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Claude Hamonet

 

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Présentation du livre
Ehlers-Danlos, la maladie oubliée par la médecine

Rapport de la conférence de presse du 18 janvier 2019. Théâtre Le Lucernaire, Paris.

 

 

Le livre de 263 pages et 33 illustrations s’appuie sur 115 références de publications scientifiques internationales sur une maladie dont la quasi-totalité des médecins disent qu’ils n’en ont jamais entendu parler et, pour certains, qu’elle n’existe pas ! Ceci a fait dire au Pr. Grahame dans sa préface du livre : « …il est incompréhensible que la très grande majorité des médecins spécialistes ou non, ne la dépistent pas, ne savent pas comment la diagnostiquer ni, bien sûr, comment la traiter. Beaucoup, même, nient son existence, entraînant souvent le patient et sa famille dans des souffrances dramatiques et inutiles. »

Denis Pryen, directeur des Éditions l’Harmattan, a animé la conférence à laquelle plus de cent personnes ont participé pendant deux heures, notamment des patients et des responsables de leurs associations, aux côtés de professionnels de la santé. Patrick Gohet, adjoint au Défenseur des droits, était inscrit mais il a été empêché à la dernière minute et a, aussitôt, fait parvenir ce message au Professeur Hamonet : « Évidemment, vos travaux, dont je salue la qualité, sont importants car ils démontrent combien une telle pathologie est un obstacle à l’intégration des patients au sein de notre société et à l’accès à leurs droits. »

Denis Pryen a commencé par présenter le Docteur Claude Hamonet, Professeur émérite des universités, spécialiste européen de médecine de réadaptation, Docteur en Anthropologie sociale, ex expert handicap à l’Organisation Mondiale de la Santé à Genève, ayant représenté la France en recherche biomédicale auprès des Communautés Européennes à Bruxelles, Membre de l’Académie internationale d’Éthique médicale, Membre de The Ehlers-Danlos Society (New York), auteur d’un nombre important de publications internationales sur la maladie d’Ehlers-Danlos, consultant Ehlers-Danlos au Centre de santé ELLA santé à Paris.

Le Professeur Hamonet a, tout d’abord, excusé le Professeur Rodney Grahame, qui était très désireux de participer à la conférence de presse pour apporter son entier soutien mais il a été obligé, au dernier moment, d’annuler sa venue. Le Professeur Hamonet a rappelé que le contenu du livre est dans la droite ligne des travaux de ce rhumatologue, qui a proposé critères de Brighton (1998) qui ont constitué le socle du diagnostic clinique de la maladie. Il a aussi, plus récemment, fait le lien entre la mastocytose et Ehlers-Danlos.

Tout en faisant défiler un mur d’images reprenant la dernière communication (21 décembre 2018) sur : « La main d’Ehlers-Danlos, pas de chirurgie, des orthèses » au 54ème Congrès du Groupe d’études de la main au Palais des Congrès de Paris, le Professeur Hamonet a ensuite exposé la genèse, à travers la clinique et l’écoute des patients, de son livre. Alors qu’il était chef du Service de réadaptation médicale du CHU Henri Mondor-Albert Chenevier à Créteil il y a 25 ans, une patiente lui est adressée par un médecin généraliste du Val de Marne pour : douleurs intenses et diffuses, aggravées par une kinésithérapie intensive. L’examen clinique met en évidence les signes « historiques » de la maladie d’Ehlers-Danlos : l’étirabilité excessive de la peau et l’hypermobilité des articulations. Mais ils sont associés, en plus des douleurs, à une instabilité articulaire avec deux chirurgies sur les genoux et deux autres sur la colonne vertébrale, à des pertes brutales et très brèves de conscience. Ce cas, insolite, est présenté à un congrès national de Médecine Physique et de Réadaptation où il attire l’attention de la fondatrice, médecin, de la première association française de patients sur Ehlers-Danlos, l’AFSED. Elle nous demande de recevoir des membres de son association pour les diagnostiquer, en nous déclarant : « on nous prend toutes pour des folles ». Nous acceptons. Les patients affluent, confirmant, avec leurs symptômes, les descriptions initiales. Le diagnostic n’était jamais fait alors qu’il aurait pu l’être, en moyenne, 25 ans plus tôt. Au 177ème patient, nous nous décidons à regrouper ces manifestations cliniques dans une description commune destinée à nos étudiants pour qu’eux, au moins, soient informés. Cette description est placée sur le site internet (claude.hamonet.free.fr) qui a été créé pour les informer des cours et documents utiles. L’effet Google a joué et, en plaçant deux ou trois mots-clés (hypermobilité, douleurs, hémorragies mais aussi : hyperacousie, hyperosmie…), les patients à la quête des causes de leurs symptômes non expliqués, trop souvent commentés d’un « c’est dans la tête » se retrouvent sur le site en 0,3 secondes ! Leur réaction est souvent : « comment ce monsieur me connaît-il aussi bien ? » Ils découvrent, enfin, une explication cohérente aux manifestations cliniques qui sont responsables d’une longue et douloureuse errance diagnostique et thérapeutique. Cette identification par un site internet a été d’un très grand apport pour aider les patients atteints à sortir de l’incompréhension et du rejet par la médecine mais aussi par leurs proches. Actuellement 1.244.307 premières visites ont été enregistrées, ceci démontre très bien que cette maladie n’est ni rare ni « imaginaire ».

Le nombre de cas que nous avons diagnostiqués s’est accru de façon exponentielle pour approcher, aujourd’hui, le chiffre de 5.700. Ainsi, depuis plus de 20 ans, nous avons pu bénéficier d’un observatoire exceptionnel et probablement unique dans le Monde sur cette maladie. Nous avons, avec l’aide de collaborations notamment mathématiques, et statistiques montré, en s’appuyant sur un modèle mathématique des signes cliniques, isoler neuf signes cliniques (douleurs, fatigue, hémorragies, peau fragile, désordres moteurs, subluxations ou craquements articulaires, hypermobilité articulaire, hyperacousie, reflux gastrique) qui permettent le diagnostic , avec une sensibilité de 99,6 %. Cet apport est essentiel dans cette maladie héréditaire pour laquelle, les tests génétiques sont le plus souvent défaillants et, en fait inutiles puisque la clinique suffit et que la découverte d’un autre cas familial apporte la preuve du caractère héréditaire.

Un document « Ehlers-Danlos en 2019 en quelques lignes » a été distribué aux participants. Il met en valeur les points suivants : Ehlers-Danlos est une maladie de l’ensemble du tissu conjonctif (collagène), c'est-à-dire de tous les organes, sauf le système nerveux, elle est héréditaire et se transmet à tous les enfants dont un parent est atteint avec une sévérité très variable et une évolutivité imprévisible. Elle se caractérise par une fragilité du conjonctif (rupture des vaisseaux, fragilité cutanée, rupture d’organes internes…), et un trouble généralisé de la perception du corps (proprioception) et de l’environnement responsables de difficultés fonctionnelles et de situations de handicap. Elle est très fréquente (2% de la population au moins), non diagnostiquée, elle expose à des accidents par investigations invasives ou thérapeutiques : coloscopie, anticoagulants, manipulations ostéopathiques, antidépresseurs ou chirurgie articulaire. Récemment, un lien avec la dyslexie et l’autisme a été mise en évidence avec leur amélioration par les traitements de la maladie d’Ehlers-Danlos. L’émotivité, l’anxiété sont des signes de la maladie à part entière. Des progrès très importants ont été faits en thérapeutique, principalement par la réalisation de vêtements proprioceptifs spécifiques associés à d’autres orthèses et par une oxygénothérapie quotidienne intermittente. Un ensemble de ces dispositifs a été présenté, lors de la conférence de presse, par madame Elodie Vlamynck, orthésiste; chercheure à l’INSERM de Caen.

Deux patients, un étudiant en médecine et une linguiste américaine sont intervenus. Ils ont décrit la longue période d’errance thérapeutique, la transformation de leur vie par la découverte du diagnostic et les effets positifs des traitements dont les contraintes (utiliser plusieurs fois par jour une oxygénothérapie, enfiler des vêtements compressifs-proprioceptifs) sont peu face aux bénéfices obtenus. Le caractère invisible, cause d’incompréhensions, a été mentionné.

La deuxième partie de la conférence a été occupée par les réponses aux nombreuses questions des participants. Le problème de l’information de la famille sur les effets de la transmission de la maladie a suscité beaucoup de commentaires. Le refus du diagnostic, surtout si un autre diagnostic a été posé, est souvent rencontré et a suscité un débat très animé entre les participants concernés. Le « flou » qui continue à exister sur la réalité d’une maladie souvent mal décrite est un obstacle réel et les avancées scientifiques importantes faîtes sur le diagnostic clinique doivent être très largement diffusées au lieu de continuer à être ignorées. Cette connaissance précoce de la maladie permet de dépister et de traiter les anévrysmes artériels qui peuvent s’observer dans tous les cas de la maladie. L’observation des patients met en évidence qu’il n’y a pas plusieurs formes de la maladie mais une seule maladie d’expression et de sévérité variable. Certaines formes sont peu symptomatiques, c’est le cas des personnes qui sont seulement hypermobiles. En fait elles ont, elles-aussi, une atteinte du conjonctif, comme l’a montré le généticien américain Tinckle, qui peut s’exprimer, de façon plus importante ultérieurement, surtout chez les femmes, à l’occasion, par exemple, d’un traumatisme ou d’une maternité. Là aussi, il y a transmission sous des modalités imprévisibles. A l’inverse, certains patients avec un Ehlers-Danlos ne sont pas hypermobiles et même sont « raides », ces « raideurs » des muscles postérieurs des membres inférieurs étant évocatrices de la maladie chez l’enfant au niveau des genoux mais, elles sont quasi constantes pour les triceps et la région plantaire. Elles peuvent exister sur d’autres articulations.

Dans la discussion, il a été rappelé par les patients présents, la pénibilité de la période de non diagnostic, les sensations, de n’être pas crus, méprisés, la fréquence des diagnostics erronés coûteux pour les organismes sociaux, l’hostilité du milieu scolaire, l’incompréhension des MDPH et de certains médecins conseils face à la maladie qu’ils ne connaissent pas ou rejettent systématiquement, la difficulté d’avoir accès aux soins. Les avis des patients présents sur les effets de l’oxygénothérapie et des vêtements proprioceptifs spéciaux se sont montrés très positifs, notamment sur la fatigue et les douleurs (migraines surtout). Une des patientes présentes était d’ailleurs équipée d’une bouteille d’oxygène liquide transportable. Le retrait des nourrissons ou des enfants pour fausse accusation de violence et la mise en examen des parents apparaissent, aujourd’hui, comme l’une des pires complications de la méconnaissance de la maladie. Des échanges qui ont été provoqués par la présentation du livre, il ressort aussi un effet très positif : celui de savoir la cause des difficultés fonctionnelles rencontrées, de savoir que « l’on n’est pas fou ou folle », de soulager au moins partiellement douleurs, fatigue et autres symptômes. De pouvoir développer des dons plus nombreux ici (chant, musique, peinture, poésie, œnologie, parfumerie, écriture etc.) et de sortir du statut de victime pour aller vers une grande compréhension des autres et une vie positive.

Cette présentation et les réactions qu’elle a suscité a permis de constater l’immense fossé qui existe entre, d’une part, la réalité d’une maladie fréquente, souvent handicapante et pouvant menacer la vie mais avec des solutions préventives ou thérapeutiques et, d’autre part, l’approche « officielle » (avec des critères cliniques improbables, se référant à une classification génétique internationale provisoire non validée) et médiatique (l’association « génétique » et « rare » étant abusivement utilisée, largement influencée par l’effet Téléthon). Le non diagnostic est peut-être un effet inattendu de la grande fréquence : « c’est parce que c’est fréquent que le diagnostic n’est pas fait », nous avait déclaré le Professeur Jean-Claude Ameisen, ancien Président du Comité national d’éthique.

Les trois orientations diagnostiques erronées les plus fréquentes sont: la fibromyalgie (assemblage de symptômes issus d’une description d’Ehlers-Danlos mal étiquetée et déformée), maladie psychosomatique et/ou dépression, hypermobilité bénigne.

Ce livre est là pour rappeler aux médecins, aux responsables de la santé et, surtout aux politiciens qui sont largement interpellés aujourd’hui, l’existence d’une population nombreuse de personnes, de femmes surtout, qui sont plongées, dès l’enfance, dans la souffrance et menacées dans leur vie par des accidents spontanés ou iatrogènes et menacés d’exclusion sociale. Certains de ces patients ont choisi de quitter une vie devenue impossible du fait de la négation de leur existence et de leur rejet médico-social.

Références sur les critères d’un diagnostic de certitude et sur les traitements.

1 - « Syndrome d’Ehlers-Danlos à propos à propos de 626 cas ». Académie nationale de Médecine (Bull. Acad. Natle Med., 2017,201)

2 - « Ehlers-Danlos clinical diagnosis 853 patients » EC Neurology cronicon, mai 2018.

3 - « Clinical diagnosis of Ehlers-Danlos syndrome. New fundamental insights into the clinical setting », « How to prevent and treat the Ehlers-Danlos syndrome, a medico-social emergency : A twenty years experience » International Symposium on the Ehlers-Danlos Syndrome. Septembre 2018, Gand, Belgique.

 Voir la préface du Pr. Rodney Grahame

 Voir la couverture du livre