17ème siècle)

Il repose essentiellement sur l’interrogatoire, un examen clinique simple et la mise en évidence d’au moins un autre cas familial, prouvant le caractère génétique.

Spontanément, le patient peut donner des informations cliniques très utiles et dans beaucoup de cas, il a préparé une liste de symptôme, de peur de les oublier du fait de difficultés avec sa mémoire de travail. Le mieux est de disposer d’une liste de questions préparées et présentées soit sous la forme d’un certificat médical sur lequel, il suffira de rayer les symptômes et signes absents ou bien d’une grille-résumé d’observation avec quantification de 0 à 4 selon la sévérité, ce qui permet d’établir des scores de sévérité et de suivre l’évolution. Des exemplaires de ces documents qui sont utilisés à la Consultation Ehlers-Danlos à l’Hôtel-Dieu de Paris sont reproduits en annexe. Les symptômes et signes figurant sur ces documents contribuent tous au diagnostic mais certains d’entre eux ont plus de poids pour établir un diagnostic, encore contesté  parce que mal connu et incomplètement décrit, du fait de leur reconnaissance internationale, notamment dans la Classification internationale de Villefranche (1987) établie par les généticiens. Notre propre expérience s’appuie sur une cohorte de plus de 1800 personnes, atteintes de la maladie d’Ehlers-Danlos rassemblées en  16 ans. En utilisant ces listes de signes on dispose d’un instrument clinique conduisant au diagnostic.

Les signes cliniques les plus reconnus par la collectivité médicale

1 - Les modifications de la peau. La peau est fine perméable aux champs électriques ce qui provoque des sensations de décharges électriques lorsque la personne pose la main sur une portière de voiture (signe de la portière) à ou un caddy, ou encore touche une autre personne. Elle est transparente, laissant apparaître le lacis veineux sous-cutanés (face antérieure de l’avant-bras, région thoracique sus-mammaire, dos). Elle est douce, veloutée au toucher (« signe de la peau de bébé »). Elle est le siège de vergetures abondantes (fesses, dos, cuisses, seins). Elle cicatrise avec lenteur, laissant des cicatrices apparentes, plutôt papyracées que chéloïdes, elle est responsable, aussi, de lâchages de sutures après chirurgie. Elle se blesse facilement, même avec une feuille de papier, s’écorche facilement, autour des ongles en particulier, ces derniers peuvent être fragiles, ainsi que les cheveux avec rarement de véritables alopécies. Elle est parfois étirable mais pas dans les proportions décrites par Danlos qui a confondu la maladie qui porte son nom avec le pseudo xanthome élastique. Cette étirabilité se recherche non pas sur le dos de la main où cela est fait habituellement mais au niveau de la peau du cou, du visage (« signe du hamster ») et des paupières. Pour que le test soit positif, il faut que la longueur de peau étirée soit au moins égale à celle qui est pincée (Ehlers). L’étirabilité de la peau peut être absente, ce qui ne doit en aucun cas éliminer le diagnostic comme cela est encore malheureusement courant !

Parmi les modifications cutanées observées nous avons aussi constaté la relative fréquence des peaux sèches, pseudo eczémateuses ou psoriasiformes, des prurits à l’origine de lésions cutanées sanguinolentes, lentes à cicatriser. D’autres manifestations évoquent une participation aux désordres vasomoteurs : les bouffées vasomotrices avec des vasodilatations diffuses ou localisées aux extrémités. Ces dernières, associées à des sensations subjectives et objectives de froid, se rapprochent de la sémiologie des syndromes de Raynaud. On peut en rapprocher les aspects marmoréens plus ou moins étendus plus ou moins éphémères.

2 - L’hypermobilité ou hyperlaxité articulaire. Elle est variable selon les articulations et les périodes de la vie pouvant être évidente dans l’enfance ou l’adolescence permettant de mettre un ou même deux pieds derrière la tête, de faire le grand écart facial, de toucher l’occiput avec l’extrémité des pieds, le rachis en hyperextension et disparaître à l’âge adulte. Il est donc important, dans cette maladie génétique de tenir compte de sa présence à un moment ou l’autre de la vie et pas seulement au moment de l’examen. En période de douleurs avec contractures musculaires sa recherche peut être entravée. Le test le plus répandu est celui de Beighton qui est évalué sur 9 points. Il apprécie l’hypermobilité en testant 10 articulations (métacarpo-phalangiennes du Vème doigt, poignets, coudes, genoux, hanches) en mobilisations passives. Les manœuvres suivantes sont utilisées : hyperextension bilatérale de la 5ème métacarpo-phalangienne 2 points, possibilité de toucher l’avant-bras, pouce en hyperflexion des deux côtés : 2 points, recurvatum bilatéral du coude à 10 degrés ou plus : 2 points, recurvatum bilatéral à 10 degrés ou plus des deux genoux : 2 points, possibilité de toucher le sol avec la paume des mains, sans plier les genoux (ce qui teste la flexion des hanches) : 1 point. Le test est reconnu « positif » selon des scores variables avec les auteurs, généralement 4 ou 5. Ce test peut être faussé par la présence de rétractions des muscles ischio-jambiers qui est très fréquente (47, 5%) dans une de nos enquêtes récente sur 232 cas. La présence de ces rétractions est si fréquente que nous la considérons comme un signe en faveur de la maladie d’Ehlers-Danlos, chez l’enfant. Une autre façon, plus fiable et plus simple, de mette en évidence l’hypermobilité est de tester l’amplitude de l’articulation scapulohumérale, omoplate bloquée (test de Cypel), si elle atteint 120°, il y a hypermobilité. L’épreuve talon-fesse (possibilité de toucher la fesse avec le talon, en décubitus ventral), en dehors d’une obésité ou d’une douleur du genou qui faussent l’épreuve, est également un bon signe d’hypermobilité. Les rotations cervicales, la pronosupination excessives, la superposition des doigts, sont d’autres témoins de cette hyperlaxité des ligaments passifs et actifs des articulations. L’hypermobilité des articulations temporo-maxillaires fait partie du même tableau clinique.

3 - Les «désordres » articulaires et locomoteurs. Cet ensemble de manifestations regroupe les dérobements articulaires, pseudo entorses, blocages et craquements articulaires, les luxations (épaules, hanches, rotule, doigts, coudes), mais aussi les maladresses, avec heurts d’obstacles (les portes surtout : signe de la porte) et les signes de dystonie (mouvements involontaires brusque, tremblements, tressautements musculaires myocloniques). Ce dérangement proprioceptif peut être majeur, conduisant à de très grosses difficultés de marche, à des chutes fréquentes. Il est responsable du très grand inconfort postural en position deboutet assise qui incite le patient à bouger à la recherche d’une meilleure sensation corporelle et d’un positionnement plus acceptable. Le recours aux aides à la marche et aux fauteuils roulant s’impose alors. Du fait des très grosses difficultés à utiliser les membres supérieurs pour propulser un fauteuil, conduit à l’usage de fauteuils motorisés ou de scooters électriques qui sont, parfois, le seul moyen de maintenir une activité sociale. Les perturbations motrices peuvent prendre l’allure de tableaux, « neurologiques », de déficits moteurs et sensitifs résolutifs que nous interprétons comme des troubles majeurs de la proprioception ou bien de contractures persistantes des membres que nous rattachons à la dystonie. Ces manifestations, parfois spectaculaires, sont habituellement résolutives et réagissent, plutôt favorablement, aux antiparkinsoniens et, pour les difficultés de marche au grand appareillage. De telles difficultés avec la motricité et la posture du corps contrastent avec les performances sportives (danse, équitation, gymnastique, sports de combat, natation) durant l’enfance et l’adolescence. Ce paradoxe apparent est très fréquent et ne doit pas faire remettre en cause la véracité des plaintes de ces patients.

Dans ce chapitre des manifestations articulaires entrent la scoliose et l’aspect des pieds. La scoliose est considérée, traditionnellement comme une complication importante du SED. Ce n’est pas ce que nous avons observé. Il faut d’ailleurs être très méfiant vis-à-vis de l’interprétation radiologique et ne mesurer l’angle de Cobb que sur des clichés pris en position couché. En effet, du fait de l’hypermobilité rachidienne, notamment compris dans le sens de la rotation, de fausses images de scoliose peuvent se voir sur les clichés pris debout. Il faut donc exiger des clichés pris en position couchée. Ceci explique le cas que nous avons rencontré, à deux reprises, à notre consultation, d’enfants traités par corset rigide diurne et nocturne pour une  scoliose qui n’existait pas. Celle-ci peut d’ailleurs être éliminée facilement par la manœuvre du déroulement vertébral, en faisant pencher le dos et le cou de l’enfant et en observant l’existence ou non, en se plaçant devant et derrière l’enfant, d’une gibbosité dorsale ou d’une voussure lombaire. Il est habituel dans le récit des patients d’entendre évoquer l’existence d’une scoliose de l’enfance « guérie » par une kinésithérapie simple dont on sait, qu’en l’absence de corset, elle n’a aucune efficacité dans la scoliose (surtout dans le contexte tissulaire du SED !).  Très souvent, l’examen clinique qui doit être systématique chez tous les enfants et adolescents, détecte une miniscoliose (voussure lombaire, le plus souvent) qui justifie un suivi radiologique sur un cliché de face seul (le profil est inutile) tous les trois ou six mois, selon l’âge de l’enfant et l’état de soudure des noyaux iliaques de Risser. Très rarement, certains enfants et adolescents développent des scolioses  qui justifient, du fait de leur amplitude (plus de 20°) un traitement spécialisé par corset et rééducation, en tenant compte des particularités du SED (fragilité de la peau, des côtes souvent douloureuses, hypermobilité…). Les traitements par traction vertébrale de nuit (TVN) de Cotrel nous semblent contre indiquées ici. Très rarement, nous avons observé des scolioses évolutives chez l’adulte pour lesquelles nous avons fait le choix de la chirurgie.

Le pied dans le SED est un élément très important. En effet, un des moyens très efficace de corriger les désordres proprioceptifs est l’utilisation d’orthèses plantaires appropriées. Ce que nous avons appelé « le pied du SED » comporte l’association d’un avant pied plat de Lelièvre, d’une rétraction plantaire pouvant donner le change avec un pied creux (ce qui ne doit pas se traduire par une barre rétrocapitale pour pied creux, comme c’est trop souvent le cas !)  et d’un arrière pied bien axé (pas de valgisation du talon). Ces aspects s’observent bien sur un podoscope mais peuvent être constatés par l’observation et la palpation du pied. En son absence. Dans quelques cas, surtout chez l’enfant, c’est l’ensemble du pied qui est plat avec un valgus de l’arrière pied qu’il ne faudra pas corriger complètement du fait de l’hypermobilité et du risque de bascule excessive. Une subluxation du cinquième métatarsien peut s’observe, de même qu’un hallux valgus (à ne pas opérer) et des chevauchements d’orteils. La luxation des tendons péroniers latéraux devant la malléole externe est assez souvent observée et confondue avec une banale entorse, cette sortie de la poulie de réflexion rétromalléolaire, souvent handicapante, a pu être réparée chirurgicalement, avec succès, dans un des cas que nous avons suivi, après un premier échec.

Un tableau clinique composé des éléments précédemment décrits est en pleine conformité avec les critères reconnus par la communauté scientifique internationale pour identifier le syndrome d’Ehlers-Danlos. Il ne peut donc pas être contesté par les médecins conseils et les médecins des MDPH ou toute autre forme de médecine de contrôle, y compris en cas de traumatismes habituellement responsables d’une accentuation de la symptomatologie du SED.

Ces éléments, déjà suffisants pour un diagnostic de certitude, sont renforcés par la présence de nombreuses autres manifestations qui sont habituelles dans cette affection et que nous allons maintenant envisager et par la découverte, dans la même famille, d’un ou de plusieurs autres cas analogues, même incomplets, ces formes avec manifestations partielles étant probablement les plus fréquentes mais, aussi, les plus difficiles à reconnaître.

Les autres manifestations (elles sont présentes dans la grille d’analyse, ci-jointe).

Celles qui ont la plus forte valeur diagnostique sont :
les douleurs, l’asthénie, le syndrome dysautonomique (sueurs, extrémités froides, tachycardie surtout), la tendance hémorragique, les troubles digestifs (reflux, constipation, ballonnements), les altérations buccodentaires sévères, l’hyperacousie, l’hyperosmie, les altérations de la binocularité, les dyspnées paroxystiques ou à l’effort, les accouchements difficiles, les altérations cognitives (mémoire & attention surtout).

Les douleurs

Elles ont pour caractéristiques d’être diffuses (articulaires et périarticulaires,  musculaires, cutanées, abdominales, costales,, génitales, migraineuses), très intenses (il faut toujours croire ces patients dont tout le corps est douloureux de façon déconcertante) et variable, permanentes (cotées à 2 en EVA), évoluant volontiers par crises  ( cotées à 12 sur une EVA à 10, insuffisante pour exprimer ce qu’ils ressentent), rebelles aux antalgiques les plus forts dont ils ressentent fortement les effets indésirables, souvent nocturnes (rôle de la vasomotricité), facilitées par l’effort mais souvent avec un décalage au lendemain avec une « dette » d’effort de plusieurs jours.  Elles sont influencées par les facteurs hormonaux (cycle menstruel, grossesses avec parfois diminution, accouchements), climatiques avec un effet bénéfique des climats chauds et secs, traumatiques avec déclanchements d’évènements douloureux à moyen et parfois log terme constituant une aggravation très nette de la maladie qui pose des problèmes médico-légaux de responsabilité. Le caractère douloureux de ce corps impose beaucoup de soin et de douceur lors de l’examen qui pourrait être vécu comme un traumatisme.

La fatigue

C’est le symptôme qui est considéré comme étant le plus handicapant, contre lequel, les patients se sentent les plus démunis. Elle s’accompagne de sensations de lourdeurs des membres, comparés à du plomb. Présente dès le réveil, elle s’accentue dans la journée, après les repas en particulier. Des crises de somnolence peuvent survenir, en classe, devant la télévision, mais aussi au volant de la voiture.

Les troubles du sommeil

Ils sont quasi constants, contrastant avec la somnolence diurne qui est fréquente et  sont vécus comme très pénibles. Il s’agit de difficultés à l’endormissement, de réveils fréquents, de crises d’insomnie, d’agitation, de sommeil non réparateur. Les études polysomnologiques n’ont pas mis en évidence d’apnées du sommeil importantes. Des pauses respiratoires ont été observées.

La dysautonomie

Elle est constante et se traduit par une frilosité mais aussi une intolérance aux grandes chaleurs humides, des variations thermiques allant d’une température basale parfois à 35°C à des poussées thermiques importantes, en dehors de toute infection et des sueurs, déjà décrites par Ehlers chez son patient, soit diurnes, soit nocturnes, intéressant le crâne et la partie haute du tronc, froides, trempant les draps. A l’inverse, les muqueuses nasales, buccales, conjonctivales et génitales peuvent être sèches, prêtant à la confusion avec un syndrome de Gougerot-Sjögren, très en vogue actuellement. L’hypotension artérielle est habituelle, variable (cause de malaises lipothymiques) mais, surtout instable avec la possibilité de poussées tensionnelles vis-à-vis desquelles, il faut être prudent avant de mettre en place un traitement hypotenseur. Les troubles vasomoteurs sont très fréquents : les extrémités sont froides, évoquant un syndrome de Raynaud, mais peuvent subir des accès de vasodilatation avec augmentation de la température locale ? On peut en rapprocher les aspects marbrés éphémères, diffus ou localisés, souvent observés. Ces phénomènes vasculaires jouent très probablement un rôle dans l’apparition de phénomènes douloureux nocturnes mais aussi par la diffusion de certaines douleurs aux trajets insolites. D’autres manifestations (digestives, vésico-sphinctériennes, ORL…) ont peut-être une origine, au moins partielle, dysautonomique Les traitements ne sont pas faciles dans ce contexte polymorphe, instable.

Le syndrome hémorragique

Il est quasi constant dans toutes les formes de la maladie d’Ehlers-Danlos et pas seulement dans les formes « vasculaires » avec plusieurs localisations anévrysmales. Il est la conséquence de la fragilité des petits vaisseaux en l’absence de d’altérations de la crase sanguine. Cette notion est à bien connaître pour éviter des accidents thérapeutiques par administration intempestive d’anticoagulants ou d’antiagrégants plaquettaires, d’anti-inflammatoires sans protection gastro-intestinale, les hémorragies peropératoires  y compris  en chirurgie dentaire ou lors d’accouchements. Mais aussi pour ne pas porter l’accusation de violences parentales devant un enfant couvert d’ecchymoses, ce qui n’est pas exceptionnel.

L’appareil cardio-vasculaire

Il est également concerné par l’altération du conjonctif et du collagène. Les artères sont fragiles, pouvant être le siège d’anévrysmes ou de dissections à quelque niveau que ce soit, depuis l’aorte jusqu’aux artères terminales. Cette fragilité fait qu’elles peuvent âtre lésées par étirement (manœuvre d’Hippocrate pour réduire une luxation de l’épaule, par exemple, lancer de javelot ou de poids, ponction artérielle, manipulation cervicale ostéopathique arrachant l’artère vertébrale). L’auscultation décèle rarement un souffle carotidien ou fémoral. Il faudra, au minimum, effectuer un échodopller de tout l’arbre artériel accessible à cette technique qui sera complété par un angioIRM cérébral en cas de découverte d’un anévrysme périphérique ou de notion d’autres cas de lésion anévrysmale dans la famille. Cette exploration est nécessaire dans toutes les formes de maladie d’Ehlers-Danlos et pas seulement dans celles qui sont suspectées d’être « vasculaires ». Ceci permet le dépistage, la surveillance et, si nécessaire, le traitement chirurgical. Ces découvertes sont heureusement rares mais nous en découvrons de temps en temps. Au niveau du cœur, on retrouve, assez fréquemment un souffle discret qui est symptomatique d’une fuite  aortique ou mitrale. L’échographie cardiaque objective la fuite et/ ou un bombement d’une valve sans aucune conséquence hémodynamique. Sur les 1800 patients ayant un syndrome d’Ehlers-Danlos que nous avons examinés, nous n’avons pas rencontré d’insuffisance cardiaque. L’état veineux est défectueux, les veines sont fragiles et se rompent facilement lors des ponctions, des paquets variqueux peuvent se former, les hémorroïdes sont fréquentes. La chirurgie veineuse et les scléroses sont inconstamment suivis d’effets et provoquent des saignements abondants dans un contexte de cicatrisation difficile. Les œdèmes sont très fréquents, superficiels aux extrémités avec gonflements mous, ailleurs de consistance ferme évoquant plutôt un lymphoedème (Roland Jaussaud), ce qui expliquerait certaines douleurs nocturnes, en particulier des membres inférieurs et le succès de la pressothérapie dans  de tels cas. Les phlébites n’apparaissent pas comme une complication fréquemment rencontrée dans la maladie d’Ehlers-Danlos, par contre, elle est fréquemment évoquée à tort, devant des douleurs des mollets (ce qui est très banal dans cette maladie) et un œdème. L’échodopler veineux est difficile à interpréter face à ce lacis de vaisseaux distendu et l’incitation à mettre sous anticoagulants est très forte mais très dangereuse, compte-tenu du risque hémorragique chez ces patients. Nous avons observé un cas semblable chez une femme qui a fait un double syndrome des loges (bras et avant-bras) après ponction veineuse de contrôle avec début de gangrène de tout le membre supérieur droit. Elle a échappé à l’amputation grâce au sang-froid et à l’intelligence du chirurgien qui a préféré faire une aponévrectomie du creux axillaire au canal carpien plutôt que de l’amputer comme prévu. Le syndrome d’Ehlers-Danlos a fait la suite, par sa souplesse tissulaire en évitant la survenue d’un Volkman mais au prix d’une longue et large cicatrice. Certaines veines ont des dilatations anévrysmales qui ne nécessitent qu’une surveillance clinique et échographique régulière. En fait, la majorité des manifestations à expression cardiovasculaires sont le fait de la dysautonomie : crises de tachycardie sinusale, extrasystoles, hypotension artérielle, troubles vasomoteurs.

Les troubles digestifs et la paroi abdominale

Les douleurs abdominales sont très fréquentes  sous la forme de crises très aiguës, de douleurs épigastriques à type de brûlures atroces, d’enfoncement d’un couteau ou d’une barre de fer rouge, de crampes profondes. Plus fréquentes chez les enfants, elles peuvent survenir à tout âge. Elles conduisent volontiers aux urgences hospitalières où les investigations, devant ce ventre pseudo chirurgical sont négatives. En dehors de ces crises, le ventre est douloureux quasiment en permanence: douleurs en cadre, douleurs des hypochondres, des fosses iliaques ou plus basses, pelviennes, évoquant une origine géniale. Elles peuvent  évoquer un syndrome appendiculaire ou vésiculaire. Il convient, à ce propos d’être très vigilant car les calculs vésiculaires semblent particulièrement fréquents (rôle de la stase biliaire?), à l’origine de cholécystite dont le diagnostic peut être très délicat du fait de la souplesse de la paroi abdominale masquant une contracture, des irradiations aberrantes des douleurs vers le dos et non pas l’épaule droite), de l’inconstance des poussées thermiques, de la facilité pour l’infection de ses développer dans ces tissus distensibles. Il en est, de même, pour l’inflammation appendiculaire qui se transforme volontiers en abcès menaçant pour le péritoine. C’est dire qu’une décision opératoire sera à prendre, en cas de doute, en sachant les risques hémorragiques et de cicatrisation dans ce syndrome. Les reflux gastro-œsophagiens sont particulièrement fréquents et à l’origine d’irritations bucco-pharyngo-trachéobronchiques. Ils peuvent survenir à la fin des repas, provoquant une sensation de brûlure rétrosternale très pénible accompagnée ou non de toux par inondation bronchique, ailleurs ils sont nocturnes, cause de réveils avec des quintes de toux et une sensation d’étouffement. Ailleurs, plus discrets, ils se signalent par un goût de « vomi » au fond de la gorge, au moment du réveil. La constipation est fréquente pouvant aller jusqu’au syndrome subocclusif et à l’occlusion. Elle peut alterner avec des périodes de « débâcles » diarrhéiques. Plus rarement, elle manque ou l’on observe ce sont des épisodes d’accélération du transit ou d’intolérance intestinale. Les ballonnements abdominaux sont également fréquents et souvent importants, gênant l’habillage, position assise mais aussi le jeu diaphragmatique et provoquant, par pression continue, des douleurs xiphoïdiennes et costales qui contribuent aux difficultés respiratoires. Les fausses routes sont souvent observées, concernant les aliments ou la salive, à l’origine de réveils nocturnes pénibles ainsi que les dysphagies. Il existe, parfois une incontinence anale vis-à-vis de laquelle, il faudra être très circonspect pour ce qui est des solutions chirurgicales, la rééducation peut être tentée. La paroi abdominale  est le siège, habituellement, de vergetures, l’examen des orifices herniaires peut objectiver des hernies ombilicales ou inguinales. Les cicatrices opératoires sont apparentes, des éventrations possibles. La palpation trouve un abdomen souple, mou et réveille, en profondeur, de nombreuses zones  hyperesthésiques. Le météorisme est  quasi constant, parfois accompagné d’éructations, gênant le jeu des diaphragmes et refoulant douloureusement la xiphoïde.

État bucco-dentaire

Les altérations bucco-dentaires sont très fréquentes. Les articulations temporo-mandibulaires sont douloureuses, parfois limitées dans leur ouverture, gênant l’alimentation et les soins dentaires. Elles craquent, se bloquent (lors d’un bâillement par exemple) ou même se luxent complètement. Les dents poussent de façon anarchique, horizontalement parfois, ou bien sont incluses, l’articulé dentaire est modifié, nécessitant parfois des extractions dentaires et une orthodontie intensive. La forme ogivale du palais est en partie responsable. Les dents sont fragiles, souvent cariées et peuvent casser, elles sont souvent usées par la présence d’un bruxisme fréquent, pouvant imposer une gouttière de nuit. Elles sont souvent mobiles. Les gencives sont rétractées, irritables, douloureuses, saignant facilement. Les lèvres sont souvent décrites comme minces avec une impassibilité du visage que l’on peut retrouver dans toutes les formes du syndrome (« visage de Madone ») qui  donne une impression trompeuse sur le degré de souffrance, souvent très intenses, de ces patientes que le médecin doit bien connaître. Ces particularités des traits du visage font que ces personnes paraissent plus jeunes (de 10 ans environ) que leur âge. Certaines personnes avec un SED arrivent à toucher le bout de leur nez avec le bout de leur langue (signe de Gorlin). Les anesthésies dentaires sont peu efficaces, ce qui constitue un signe en faveur du SED. Ceci est probablement dû à la diffusion rapide du produit anesthésique et contraste avec la remarquable efficacité des microinjections musculaires et para tendineuses dans ce syndrome. Les douleurs dentaires sont ici particulièrement violentes avec une hypersensibilité douloureuse au froid et:/ou au chaud. Les hémorragies sont fréquentes, comme dans toute chirurgie lors de la chirurgie odontologique. Ces difficultés bucco-faciales jouent un rôle important dans les troubles proprioceptifs qui dominent le tableau clinique de ces patients. Les techniques utilisées en posturologie ont, ici, des applications prometteuses à développer.

La vessie et les sphincters

Un signe est fréquent : la diminution du besoin d’uriner. Il est habituel que les patients avec une maladie d’Ehlers-Danlos passent une journée entière sans ressentir le besoin d’uriner par non réactivité des capteurs intravésicaux et du sphincter anal. A l’inverse, cohabitant avec cette sidération vésicale, il y a des urgenturies et parfois des fuites urinaires.

Gynécologie-obstétrique

Parmi nos consultants, les femmes sont largement majoritaires (82%) avec des symptômes plus sévères que les Hommes. Le facteur endocrinien est probablement à l’origine de cette situation. L’accentuation ou la révélation des symptômes les plus handicapants à la période parapubertaire  en est un exemple, l’atténuation possible lors de la grossesse, l’accentuation après l’accouchement.  Ce constat oriente vers un traitement hormonal. Les hémorragies génitales sont abondantes (méno et métrorragies), contribuant à l’appauvrissement en fer, justifiant un traitement, les kystes ovariens  fréquents, sont, le plus souvent, à respecter, les fibromes parfois volumineux et multiples, la dyspareunie est assez souvent présente, accessible à des traitements locaux. Les fausses couches sont plus fréquentes que dans le reste de la population, les grossesses sont exposées à des interruptions précoces, les accouchements sont émaillés d’incidents ou d’accidents (non dilatation du col pendant le travail, hémorragies, déchirures périnéales avec cicatrisation difficile, inefficacité des péridurales avec risque de brèche méningée lors de la ponction lombaire, recours fréquent à la césarienne. Durant l’allaitement, s’il y a eu une amélioration des symptômes, elle se maintient. Par contre, après l’accouchement ou à la fin de l’allaitement, il est habituel d’observer une accentuation de la symptomatologie, ce qui valide encore le rôle des facteurs hormonaux dans cette symptomatologie.

Sexualité masculine

Des douleurs testiculaires ont été observées chez quelques-uns de nos patients. Des ascensions testiculaires peuvent nécessiter une intervention. La chirurgie d'un phimosis, d'un hypospadias ainsi que les circoncisions impliquent d’être prudent, compte-tenu de la fragilité tissulaire et des difficultés de cicatrisation.

La respiration

C'est un fait encore très mal connu que les personnes avec un syndrome d'Ehlers-Danlos ont des manifestations respiratoire, parfois très handicapantes. Cette méconnaissance les écarte des traitements inefficaces et dangereux (les corticoïdes, par exemple). Un signe très fréquent est l’essoufflement, notamment à la montée d'un escalier (signe de l'escalier), probablement par non ou mauvaise transmission des informations de mouvements aux centres respiratoires depuis les mécano-récepteurs des grosses articulations des membres inférieurs. Certains patients nous disent que leur respiration s'arrête, expression subjective du mécanisme physiopathologique en cause. Ailleurs, il s'agit de phénomènes que nous qualifions de «blocages ventilatoires» avec une sensation d'oppression thoracique, de difficulté à faire pénétrer l'air dans les bronches et les poumons, à l’inverse de l'asthme, souvent invoqué dans ces cas, qui est une bradypnée expiratoire. Ces crises, d'allure dramatique conduisent ces patients aux urgences médicales devant des équipes, le plus souvent désemparées. Les mécanismes sont probablement multiples (bronchomalacie, gêne diaphragmatique par ballonnements et/ou troubles proprioceptifs depuis le centre phrénique et les insertions costales de ce grand muscle. Les douleurs thoraciques, sterno-xiphoïdiennes, très fréquentes avec un cartilage costal fragilisé par l'insuffisance collagénique sont d'autre facteurs. La fréquence des bronchites, des affections des voies aériennes supérieures, les fausses routes sont des phénomènes accompagnateurs de cette atteinte respiratoire qui trouve son traitement dans l'utilisation de séances d'oxygénothérapie quotidiennes, couplées ou non au mobilisateur thoracique (percussionnaire). Cette thérapeutique a, aussi, un excellent effet sur la fatigue et les migraines. Dans de rares cas, on observe des pneumothorax récidivants qui réagissent bien aux traitements appropriés et ne contrindiquent pas l'usage du percussionnaire.

La Vision

Les troubles visuels sont quasi constants. Ils sont dominés par des difficultés de convergence avec fatigabilité importante à la lecture des textes et surtout des écrans, majorées par une sensibilité excessive à la lumière naturelle mais aussi artificielle (néons). Les lunettes de confort utilisées en informatique rendent ici des services. Ces dissociations droite-gauche de la vison aboutissent parfois à des inégalités d’acuité visuelle, frisant dans certains cas l’amblyopie pour un œil. Les strabismes, la diplopie sont fréquents. Des amputations de champ visuel ou des amblyopie unilatérales transitoires peuvent s’observer donnant le change avec des affections neurologiques. La myopie domine, l’astigmatisme est fréquent. Les décollements de rétine exceptionnels mais possibles. Comme pour la vision, le rôle des difficultés de vision binoculaires vont jouer un rôle déterminant dans la proprioception et la perception spatiale. Leur correction offrant des perspectives prometteuses pour les personnes avec un SED. Les conjonctives sont fragiles, irritables avec un tableau d'yeux secs (paupières «collantes» le matin, siège de sensations de picotements le jour), les lentilles sont souvent mal tolérées, des ulcérations de la cornée sont possibles. La fente palpébrale peut être rétrécie par le relâchement des tissus péri-oculaires,  avec une limitation du champ visuel. Une chirurgie appropriée par un plasticien bien informé et entraîné peut être efficace.

L’audition

L'hyperacousie est habituelle responsable d'une intolérance aux bruits, surtout s'ils ont une fréquence élevée mais aussi d'une acuité auditive remarquable avec perception des ultra-sons de façon plus performante qu'un chien, de chuchotements au fond de la classe pour un professeur. L'oreille est souvent très «musicale» et nous connaissons, parmi nos patients, plusieurs cas d'oreille absolue. Certains d'entre eux sont des musiciens ou des chanteurs célèbres (la voix peut aussi être modulée de façon remarquable («je suis un acrobate de mes cordes vocales» nous a déclaré un patient, chanteur d'opéra). Ailleurs, c'est un chasseur de sanglier posté qui «entend» la harde venir de là où on ne l'attendait pas. Mais il n'a pas été cru et les sangliers sont sortis  tranquillement du bois. La facilité d'apprendre les langues étrangères en les prononçant avec l'accent qui convient est un des dons que le syndrome d'Ehlers-Danlos apporte à ceux qui en sont atteints. Inversement, on observe des difficultés de l'acuité auditive? Il peut s'agir de pertes authentiques sur certaines fréquences, allant jusqu'à la surdité unilatérale, comme nous l'avons observée dans quelques cas. Ou bien, se sont des hypoacousies circonstancielles, lorsque plusieurs personnes parlent à proximité ou bien, en présence d'un environnement sonore. Nous l'avons appelé le «signe du brouhaha». Les acouphènes sont fréquents, souvent provoqués par un bruit violent, ajoutant cet inconfort à l'hyperacousie. Il y a, globalement, des difficultés de stéréophonie et de localisation des bruits dans l'espace qui peuvent contribuer aux difficultés de repérages spatial.

L'olfaction et la gustation

Un fait remarquable, très fréquent et mal connu est, chez ces patients, est la possession d'un odorat très développé, de sentir une fuite de gaz dans un immeuble voisin, de «sentir le renard» dans un bois comme me l'a indiqué une patiente, de reconnaître les crus plus sûrement que les chevaliers du Tastevin, sans aucun entraînement préalable, de  reconnaître le parfum de la personne qui s'est assise sur un siège une heure plus tôt. Ceci est valable pour le goût; mais fonctionne aussi par excès du fait de la perception trop marquée des mauvaises odeurs.

L'appareil vestibulaire

Les vertiges sont très fréquents, survenant lors de changement de position (passage trop rapide de la position couchée à la position debout) ou de crises paroxystiques vertigineuses pouvant durer quelques jours et entraver la marche. Il faut éviter les antivertigineux centraux qui aggravent et tenter, avec prudence, les techniques de rééducation qui ont fait leurs preuves dans les vertiges paroxystiques bénins par mobilisations rapide de la tête. Il s'agit de vertiges paroxystiques bénins par hyperexcitabilité des cils des canaux semi-circulaires.

Fonctions cognitives (mémoire de travail, attention, concentration, orientation temporelle, orientation spatiale)

Les altérations sont très fréquentes et cohabitent avec une intelligence habituellement très vive, corroborée par les scores de Q.I. impressionnants et par les résultats scolaires brillants malgré les contraintes fonctionnelles de la fatigue, des douleurs et de la proprioception, causes d’absentéisme scolaire. Le sens de l’observation, la rigueur et la logique du raisonnement, la précision du langage, la précocité chez le petit enfant sont d’observation courante. A tel point que ces performances intellectuelles constituent un élément en faveur du diagnostic. Ces capacités de l’intelligence peuvent être entravées  par les difficultés cognitives venant gêner les apprentissages scolaires. C’est le cas de la mémoire de travail avec un oubli à mesure qui oblige, par, exemple, de relire la totalité d’un chapitre interrompu, quelques instants pour retrouver le cours du récit. Ceci explique probablement, la nécessité pour ces patients de continuer à  parler tout au long de la consultation, même au moment de la rédaction des ordonnances, pour ne pas perdre le fil de l’idée à exposer au médecin. Les patients se présentent très souvent avec une auto-observation détaillée d’excellente qualité, de peur d’oublier des informations jugées utiles. Les troubles de l’attention sont principalement induits par le foisonnement des idées qui favorise le passage du « coq à l’âne » avec abandon d’une idée pour une autre, ce qui rend les conversations avec l’entourage parfois déconcertantes. Inversement, ceci facilite la poursuite simultanée de plusieurs taches et la performance au travail. La concentration s’en ressent, surtout dans les périodes de fatigue importante. L’orientation dans le temps et l’organisation (fonctions prospectives) est laborieuse et fait appel à des supports matériels écrits. Le sens de l’orientation est habituellement décrit par les patients et leur entourage comme catastrophique. Ces difficultés cognitives ne sont pas constantes et, en tout cas, pas à tous les moments de la vie. Certaines personnes affichant même une excellente mémoire décrite comme surtout visuelle. Ces données cognitives sont à intégrer dans le syndrome qui domine la vie des personnes avec un syndrome d’Ehlers-Danlos : la proprioceptivité, la dichotomie entre le cerveau et le corps que bien des patients expriment clairement en disant « mon corps ne m’appartient ou ne m’obéit pas. «J’ai la sensation d’être dédoublée : d’un côté mon cerveau et, de l’autre, mon corps ». Il est remarquable que ces notions de proprioceptivité, de mémoire visuelle, sont remarquablement développées dans la pièce de Peter Brooke et  M-H Estienne « The valley of asthonisment » qui fait suite à « l’homme qui prenait sa femme pour un chapeau ». Sur le plan comportemental, ces particularité cognitives conduisent à un état très actif, voire hyperactif. L’émotivité est accentuée, du moins dans ses expressions somatiques, probablement du fait de la dysautonomie. Le diagnostic de dépression est souvent porté, par excès avec des effets proprioceptifs négatifs des traitements qui l’accompagnent. Par contre, la souffrance de ces patients peut être considérable, incluant le sentiment de culpabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants et doit bénéficier de soutien psychologique et, parfois, de l’aide du psychiatrique. L’un et l’autre devant âtre informés de la symptomatologie proprioceptive particulière et mal connue du SED.

Quels examens complémentaires prescrire ?

La confirmation biologique du diagnostic est-elle possible ?

Il n'y a pas actuellement de moyen biologique d'identification du gène. La biopsie cutanée, pratiquée par certains, n'apporte aucun argument de certitude en faveur d'Ehlers-Danlos est souvent douloureuse puisque les anesthésies locales sont souvent inopérantes, lente à cicatriser et . L'identification des collagènes a été utilisée naguère pour identifier divers types de syndromes d'Ehlers-Danlos. Les 11 formes initialement décrites  en cherchant à établir un lien entre l'altération  d'un lien entre le type de collagène altéré et la clinique sont passées à 6 (classification de Villefranche), puis à trois en pratique génétique courante, par ordre de fréquence croissante : vasculaire, classique et hypermobile. Les deux dernières sont difficiles à distinguer. La dernière, la plus fréquente, ne s'est pas vue attribuer de collagène particulier. L'application, la plus courante de ces études collagéniques est l'identification des formes dites « vasculaires » avec anévrysmes artériels par la recherche d'anomalies du Col3 A2. La fiabilité de ce test est relative avec de faux négatifs mais aussi de faux positifs. Il ne s'agit donc d'une technique qui n'est pas de pratique médicale courante. Elle reste réservée aux services de génétique très spécialisés. La clinique et l'enquête familiale suffisent au diagnostic positif.

Par contre, les explorations artérielles à la recherche de lésions artérielles (anévrysme ou dissection) doit être systématique chaque fois que le diagnostic de syndrome d'Ehlers-Danlos est posé. Ce type de complication, due à la fragilité des parois artérielles, peut très rarement se rencontrer dans toutes les formes du syndrome, comme nous l'avons observé chez quelques-uns de nos patients. Au minimum, c'est un échodoppler de la totalité de l'arbre artériel qu'il faut demander (Aorte, troncs brachio-céphaliques, artères des membres (proximales et distales), artères abdominales incluant artères hépatiques, spléniques, rénales, mésentériques. L'échographie cardiaque met souvent en évidence une fuite aortique ou mitrale, des valves bombées sans gravité évolutive. L'insuffisance cardiaque ne pas fait partie du tableau du SED. Si l'interrogatoire met en évidence des antécédents familiaux d'anévrysme de l'aorte ou des artères cérébrales, des explorations plus poussées (angioscanner, IRM artérielle cérébrale) sont indiquée. Il en est de même devant la découverte d'une anomalie à  l'échodoppler. L'artériographie est contrindiquée à cause du risque de blessure artérielle.

L'échographie vésiculaire doit être systématique à la recherche de calculs, assez fréquents dans cette pathologie, probablement par stase vésiculaire excessive. Souvent volumineux et nombreux, ils peuvent migrer dans les canaux pancréatiques et donner des tableaux de pancréatites. Ils peuvent perforer la paroi vésiculaire qui est mince à l'échographie et être responsables de péritonites souvent sévères.

Les radiographies du rachis dorso-lombaire sont nécessaires chez l'enfant ou l'adolescent,  lorsque le test  clinique de déroulement du rachis a détecté une voussure et/ou gibbosité, pour en suivre l'évolution sur la mesure de l'angle de Cobb en même temps que de l'ossification de  la crête iliaque (test de Risser)? Ces clichés, seulement de face (le profil n'apporte rien d'utilisable dans les cas habituels) sont à faire en décubitus, bassin équilibré, pour éviter les rotations trompeuses en position debout. Ils sont à répéter tous les trois ou six mois selon la vitesse de croissance.

Les imageries des articulations des membres et celles du rachis, souvent prescrites, devant des douleurs ou un désordre articulaire sont inutiles et leur négativité même est un argument en faveur du SED. Il faut savoir que les cartilages sont amincis (tout comme la peau) sans, pour autant, indiquer un phénomène d'usure et que les disques intervertébraux sont naturellement bombés, voire déhiscents, du fait même de leur structure collagénique.

Des images de kystes, de nodules ou de plages irrégulières peuvent se rencontrer au niveau du foie, des poumons, du pancréas, des ovaires, des seins et impliquent un suivi d'imagerie. Elles peuvent conduire à des interprétations diagnostiques hasardeuses  des propositions thérapeutiques inappropriées : tuberculose pulmonaire avec deux années de traitement, à cause de l'association (banale dans le SED) d'hémoptysies, syndrome de Caroli et proposition de greffe du foie heureusement refusée par la patiente. Nous avons observés deux cas de méningiome pour lesquels le lien avec le SED nous a paru probable. Quelques exostoses (crâne, articulations) ont été observées. Les calculs des voies urinaires ne semblent pas particulièrement fréquents.

Le dosage de la vitamine D est quasiment constamment bas et même très bas, probablement parce qu'elle est fabriquée à 80% dans la peau. Le taux de fer sérique, du fait des hémorragies répétées, est souvent bas.

Des explorations du sommeil, urodynamiques, respiratoires sont utiles en fonction de la symptomatologie. 

 

3 - Ce qu'il ne faut pas faire. Précautions à prendre pour une personne avec un Syndrome d’Ehlers Danlos

I – Face au risque de saignements

1 - Prévenir le chirurgien, le chirurgien dentiste, l’obstétricien du risque hémorragique lié au syndrome d’Ehlers-Danlos (fragilité des vaisseaux).
2 - Eviter les endoscopies digestives, gastriques, coliques, bronchiques, sauf en cas d’absolue nécessité, il faut alors les réaliser avec prudence.
3 - Eviter les anti-inflammatoires (utilisation possible avec protection gastrique), les cortisoniques, par voie générale, sauf nécessité absolue.
4 - Proscrire les anticoagulants et les anti-agrégants plaquettaires sauf en cas de nécessité extrême.

II – Face à la fragilité de tous les tissus

1 - Prendre les précautions qui conviennent (gestes doux, sutures avec des fils non résobables, durée de cicatrisation augmentée) en cas de suture de plaie ou d’intervention chirurgicale.
2 - Jamais de manipulations cervicales en raison du risque de lésion des artères irriguant le cerveau (vertébrales surtout) et de dégâts articulaires sur une rachis qui n'offre pas de résistance pour guider la manœuvre du manipulateur.
3 - Proscrire, sauf nécessité absolue, la ponction lombaire (risque de brèche méningée). Il en est de même pour les péridurales (lors d'un accouchement en particulier) en sachant qu'elles sont souvent incomplètement efficaces, si elles sont nécessaires, elles doivent être réalisées avec précaution.
4 - Interdire les ponctions artérielles (dosage des gaz du sang, artériographies).
5 - Lors d’une intraveineuse (injection, prélèvement, perfusion), la rupture des veines qui sont fragiles est fréquente.
6 - Attention à l’électricité : la diminution d’épaisseur de la peau diminue par effet de capacitance (résistance+capacité) insuffisant avec perception et transmissions de décharges électriques (signe de la portière de voiture). Le risque d’accidents par électricité est accru.

III – Face à la nécessité d’anesthésies locales (dentaires en particulier)

Il faut savoir que les anesthésies locales (dentaires en particulier) sont souvent peu ou pas efficaces (doubler ou tripler la dose ou recourir à l’anesthésie générale),  probablement par diffusion trop précoce du produit dans des tissus distendus. Il en est de même pour l’ensemble de la chirurgie sous anesthésie locale ou la rachianesthésie et les péridurales en obstétrique. Par contre les multi-injections locales des points musculaires douloureux ou péritendineux sont habituellement remarquablement et durablement efficaces, constituant, même aujourd'hui un des traitements majeurs dans le SED ! Des cas de relative résistance aux anesthésies générales (réveil précoce) nous ont été signalés.

 

Voir aussi :

Les traitements du syndrome d’Ehlers-Danlos

Grille d'aide au diagnostic et de bilan du Syndrome d'Ehlers-Danlos

Questionnaire d’orientation et d’accès au diagnostic à remplir par le patient et son entourage

Accueil et conduite à tenir face aux personnes avec un SED en situation d’urgence