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Claude Hamonet

 

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Histoire clinique du Syndrome d'Ehlers-Danlos :
Une longue errance médicale du cutis laxa à
l'ouverture thérapeutique novatrice récente.

Hamonet Cl.* **, Ducret L.*, Baeza-Velasco C. ***, Layadi K. ****, Ehlers-Danlos-Tschernogobow. Histoire contrariée d'une maladie. Histoire des Sciences médicales, Tome L N°1-2016, P29.

* Faculté de Médecine de Créteil, Université Paris-Est-Créteil (UPEC) 8 rue du Général Sarail, 94100 Créteil, France
** Consultation Ehlers-Danlos, Hôtel-Dieu de Paris, 1 place du Parvis Notre-Dame 75004 Paris, France.
*** Institut de Psychologie, Université Paris Descartes, 71 Avenue Edouard Vaillant 92100 Boulogne-Billancourt cedex.
**** Service de Médecine Physique et Réadaptation, Centre hospitalier et Universitaire d'Oran, Oran, Algérie.

"Grande est notre faute si la misère de nos pauvres découle non pas des lois naturelles mais de nos institutions" (Charles Darwin, Voyage d'un naturaliste autour du monde)

 

Résumé

Ehlers-Danlos est une maladie qui a connu un destin paradoxal. Cliniquement identifiée il y a 123 ans, facile à reconnaître et à diagnostiquer, elle est inconnue de la quasi totalité des médecins qui n'en font jamais le diagnostic constate Rodney Grahame. Souvent décrite en insistant sur ses aspects spectaculaires, monstrueux d'étirabilité cutané excessive et de contorsions, elle est considérée comme un objet de foire plutôt que comme une maladie. Initialement décrite par les dermatologues (Tschernogobow, Ehlers, Cohn, Miget) qui ont mis en évidence des signes essentiels pour le diagnostic (fragilité de la peau étirable et cicatrisant mal, hypermobilité, tendance hémorragique, hypermobilités articulaires, troubles moteurs proprioceptifs, dysautonomie. Par contre, les douleurs, la fatigue, les troubles digestifs, respiratoires, ORL, visuels, cognitifs et psychopathologiques qui constituent une part très importante de la sémiologie de cette maladie et sont pas évoqués. Le caractère héréditaire suggéré dès 1933 (Miget) ne sera pris en considération qu'à partir des années 1960. Deux disciplines prendront le relais, sans se concerter, des dermatologues qui se désintéressent de la maladie : les rhumatologues et les généticiens. Les premiers à travers l'hypermobilité articulaire qualifiée de bénigne, c'est à dire une autre façon d'être normal. Les seconds ont tenté d'élaborer, sans succès, des classifications basées sur les corrélations entre les mutations des collagènes, en oubliant une très grande partie des signes importants (douleurs et fatigue en particulier). La notion de transmission autosomique systématique observée au quotidien reste méconnue, l'incidence considérable (probablement un million de personnes en France) d'une maladie que certains continuent à considérer comme rare. Les confusions diagnostiques avec la fibromyalgie en particulier, l'ignorance des traitements efficaces tels que les orthèses et l'oxygénothérapie sont autant de notions nouvelles qui doivent bousculer les préjugés issus pour la plupart de l'Histoire de cette maladie et du déclin de la clinique dans la pratique médicale.

Mots clés : syndrome d'Ehlers-Danlos, histoire des maladies, Beighton, Grahame, hypermobilité, troubles cognitifs, classifications, traitements du syndrome d'Ehlers-Danlos.

Abstract

Ehlers-Danlos is a disease that has had a paradoxical fate. Clinically identified 123 years ago, easy to recognize and diagnose, it is unknown to nearly all doctors who never make the diagnosis finds Rodney Grahame. Often described emphasizing its dramatic aspects, monstrous excessive skin stretchability and contortions, it is considered a feak show object rather than as a disease. Initially described by dermatologists (Tschernogobow, Ehlers, Cohn, Miget) have revealed vital signs for diagnosis (fragility of the skin stretch and poorly healing, hypermobility, bleeding tendency, joint hypermobilities, proprioceptive motor disorders, dysautonomia). By cons, pains, fatigue, digestive problems, respiratory problems, ENT, visual, cognitive and psychopathological which are a very important part of the symptomatology of the disease are not mentioned. The hereditary nature mentioned in 1933 (Miget) will not be considered until 1960 Two disciplines will take over, without consulting, dermatologists who are not interested in the disease : rheumatologists and geneticians. The first through the benign joint hypermobility qualified, that is another way to be normal. The latter have attempted to develop unsuccessfully classifications based on correlations between mutations of collagen, forgetting a large part of the important signs (pain and tiredness in particular). The concept systematically observed everyday autosomal remains unknown, the significant impact (probably one million people in France) of a disease that some still regard as a rare, diagnostic confusion with fibromyalgia in particular, ignorance effective treatments such as oxygen therapy and orthotics are so many new concepts that should shake the prejudices derived for most of the history of this disease and clinical decline in medical practice.

Key-words : Ehlers-Danlos Syndrome, History of diseases, Beighton, Grahame, hypermobility, cognitive functions, classifications, treatment of Ehlers-Danlos syndrome.

 

I - Introduction : le poids historique de l'étiquette d'étrangeté, de monstruosité.

Ehlers-Danlos est une maladie qui a connu un destin paradoxal. Cliniquement identifiée il y a 123 ans (1), facile à reconnaître et à diagnostiquer, elle est inconnue de la quasi totalité des médecins qui n'en font jamais le diagnostic (Rodney Grahame, 2). Ceux qui connaissent son nom, dans leur grande majorité, la considèrent plutôt comme une curiosité du fait d'articulations très mobiles évoquant aussitôt le contorsionniste ou d'une peau très étirable à l'instar du marin espagnol, Georgius Albes, âgé de 23 ans, présenté par le chirurgien hollandais d'Amsterdam, Job van Meek'ren à l'Académie de Leiden en 1657 (3). Son patient pouvait atteindre sa bouche en tirant sur la peau de son épaule droite saisie dans la main gauche, se recouvrir le visage avec la peau de son menton, l'étendre sur sa poitrine, étirer sur la cuisse vers le haut la peau de son genou...

On peut d'ailleurs émettre un doute légitime sur l'appartenance de ce cas à la maladie d'Ehlers-Danlos et davantage penser à un Pseudo xanthome élastique, ce qui était probablement le cas aussi du patient décrit par Danlos en 1908.

Gould et Pyle dans leur livre "Anomalies and curiosities of medicine" (4) mentionnent un homme, qui se présentait comme exhibitionniste à Budapest sous le nom d' "Elastic-Skin man" avec une élasticité importante de la peau de tout son corps et un nez également étirable. Ils reproduisent également une photographie (1888) d'un exhibitionniste du nom de Felix Wehrle qui pouvait étirer largement sa peau mais aussi recourber facilement ses doigts.

Cette assimilation à la monstruosité qui fascine et inquiète à la fois est parfaitement développée comme mécanisme d'exclusion des personnes "anormales, déviantes", donc étranges et inquiétantes, par un autre Gould (Stephen Jay), anthropologue, dans son remarquable ouvrage la mal mesure de l'Homme (5). Aujourd'hui, c'est dans le métro parisien que l'on peut les observer avec les affiches d'exhibitions acrobatiques, souvent venues de Chine, et dans certaines émissions de télévision.

Ces images "historiques" de la maladie, parfois mises en avant par des associations qui utilisent ce côté visible d'une maladie invisible pour se faire reconnaître par ceux qui ne savent pas qu'ici les douleurs ne crispent pas un visage à la peau très lisse. Cette façon de faire est contreproductive et préjudiciable à ceux qu'ils veulent promouvoir.

Ce contexte conduit les médecins (2) à considérer Ehlers-Danlos comme une " une maladie mineure, une maladie qui n'est pas "sérieuse", bref une maladie négligeable" (Rodney Grahame). Certains concluent même leur consultation en déclarant : "vous devriez travailler dans un cirque", ne voyant que les deux signes qui ont marqué, dès le début de son Histoire, son identification et négligeant la multiplicité de symptômes qui accompagnent cette maladie systémique qui concerne l'armature même de ce qui constitue notre corps : le tissu collagène.

Il apparaît donc qu'il faille reconstituer les "morceaux" de cette histoire chaotique. Cette reconstruction s'avèrera être l'assemblage des diverses "pièces détachées" du corps à la manière d'un puzzle, comme le font remarquer spontanément nos patients qui, au fur et à mesure de la découverte des symptômes rattachés à leur maladie lors de l'examen clinique ont la sensation de se reconstruire. Il est impératif de mettre en place une description nouvelle qui pose, par sa fréquence importante et l'incurie dont elle est l'objet un problème important de Santé Publique.

Au delà de l'incurie et du malentendu, il y a le mépris et la suspicion dont ces patients sont très souvent victimes, le décalage entre l'apparence "normale" de leurs membres siège de douleurs souvent atroces et de maladresses incontrôlables, le côté "invisible" de leur maladie les expose à des réactions inappropriées et violentes de la part des médecins, répercutées par l'entourage, les uns et les autres "ne comprenant pas".

 

II - Initialement, c'est une histoire de peau et d'articulations trop mobiles

Les manifestations les plus apparentes ont tout naturellement attiré l'attention d'une des premières spécialité médicales à s'identifier et à se structurer : la dermatologie. Les premiers descripteurs connus sont des dermatologues (Tschernogobow, Ehlers, Danlos) qui introduiront les deux signes qui marquent jusqu'à présent l'histoire de cette maladie : l'étirabilité des tissus, de la peau en particulier, et une mobilité excessive des articulations. L'importance attachée à ces deux signes aura des conséquences fâcheuses pour les malades concernés puisqu'en leur absence, d'une part on éliminera des cas d'authentiques de maladies d'Ehlers-Danlos et que d'autres part on minimisera ou écartera d'autres signes qui font la sévérité de cette maladie qui apparaît aujourd'hui comme une cause fréquente de situations de handicap. C'est un Danois, Edvard Lauritz Ehlers (1863-1937), fils du maire de cette ville, ayant étudié la médecine à Berlin et à Paris qui fera la première description la plus complète.

Le 15 décembre 1900 (6) il présente, aux médecins de la Société danoise de Dermatologie et Syphiligraphie, à Copenhague, le cas d'un étudiant en Droit de 21 ans originaire de l'île de Bornholm dans la mer Baltique (Golfe de Bosnie) pour lequel il sollicite leur aide pour interpréter un tableau clinique que, jusque là, il n'avait jamais rencontré. Il intitule sa communication "Cutis laxa, tendance aux hémorragies de la peau, relâchement de plusieurs articulations (cas pour diagnostic)". Elle sera publiée en allemand. En très peu de texte, de façon sobre mais percutante, Ehlers établit une description très précise, dans laquelle on retrouve une bonne partie des manifestations cliniques du syndrome d'Ehlers-Danlos actuellement décrites : les hémorragies, la fragilité cutanée, l'étirabilité, l'hypermobilité, les luxations, la dysautonomie (les sueurs).

"Le patient a été importuné, jusqu’à sa 8ème année, par des hématomes qui survenaient lors de traumatismes très minimes." "Il est possible de la plisser jusqu’à ce qu’il reste suffisamment de peau au niveau des doigts et des jointures, pour que les doigts par exemple, gagnent une demie longueur supplémentaire…" "Les doigts sont le siège de subluxations externes presque à angle droit. Le patient souffre souvent de luxations spontanées du genou qu’il doit corriger en marchant…" "La sudation est augmentée. La démarche est quelque peu ataxique, hésitante. Il a la sensation permanente de froid cutané, aux extrémités."

Il suggère le caractère héréditaire en retrouvant chez le père de cet étudiant des manifestations articulaires qui ont été étiquetées "crises de goutte", ce qui était un diagnostic banal à cette époque et pourrait être une expression des crises de manifestations articulaires douloureuses du SED que l'on connaît bien maintenant.

Il est remarquable que cet excellent clinicien qu'était Ehlers ait pressenti les difficultés d'identification que connaîtra son syndrome lorsqu'il écrit : "définir les maladies sur la base de leur étiologie est bien plus important que de vouloir mettre une étiquette sur des maladies rares, de s’efforcer de classer". En effet, il y a antinomie entre l'identification d'une nouvelle entité pathologique et l'approche diagnostique à partir de classifications, héritage des médecins botanistes initiateurs des nosologies des maladies tels que François Boissier de Sauvages (7), surtout si le cadre de classification ne convient pas. C'est peut-être là l'explication principale du non diagnostic quasi-constant de la maladie d'Ehlers-Danlos aujourd'hui.

Cette description fait suite à celle du dermatologue russe Alexandre Nicolaiev Tschernogobow (ailleurs orthographié Chernogobov ou Csernogobov) qui, en 1892 (8), présente deux patients (un jeune homme de 17 ans et une femme de 50 ans) à la Société de Dermatologie et Vénérologie de Moscou. Le premier avait des luxations à répétition, des nodules cutanés, une peau fragile et très étirable, des cicatrices multiples conséquences de traumatismes minimes. les difficultés de cicatrisation, son étirabilité, associée à une hypermobilité articulaire et des pseudo tumeurs molluscoïdes des genoux, des coudes et d'autres localisations. Il attribue les lésions observées à une atteinte du tissu conjonctif. La deuxième patiente a été opérée pour des tumeurs et a présenté des troubles de la cicatrisation très sévères. C'est sous le nom de ce tout premier descripteur que les Russes désignent le SED.

Un cas reconnu ultérieurement par Weber (1936) a été présenté par Sir Malcolm Morris, en 1900, à la Société de Dermatologie de Londres.

En 1907, Cohn (9) présente un cas "d'un malade avec peau en caoutchouc (cutis laxa)" au IXème congrès des Sociétés allemandes de dermatologie, cette publication passera inaperçue.

En 1908 (10), Henri Alexandre Danlos physicien et dermatologue (le premier à avoir introduit des aiguilles de Radium dans les cancers de la peau) associé à M. Pautrier pour l'histologie, présente à la Société française de Dermatologie et de Syphiligraphie de Paris " un cas de cutis laxa avec tumeurs par contusion chronique des coudes et des genoux". Ilinsiste sur deux signes : "la minceur anormale" et " l’élasticité extraordinaire " de la peau qu’il compare à celle " d’une mince lame de caoutchouc". En fait, Danlos avait examiné un patient que François Hallopeau et Macé de Lépinay avaient déjà présenté, en 1906, à la Société française de dermatologie avec l'intitulé de xanthome juvénile pseudo-diabétique. Cette emphase mise sur l'hyperétirabilité cutanée aura de lourdes conséquences sur l'attitude des médecins face à ce syndrome qui s'attendent à ce qu'elle soit "extraordinaire" alors qu'elle est modeste dans le SED et parfois absente. Beaucoup font, encore à tort, de son absence une cause d'exclusion de ce diagnostic.

La singularité de l'histologie de la peau de ce patient, relatée par Achille Miget (11) dans sa thèse de médecine réalisée à l'Hôpital Saint-Louis en 1933, et le tableau clinique (importance considérable de l'étirabilité avec conservation de l'élasticité qui est absente dans le SED), ainsi que les constatations histologiques ("si les lésions constatées dans le cas de E. Schulman et G. Lévy-Cobentz sont identiques à celles que nous avons observées, elles semblent un peu différentes des modifications histologiques décrites par Pautrier dans le cas princeps de Danlos"). Ces remarques conduisent à penser que Danlos a peut-être décrit un pseudo Xanthome élastique. Malgré cela, Miget réunira, dans le même syndrome, Ehlers et Danlos. Comme le précise Valérie Galopin dans son excellente thèse de doctorat (12), la distinction avec l'état de cutis laxa, qui est une peau lâche et peau non élastique, a été mise en évidence, en 1936 par Petges et Le Coulant (13). Ces constatations sont de la première importance pour l'interprétation des symptômes à partir d'un défaut global de proprioception et pour la mise en place de traitements appropriés. Par la suite, la notion d'une étirabilité importante sera, jusqu'à maintenant, considérée par bon nombre de médecins, comme un signe nécessaire au diagnostic de SED, écartant ainsi un très grand nombre de patients. Malgré cela, Miget réunira, dans le même éponyme, Ehlers et Danlos, suivant en cela Schulmann et Levy Coblentz qui avaient proposés dès 1932 (14) de donner ce nom à cette nouvelle maladie. Ceci est confirmé, en 1936 (15), par Frederick Parkes-Weber qui suggère, lui aussi, à propos d'un nouveau cas qu'il a décrit la dénomination de syndrome d'Ehlers–Danlos.

 

III - La navigation parallèle du SED en rhumatologie et en génétique

La suite de l'Histoire du syndrome d'Ehlers-Danlos est marquée par l'implication de deux disciplines médicales dans sa description et ses essais d'identification : la rhumatologie avec Grahame (16) et la génétique avec Beighton. Le caractère de bénignité, a été dramatiquement mis en avant comme le souligne Rodney Grahame (2) à propos du "syndrome d'Hypermobilité articulaire", dénomination que les rhumatologues donnent à cette maladie : " un article sur le syndrome d'hypermobilité musculo-squelettique généralisée chez des personnes considérées comme "autrement normales" (1). C'est à dire que ces personnes ne sont pas du tout malades, qu'elles sont en bonne santé avec un aspect En 1967 est publié dans Annals of rheumatology diseases particulier de la normalité. Grahame (16) et Bravo (17) ont considérablement fait évoluer sa description clinique chez les rhumatologues en l'enrichissant progressivement : douleurs, fatigue, troubles digestifs, dysautonomie (18), situations de handicap...). Grahame met au point les critères diagnostiques dits de Brighton (19) pour le syndrome d'hypermobilité articulaire qui comportent deux critères principaux : un test de d'hypermobilité de Beighton supérieur à 4 au moment de l'examen ou antérieurement et des douleurs articulaires depuis plus de trois moins de quatre articulations ou plus et des critères mineurs tels que vergetures, épicondylites, luxations... Finalement, ceci rejoint les descriptions historiques et se rapproche des observations qui seront faîtes par les généticiens.

La deuxième discipline médicale qui s'est investie dans ce syndrome est la génétique à partir de 1949. Le caractère familial évoqué par Achille Miget dans sa thèse est démontré par Johnson et Falls (20) qui font la preuve du caractère héréditaire dominant du syndrome à partir d'un arbre généalogique de 123 personnes sur 6 générations. Jansen (21), en 1955, montre que l'entrelacement des fibres de collagène est moins serré dans la peau d'un sujet atteint du syndrome d'Ehlers-Danlos que dans la peau d'un sujet témoin et explique les manifestations cliniques de cette façon.

En 1966, Mc Kusick évoque l'hétérogénéité génétique du syndrome et l'inclut comme étant un nouveau désordre héréditaire du tissu conjonctif, il le classe dans le même groupe que le syndrome de Marfan, l'ostéogenèse imparfaite et le syndrome de Hurler (22).

En 1967, une première classification est proposée par Barrabas (23, 24) avec 27 patients. Elle comporte 3 types : classique, varicose et artériel. Le type artériel est le même que celui décrit en 1932 par Sack qui l'avait dénommé "status dysvascularis" (25). C'est le syndrome de Sack-Barrabas devenu syndrome d'Ehlers-Danlos de type IV caractérisé par une mutation du COL3A1 (26).

En 1968 une transmission liée à l'X est mise en évidence par Beighton (27). En 1969, Beighton, à partir de l'observation de 100 patients, propose cinq formes distinctes, cliniquement décelables : le type gravis ou type I, le type mitis ou type II, le type hypermobile ou type III, le type ecchymotique ou type IV correspondant au type artériel de Barabas et le X-linked syndrome au type V (28).

Beighton donnera son nom à un test d'hypermobilité en 9 points (29, 30), application d'un test utilisé pour comparer la mobilité articulaire des noirs et des blancs en Afrique du Sud. Il deviendra une référence pour beaucoup de cliniciens. Pourtant, il est imparfait, variable, souvent mal appliqué et mal interprété, il sert trop fréquemment, à l'instar de l'étirabilité, à éliminer un diagnostic pourtant évident devant la présence d'autres symptômes tout autant significatifs (31). Autour de Beighton et de son école se met en place une classification basée sur les mutations des collagènes. Cette classification partie de onze types à Berlin (32), est réduite dans la dernière version à Villefranche (33) à six et, en pratique courante, à trois (classique, hypermobile, vasculaire). Elle préoccupe beaucoup les patients qui craignent d'être atteints du SED-vasculaire qui a été décrit comme précocement (40 ans) léthal avec le risque de rupture d'anévrysmes et de déchirures graves d'organes ("éclatement" de l'utérus par exemple). Ce tableau est heureusement rarissime mais il continue à marquer les esprits et bon nombre de parturientes sont aujourd'hui menacées d'autorité d'une césarienne si leur obstétricien apprend qu'elles ont un SED. Dans les critères de la classification de Villefranche (33) manquent la plupart des symptômes du SED tels qu'ils sont actuellement décrits, ce qui constitue un obstacle à son utilisation diagnostique et crée beaucoup de confusions préjudiciables aux patients. Il apparaît clairement comme l'indique Tinkle (34), que l'hypermobilité articulaire des rhumatologues et le syndrome d'Ehlers-Danlos hypermobile des généticiens sont une seule et même entité clinique qui relève des mêmes préventions et contre-indications face aux risques (iatrogènes surtout) et des mêmes traitements du syndrome proprioceptif. Cette unicité de la vision sémiologique de ce syndrome doit être diffusé largement pour faire évoluer les situations d'ignorances et d'incertitudes, tant sur le plan médical que sur le plan social, auxquelles se heurtent ces patients. A ce propos Rodney Grahame déclare (2) : "Malheureusement les patients qui souffrent du SED ne sont pas bien pris en charge par la profession médicale. Ils ne sont ni écoutés, ni crus, ni bien diagnostiqués ni correctement traités".

 

IV - Aspects cognitifs et psychopathologiques. Autisme et Syndrome d'Ehlers-Danlos.

Un des aspects de la séméiologie du SED qui a été négligé est l'aspect cognitif et la psychopathologie. Antonio Bulbena (Barcelone) et son équipe, en 1988, met en évidence la corrélation entre l’hypermobilité articulaire et l'anxiété chez les patients suivis en ambulatoire par le service de rhumatologie à l’Hôpital del Mar de Barcelone (35) : 70% des patients hypermobiles présentent un trouble psychopathologique contre 22% pour les témoins. Cette relation (36) entre l'anxiété, la dépression et les troubles du comportement alimentaire sont l'objet de d'études et de publications (37, 38, 39, 40). Plusieurs pistes peuvent être évoquées : les difficultés à gérer un syndrome handicapant permanent favorisent l’anxiété pathologique chez les patients avec une maladie d'Ehlers-Danlos SED. La présence des troubles cognitifs (mémoire, attention, concentration, orientation) peut aussi créer des perturbations psychoaffectives importantes.

Un cas particulier est l'autisme pour lequel des associations avec le SED existent, associant dans une même famille de cas de syndrome d'Ehlers-Danlos et d'autisme, comme nous l'avons observé. Ce diagnostic d'autisme est parfois porté par excès (41).

 

V - Autres manifestations

D'autres manifestations ont été récemment rapprochées de la maladie d'Ehlers-Danlos : Altérations de mastocytes avec une fragilité observé chez nos patients face aux infections, Moelle attachée, Arnold-Chiari, la fréquence des Kystes (cutanés, ovariens, hépatiques, rénaux, faisant évoquer une polykystose, pancréatiques, hypophysaires…), images d'IRM avec tenseur de diffusion, du faisceau arqué en particulier (42).

 

VI - Pour une changement radical de la vision médicale et sociale de la maladie d'Ehlers-Danlos.

C'est une maladie fréquente (prévalence basée sur le nombre de cas dépistés par des médecins généralistes formés au diagnostic : un million de personnes en France) qui ne doit plus être enfermée dans le cadre étroit des maladies rares et orphelines.

C'est une maladie héréditaire, autosomique, largement transmissible : l'observation attentive des familles de nos patients nous apprend que, dans la quasi totalité des cas, dans une famille tous les enfants sont atteints si l'un des parents est atteint. Parfois ce sont les deux parents qui sont concernés témoignant de la fréquence de la maladie.

Les femmes sont plus nombreuses dans nos consultations (80%) car les manifestations cliniques sont plus sévères chez elles, du fait du facteur hormonal qui ponctue le parcours de leur maladie (puberté, cycle, grossesse, accouchements, ménopause).

Elle n'est pas ou très tardivement (23 ans de retard en moyenne dans notre cohorte) diagnostiquée, ce qui expose à une errance médicale avec les risques iatrogéniques induits par les traitements (chirurgicaux, médicamenteux, ostéopathiques, psychiatriques avec internements abusifs...). L'ignorance médicale généralisée ou la sous estimation des symptômes orientent très souvent, du fait des douleurs fréquentes et de l'hyperesthésie diffuse, vers le diagnostic de fibromyalgie à l'évocation duquel, celui d'Ehlers-Danlos doit être systématiquement discuté. les traitements appliqués dans cette pathologie, notamment par les antidépresseurs aggravent les de la maladie d'Ehlers-Danlos.

En l'absence de marqueur biologique, le diagnostic repose uniquement sur la clinique devant le regroupement de manifestation exprimant les multiples localisations (cutanées, bucco-dentaires, musculo-articulaires, vasculaires, respiratoires, digestives, urinaires, ORL, ophtalmologiques, vestibulaires, gynécologiques (avec des conséquences parfois sévères sur les grossesses et accouchements), neurovégétatives, dystoniques, cognitives, affectives et comportementales. Cette multiplicité ne doit pas surprendre et orienter vers une origine "psychosomatique", comme nous l'observons très souvent. L'évocation du Syndrome de Munschausen n'est pas rare même, de la part des cliniciens les plus réputés tant les préjugés médicaux sont importants et la défiance vis-à-vis du patient trop souvent ancrée dans l'esprit du médecin.

Les manifestations cliniques peuvent s'exprimer dès la naissance (luxation de hanche, pied bot) ou débuter dans les premiers mois de la vie (constipation, reflux, ecchymoses, otites), dans les premières années (hypermobilité, peau fine et fragile, fatigue importante, instabilité à la marche avec chutes, douleurs abdominales violentes, ballonnements, douleurs musculo-articulaires généralisées, instabilité douloureuse avec obligation de bouger, de se lever incompatible avec la tenue en classe, migraines, bronchites, blocages respiratoires dits asthmatiformes parfois dus à des douleurs costales, entorses, luxations, extrémités froides, troubles de la déglutition, fatigue visuelle, myopie, hyperacousie, hyperosmie, poussées dentaires anarchiques, rétrognatisme, palais ogival, signe de Gorlin dans lequel il est possible de toucher le nez avec la pointe de la langue...). Durant l'enfance, on peut observer une tendance à l'hyperactivité avec des difficultés d'attention. Par contre l'intelligence est vive, avec de très bonnes performances scolaires, malgré (ou grâce à) l'hypermobilité, les performances sportives (danse, gymnastique, sports de combat) sont souvent excellentes. A l'adolescence, tout change, les performances scolaires persistent, les performances sportives s'effondrent, les douleurs sont de plus en plus intenses, cause d'arrêt de l'activité sportive mais aussi l'asthénie s'installent accompagnée de migraines, de troubles du sommeil importants, perturbant gravement la scolarité et la vie sociale. La dysautonomie se manifeste davantage avec hypotensions, malaises diffus (POTS), crises de tachycardie, frilosité, sueurs trop abondantes. Les incidences sur l'orientation scolaire et professionnelle sont fortes, parfois contraignantes.

Ailleurs les premières manifestations qui conduisent à demander un avis médical sont plus tardives. Elles peuvent survenir au décours d'un traumatisme violent (accident de la voie publique, accident de sport), posant les problèmes d'indemnisation du dommage corporel que l'on imagine face à l'ignorance du syndrome de la part des médecins conseils. L'âge n'apparaît pas comme un facteur d'aggravation systématique.

La conduite pratique du diagnostic impose de disposer d'une liste de symptômes évocateurs et d'en mesurer la sévérité (tableau 1) sur une échelle analogique de 0 à 4. Celle qui est présentée a fait l'objet d'une première validation avec un groupe témoin de patients sans maladie d'Ehlers-Danlos (43).

 

Regroupement des manifestations cliniques de la maladie d'Ehlers-Danlos contribuant à son diagnostic (44).

Les douleurs (45), tout le corps est douloureux. Elles sont : articulaires et périarticulaires (98%, très intenses dans 82% des cas), musculaires (82%), abdominales (77%), thoraciques (71%), génitales (75%), migraines (84%), hyperesthésie cutanée (39%). La fatigue (96%).Les troubles proprioceptifs et du contrôle du mouvement : pseudo entorses (86%), luxations (90%), L’hypermobilité (97%). Les altérations de la peau : minceur (91%), fragilité (87%), vergetures (64%), retard de cicatrisation (85%). Les hémorragies (92%).

Manifestations gastro-intestinales : reflux gastro- oesophagien (80%),(85%), « blocages » respiratoires avec sensation d’étouffement (65%). Manifestations bucco-dentaires (71%). Manifestations ORL : hyperacousie (89%), hypoacousie, voire surdité (57%), acouphènes (69%), hyperosmie (69%), vertiges (80%). Manifestations ophtalmologiques : fatigue visuelle (86%), myopie (56%). Manifestations gynécologiques et obstétricales : règles abondantes (78%), accouchements difficiles (78%). Dysautonomie : frilosité (77%), sudations abondantes (74%), pseudo syndrome de Raynaud (74%), accélérations du rythme cardiaque (66%), Manifestations vésico-sphinctériennes : difficultés à uriner, envies pressantes. Manifestations cognitives : altération de la mémoire de travail, de l'attention, de l'orientation. S’ajoutent, parfois, des manifestations de dystonie (mouvements involontaires parfois alternés, tremblements, crises diffuses trompeuses généralisées à un hémicorps, ou aux extrémités, de contractures etc.).

Le caractère familial (incluant les formes frustes, incomplètes ou partielles) contribue largement au diagnostic de maladie héréditaire en l'absence actuelle de test génétique, inutiles lorsque quatre enfants sur quatre et leur mère sont atteints.

 

Un apport physiopathologique récent qui révolutionne l'approche séméiologique et thérapeutique de la maladie d'Ehlers-Danlos : l'altération majeure de la proprioception et de l'image du corps.

La maladie d'Ehlers-Danlos est une maladie du collagène, c'est à dire de la trame de tous les tissus conjonctifs qui constituent notre corps aussi bien osseux que cutané.

Elle s'appuie sur la connaissance du rôle du tissu collagène dans la résistance des tissus et en tant que support des capteurs qui fournissent aux centres de régulation consciente, automatique et végétative, les informations nécessaires à une bonne régulation de notre économie humaine. Cette perception, dénommée par Sherrington proprioception, véritable sixième sens, nous informe en permanence sur ce qui se passe au niveau de notre corps (à l'intérieur comme à l'extérieur) et sur les relations entre notre corps et son environnement proche. La maladie d'Ehlers-Danlos est donc une maladie de la proprioception, ce qui permet d'interpréter ses manifestations et de donner une ligne d'action à ses traitements qui seront spécifiques. Leur efficacité venant constituer un argument thérapeutique au diagnostic.

 

Le syndrome d'Ehlers-Danlos à l'heure de la thérapeutique.

On peut parler de révolution thérapeutique. Une meilleure connaissance clinique qui va au delà des classifications proposées par les généticiens a permis de rattacher les symptômes jusque là ignorés des classifications mises en place. Leurs particularités ont conduit à ramener la diversité des symptômes à une explication unique : une altération de la perception du corps du fait des modifications de la réactivité des tissus conjonctifs dans lesquels sont implantés les divers capteurs. Ceci est responsable des douleurs, des troubles du contrôle moteur, volontaire et automatique mais aussi de la régulation des fonctions végétatives. Cette dysautonomie généralisée explique les difficultés d'ordre vasculaire d'acheminement de l'oxygène au niveau tissulaire, notamment cérébral et musculaire à l'origine de la fatigue et des troubles orthostatiques posturaux.

Ces interprétations sont corroborées par le succès des innovations thérapeutiques dans le syndrome : les orthèses proprioceptives (vêtements compressifs spéciaux surtout) et l'oxygénothérapie. Les emprunts aux techniques de posturologie ont débouché sur l'orthoptie avec mise en place de prismes, aux orthèses bucco-dentaires. Cette orientation thérapeutique combinée à l'exclusion des traitements iatrogènes que sont les morphiniques, les anti-dépresseurs, les corticoïdes, les anti-inflammatoires sans protection gastro intestinale, la chirurgie orthopédique dans son ensemble. La vie d'un très grand nombre de personnes a pu être transformée par ces thérapeutiques qui sont encore à développer. Il faut y ajouter les effets bénéfiques de la L-DOPA sur la dystonie fréquente et handicapante dans le SED, de la Mélatonine sur le sommeil, de la L-Carnitine sur la fatigue, des injections locales, musculaires et para tendineuses de la Lidocaïne, des méthodes de rééducation proprioceptive incluant le Tai Chi, la natation et du maintien de l'activité physique pour solliciter constamment les centres régulateurs. Les difficultés cognitives relèvent de rééducations spécifiques. Les désordres bucco-dentaires relèvent d'une approche spécifique. Les accouchements doivent être particulièrement encadrés. Ces succès thérapeutiques encadrés par une prise en charge psychologique, voire psychiatrique, appellent à d'autres apports tels que la cryothérapie, les caissons hyperbares, la mise en apesanteur.

 

Réalisation concrète : le modèle de l'Hôtel-Dieu de Paris.

De 2007 à 2016, une organisation d'accueil diagnostique, thérapeutique et sociale a été mise en place à l'Hôtel-Dieu de Paris. Le pivot de l'organisation est une consultation polyvalente coordonnée par un Professeur de médecine ayant une expérience confirmée de ce syndrome. Le premier temps est la consultation diagnostique qui s'appuie sur la seule clinique en utilisant la grille de Paris. Ce premier bilan permet d'orienter vers un complément d'investigations paracliniques : échographies artérielles ou angioIRM à la recherche systématique d'atteintes artérielles dans le service d'imagerie de l'Hôtel-Dieu ou dans un lieu proche du domicile du patient. La vésicule est systématiquement explorée par échographie à la recherche de calculs, sinon fréquents, du moins dangereux, ainsi que le reste de l'abdomen à la recherche de kystes ou nodules. Le rachis est radiographié seulement en cas de suspicion de scoliose.

D'autres avis spécialisés sont mises en place : gynécologie systématiquement à l'Hôtel-Dieu avec une professeure de gynécologie, le sommeil, l'urologie, la psychiatrie à l'Hôtel-Dieu occasionnellement; la gastroentérologie, la chirurgie abdominale, l'odontologie auprès de praticiens formés au SED dans d'autre hôpitaux.

La mise en place des traitements orthétiques (vêtements compressifs et autres orthèses) se fait sur place avec la présence d'une équipe d'orthésistes présente sur place ce qui permet un échange direct médico-technique avec prises de mesures, ou moulages pour le grand appareillage sans que le patient ait à se déplacer. Le médecin prescripteur sera également présent au moment de la livraison. Le lien avec les techniciens chargés de l'application de l'oxygénothérapie et/ou du percussionnaire est également assuré par la présence hebdomadaire de l'un d'entre eux et par les visites fréquentes d'autres. Tous ayant été formés aux particularités du syndrome d'Ehlers-Danlos.

La participation de psychologues sur le plan cognitif et psychopathologique a permis d'établir des évaluations pour mieux comprendre la problématique de ces patients. L'intervention d'orthophonistes a permis d'entreprendre des rééducations de la mémoire et de l'attention. Un lien avec la pédopsychiatrie de l'Hôpital de la Salpetrière s'est établi avec application des techniques des vêtements compressifs proprioceptifs à des patients avec un autisme sévère.

Des liens ont été établis avec l'orthoptie pour rééducation et application de prismes posturaux. Les apports de la posturologie ont été intégrés progressivement dans l'examen clinique pour mieux appliquer les orthèses et évaluer les résultats. Ceci implique également l'aspect odontologique et orthodontique en sus des difficultés bucco dentaires importantes qui sont rencontrées et abordées, au moins partiellement avec un réseau d'odontologistes. le médecin généraliste est informé et associé à toutes ces démarches car il reste le pivot du suivi ultérieur.

Des consultations médico-chirurgicales sont organisées sur place avec des chirurgiens orthopédistes particulièrement entraînés à la pathologie du syndrome d'Ehlers-Danlos. Des formation de patients ont été mises en place, à l'Hôtel- Dieu, en lien avec une association de patients (ASED) combinant interventions et discussions le matin en amphithéâtre et, l'après-midi, ateliers pratiques (orthèses, oxygénothérapie, psychologie, kinésithérapie, insertion au travail....). Ces formations ont été prolongées lors des cures thermales organisées au Mont-Dore.

 

Conclusions

L'existence d'une entité clinique homogène, expression clinique polymorphe d'un syndrome proprioceptif global ne fait aucun doute lorsqu'on observe de grandes séries de patients. Notre propre expérience qui s'appuie sur une cohorte de 2503 patients, suivis depuis 17 ans, va dans ce sens. Les douleurs diffuses, la fatigue excessive, les troubles locomoteurs, la tendance hémorragique, la dysautonomie, la fragilité cutanée, l'hypersensorialité (douleurs, audition, olfaction, sens de l"équilibre), les troubles cognitifs, associés à la constatation de manifestations identiques chez des membres d'une même famille permettent de faire sans risque d'erreur un diagnostic ? Ceci permettra d'éviter la iatrogénie, la mise en place des traitements les plus efficaces (orthèses, contrôle postural, oxygénothérapie) et d'informer du risque de transmission du syndrome qui est quasiment systématique d'après nos observations.

Malgré quelques îlots de résistance, la doctrine qui s’impose est celle de la similarité du syndrome d’hypermobilité articulaire et du syndrome décrit par les généticiens comme type III ou hypermobile.

Nous allons au-delà et pensons que le tableau clinique d’Ehlers Danlos est unique avec des formes cliniques. Il y a, en fait une maladie d'Ehlers-Danlos (46) et non pas des syndromes d’Ehlers-Danlos. Ce point est important aussi pour les patients qui sont beaucoup moins pris en considération parce si leur pathologie est considérée comme l'un de ces nombreux syndromes que l'on attribue aux patients ("fatigue chronique" "postural", "jambes sans repos"...) qui apparaissent comme des classements imprécis et "peu sérieux", voire suspects, alors que les personnes avec une maladie souffrent d'une pathologie authentique, pouvant menacer leur vie, qui les fait souffrir et perturbe gravement leur existence et celle de leurs enfants. Les effets des thérapeutiques ciblées viennent confirmer ce point de vue.

L'hypermobilité, si elle est très fréquente ici, est loin d'être aujourd'hui le signe le plus important dans cette pathologie car il n'est pas responsable des difficultés fonctionnelles observées et n'est pas suffisant (ni même nécessaire au diagnostic). La place qui lui a été faîte est très excessive, comme d'ailleurs sa partenaire séméiologique traditionnelle : l'hyperétirabilité. Reste à tracer les limites de l'hypermobilité normale et l'hypermobilité pathologique.

 

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Tableau 1