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Claude Hamonet

 

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Syndrome d'Ehlers-Danlos (SED)
Du diagnostic aux traitements

Troisième colloque international, Paris, 2017

 

Résumé

Un troisième colloque international sur le syndrome d'Ehlers-Danlos, « du diagnostic aux traitements », s'est tenu à la faculté de Médecine de l'université Paris-Descartes les 24 et 25 Mars 2017. Il a accueilli des conférenciers de 10 pays différents avec la participation de Lara Bloom (New York), Executive Director de la International Ehlers-Danlos Society. La nouvelle classification des généticiens a été présentée et critiquée. Les nouveaux critères cliniques avec modélisation mathématique ont été présentés. Les aspects suivants ont été développés : biopsie cutanée, gynécologie, proprioception, douleurs, vêtements compressifs et orthèses, oxygénothérapie, sommeil, syndrome d'activation mastocytaire, psychopathologie, autisme, troubles cognitifs, chirurgie, rééducation physique et psychocomportementale.

Mots-clés : Ehlers-Danlos, classifications, biopsies cutanées, syndrome de déficience posturale, hypermobilité, oxygénothérapie, autisme, douleurs, anxiété.

Abstract

Ehlers-Danlos Syndrome (EDS), from diagnosis to treatments. Third international symposium, Paris.

A third international symposium on the syndrome of Ehlers-Danlos from diagnosis to treatments was held at the Faculty of Medicine of the University Paris-Descartes on 24 and 25 March 2017. He welcomed speakers from 10 different countries with the participation of Lara Bloom (New York), Executive Director of the International Ehlers-Danlos Society. The new classification of geneticists was presented and criticized. The new clinical criteria with mathematical modelling were presented. The following aspects have been developed: skin biopsy, gynecology, proprioception, pains, garments and orthotics, oxygentherapy, sleep, syndrome of mastocyts activation, psychopathology, autism, cognitive, disorders surgery, physical, and psychocomportementale rehabilitation.

Key-words: Ehlers-Danlos, Classifications, skin biopsies, Postural impairment syndrome, hypermobility, oxygenotherapy, autism, pains, anxiety.

Ce troisième colloque international sur le syndrome d'Ehlers-Danlos a été organisé par un Comité scientifique pluri universitaire, coordonné par la Professeure Carolina Baeza-Velasco (Université Paris-Descartes), en collaboration avec le Groupe d'études et de recherches sur le syndrome d'Ehlers-Danlos (GERSED). Les traductions simultanées ont été assurées pour l'anglais par Isabelle Brock et, pour l'espagnol, par Carolina Baeza-Velasco. L'idée de ces colloques (les deux premiers ont eu lieu à la Faculté de Médecine de Créteil en 2015 et 2016) s'est forgée devant la méconnaissance de cette maladie héréditaire du tissu conjonctif. Son diagnostic n'est jamais fait ou avec un retard moyen de 23 ans après l'apparition des premiers symptômes évocateurs. Les raisons de cette situation sont liées à l'Histoire de cette maladie initialement décrite par des dermatologues Russe (Tschernogobow, Moscou 1881) et Danois (Ehlers, Copenhague 1900).

Le but de ces colloques est de confronter les expériences de cliniciens de différents pays (10 étaient représentés parmi les intervenants), non seulement sur le diagnostic mais surtout sur les thérapeutiques qui sont quelque peu oubliées, du fait de l'ampleur des discussions nosologiques autour de l'identification de la maladie. La veille du colloque, Le 24 mars, ont eu lieu deux tables rondes sous la forme d'un "brain storming" informel: Le syndrome d'Ehlers-Danlos en 2017 et Le syndrome d’Ehlers-Danlos, modèle proprioceptif d’étude des liens corps-esprit : regard holistique, animées par les Professeurs Rodney Grahame (Londres), Jaime Bravo (Chili) et Antonio Bulbena (Barcelone). Une quarantaine de personnes participaient, intervenants du colloque et membres du GERSED, ainsi que deux patientes, l'une américaine, l'autre française, dans le but de commenter les thérapeutiques utilisées en France et témoigner de leur efficacité. Une journaliste du New York Herald Tribune est également venue se joindre au groupe, ainsi que Lara Bloom (New York) Executive Director de International Ehlers-Danlos Society, organisatrice du colloque de Mai 2016 sur le SED à New York. Cette dernière a présenté le résultat des réunions de consensus qu'elle a animées avec les médecins ayant participé à la réunion de New York. Il en résulte une classification provisoire des formes symptomatiques du SED qui, loin de clarifier une question déjà complexe, crée des zones d'ombre et suscite des controverses. C'est ce qui apparaîtra dans l'exposé de Marco Castori, directeur du Département de génétique médicale de IRCCS-Casa Sollievo della Sofferenza, SGR, Foggia, Italie et membre du groupe de réflexion à New-York sur cette nouvelle division en 13 formes du syndrome d'Ehlers-Danlos qui cherche à rapprocher mutations du collagène et expressions cliniques. Cette nouvelle présentation est totalement centrée sur la pathologie de l'hypermobilité articulaire sous ses divers aspects, alors qu'elle peut manquer dans le SED. Une distinction est faîte entre les formes isolées ou pauci localisées (LJH) et les formes diffuses (GJH) de l'hypermobilité. Le test de Beighton, malgré ses imperfections, est présenté comme le test clinique de base pour mesurer l'hypermobilité avec un aménagement des scores en fonction de l'âge. Bon nombre de manifestations du SED ne sont pas prises en compte, l'autisme en particulier. Une révision est prévue en 2018.

Il apparaît que dans la forme très largement la plus fréquente (naguère dite "hypermobile") il n'y a pas de test génétique. Claude Hamonet a exposé le travail du groupe qui a présenté à l'Académie de Médecine le 29 février 2017 un modèle mathématique (Stanislas Pommeret) de la séméiologie clinique complexe du SED à partir de 626 cas et d'un groupe témoin de sujets sains de 500 personnes. Un diagnostic de certitude est possible aujourd'hui sur les seuls arguments cliniques. Le caractère génétique est confirmé par la mise en évidence d'autres cas dans la famille, la transmission à tous les enfants étant systématique. Les douleurs diffuses, la fatigue, le syndrome hémorragique, la fragilité de la peau, les troubles digestifs, l'hypermobilité figurent parmi les signes les plus évocateurs pour le dépistage.

La Professeure Trinh Hermanns-Lê (CHU de Liège), dermatopathologiste et le professeur Daniel Manicourt (Clinique Universitaire Saint-Luc, Université catholique de Louvain) ont présenté les apports de la biopsie cutanée (fesse, aisselle), peu traumatisante qui est le seul élément complémentaire (notamment la microscopie électronique) qui apporte un élément concret face à la défaillance de la génétique. La grande variabilité des fibrilles de collagène, les fibrilles en forme de fleurs, les dépôts de matériels granulofilamenteux sont présentés comme très spécifiques. Il y aurait un grand bénéfice à diffuser le savoir belge sur ce sujet.

Le Docteur Patrick Quercia, ophtalmologiste, a présenté le syndrome de dysfonctionnement proprioceptif (ex syndrome de déficience posturale). Des liens avec Ehlers-Danlos sont apparents et à développer.

Marc Schepper, kinésithérapeute (Université d'Amsterdam) décrit l'histoire naturelle des symptômes, les douleurs en particulier, chez 101 enfants avec un SED dans sa forme commune et notamment des douleurs et de leurs impacts sur les situations de handicap.

Gail Ouellette, généticienne (responsable du Regroupement québécois des maladies orphelines), fait un constat très négatif sur le comportement des médecins au Québec face au syndrome d'Ehlers-Danlos. La tendance générale est au déni généralisé qui place les patients dans des situations très difficiles. Participant à divers groupes de formation et de recherches en France notamment, elle attend beaucoup des expériences hors Québec. Elle mentionne une ouverture nouvelle en Ontario.

La Professeure Anne Gompel, gynécologue/endocrinologue (Université Paris Descartes) a réalisé une étude sur 554 femmes avec un SED commun entre 2012 et 2017, avec une moyenne d'âge de 34 ans. les signes les plus fréquents sont les ménorragies, les dysménorrhées, les dyspareunies améliorées par les gels de Lidocaïne. L'endométriose est souvent évoquée mais n'apparaît pas plus fréquente ici. Les accouchements avec une équipe préparée ne présentent pas plus de risques que dans la population générale.

Le Docteur Geoffroy Nourrissat, chirurgie orthopédique (Clinique des Maussins, Paris), a précisé que la place de la chirurgie était très restreinte, l'hyperlaxité étant un facteur péjoratif. Il a souligné l'importance des vêtements proprioceptifs et, dans les rares cas d'épaules opérées, la nécessité de ne pas immobiliser longtemps, de retirer les fils non résorbables tardivement, de ne jamais toucher au cartilage.

Elodie Vlamynck, orthésiste, a présenté l'apport des orthèses comme traitement de base dans le SED. Il s'agit de vêtement compressifs adaptés, d'orthèses plantaires, d'orthèses divers (tronc, mains, genoux...) mais aussi de grands appareillages de marche cruro-pédieux. Tous améliorent la proprioception et diminuent directement ou indirectement les douleurs.

La Docteure Isabelle Brock a présenté les difficultés respiratoires dans le SED et les effets positifs de l'oxygénothérapie notamment sur la fatigue, la dyspnée et les douleurs (migraines surtout). Ce traitement occupe une place très importante actuellement entraînant une amélioration, parfois spectaculaire, de la qualité de vie.

Le docteur Daniel Grossin, généraliste, président du GERSED, est intervenu sur la place du syndrome d'activation mastocytaire (SAMA) dans le SED. Un certain nombre de manifestations allergiques, notamment cutanées pourraient trouver une explication et un traitement par les antihistaminiques.

Le professeur Roland Jaussaud (Université de Lorraine) a présenté les troubles de l'apprentissage dans un contexte d'hypermobilité qui pose la question du lien avec le SED dans un cadre proprioceptif.

Le Docteur Pradeep Chopraa, algologue (Brown Medical School, Rhodes Island (USA) est intervenu sur la difficile gestion des douleurs, cause principale de situations de handicap avec la fatigue et l'anxiété. Il incrimine dans la fatigue la dysautonomie (POTS), le SAMA, le trouble du sommeil, les dépenses d'énergie accrues au niveau des muscles efforts, les effets secondaires des médications antalgiques. Il préconise de corriger la dysfonction mitochondriale notamment par l'oxygène, il préconise aussi les amphétamines, les béta bloquants et en rééducation la méthode Feldenkrais pour les effets proprioceptifs de ses mouvements lents et répétés. Il a évoqué l'usage du cannabis en tant que traitement en évitant de nuire à la relation cerveau-corps.

La Professeure Carolina Baeza-Velasco, psychologie (Université Paris-Descartes) a présenté l'approche psychologique de la douleur chronique du SED. Elle insiste sur le "catastrophisme", l'anxiété, la kinésiophobie, la dysautonomie, l'hyperactivité, l'importance d'une thérapie cognitivocomportementale.

Le Professeur Antonio Bulbena, Psychiatrie d'adultes (Université autonome de Barcelone, Espagne) a abordé la psychopathologie dans le SED. Il retrouve 30 à 50 % de troubles d'anxieux dans le SED hypermobile. Le diagnostic est difficile car les patients les masquent. L'anxiété apparaît avant la dépression (55% des patients avec un trouble d'anxiété avaient aussi une dépression).

Le Docteur Vincent Guinchat, psychiatre (Hôpital de la Salpetrière Paris) a présenté avec Elodie Vlamynck, le traitement de 10 personnes autistes dont 7 présentaient des signes associés de SED avec les vêtements proprioceptifs prescrits dans le SED. Une amélioration très importante de leur comportement a été obtenue. Le travail se poursuit. Il faut mentionner aussi, dans les familles avec un SED, la présence de manifestations du spectre autistique.

Le Docteur Daniel Deparcy, médecine physique et de réadaptation, (Centre hospitalier de Tourcoing) a présenté l'apport des thérapies manuelles pour corriger les déviances posturales et motrices. La présentation d'une vidéo montrant une femme présentant des difficultés importantes de la marche avant la séance qui, après une séance de 20 minutes de mouvements pilotés, est très améliorée.

Le Docteur Arnaud Metlaine (Centre national de référence des troubles du sommeil et de la vigilance, Hôtel-Dieu de Paris) a présenté ses travaux sur le sommeil dans le SED. Il a noté une diminution significative du sommeil lent profond. Il considère que les traitements usuels des apnées du sommeil ne sont pas efficients dans le SED ne peuvent pas se traiter comme les autres apnées du sommeil.

Plusieurs posters ont été présentés : Dr. Stephane Daens (Belgique) sur l'association SED/algodystrophie, Dr. Houda Bahloul sur les céphalées dans le SED, celui de Caroline Bourdon et Marie de Jouvencel sur les troubles cognitifs.

Les actes du colloque seront publiés aux Editions L'Harmattan (Paris).

Paru dans Douleurs : Évaluation - Diagnostic - Traitement, Volume 19, Issue 1, février 2018, Pages 54-56, éditions Elsevier-Masson.

Le quatrième colloque Ehlers-Danlos, « Aspects cognitifs et psychopathologiques », a eu lieu le 17 mars 2018 à l'hôpital de la Salpetrière, Paris.