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Claude Hamonet

 

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Apport des injections locales de Lidocaïne antalgiques
dans le traitement des douleurs de la maladie d'Ehlers-Danlos

Conseils pratiques

Professeur émérite Claude Hamonet, Faculté de Médecine de Créteil (UPEC), Consultation Ehlers-Danlos, Hôtel-Dieu de Paris.
Docteur Gilles Mazaltarine, Service de médecine Physique et de Réadaptation, CHU Henri Mondor, Créteil.

 

La (ou plutôt les) douleur(s) sont l'un des symptômes majeurs de la maladie d'Ehlers-Danlos. Leur intensité, parfois considérable, est responsable de nombreuses situations de handicap. Leur résistance aux antalgiques, même puissants, est habituelle. Par contre, elles sont souvent accessibles aux traitements locaux (chaleur, orthèses, TENS, emplâtres de lidocaïne...). Il est donc cohérent de privilégier les traitements « périphériques » de la douleur, avec l'hypothèse que ces actions locales répétées peuvent avoir un résultat à long terme sur son mécanisme de production.

L’injection locale de Lidocaïne est une technique courante en Médecine Physique et de Réadaptation pour traiter les douleurs musculaires (« points gâchettes » ou « trigger zone »). Une longue pratique répétée les a largement validées. Nous nous sommes donc inspirés de cet apport thérapeutique.

L’action des injections de Lidocaïne peut être spectaculaire et durable, ce qui surprend dans une maladie qui se singularise aussi par l’inefficacité fréquente des anesthésies locales, dentaires, locorégionales, péridurales. Ce traitement apparaît, aujourd’hui, comme une ressource dans les grandes crises douloureuses localisées ou généralisées et dans les blocages respiratoires douloureux d’origine costale.

 

Description des douleurs dans la maladie d'Ehlers-Danlos

Elles sont diffuses, multiformes et trompeuses, permanentes avec des crises d'exacerbations et, surtout, rebelles aux traitements habituels, même puissants, par voie générale.

Tout le corps est douloureux. L'association des douleurs suivantes est très évocatrice :

Cette association de douleurs et leurs caractéristiques évolutives constituent un argument très fort en faveur du diagnostic qui est posé sur les seuls arguments cliniques, en l’absence de test génétique.

Leur retentissement sur la qualité de vie est très important, du fait de leur permanence et des exacerbations à l'occasion de « crises », le plus souvent imprévisibles. Elles sont à l'origine de bien des limitations fonctionnelles, venant compromettre les fonctions de maintien assis ou debout, de marche, de mastication, de préhension, à cause de leurs localisations périarticulaires. Elles perturbent aussi la communication du fait de l'hyperacousie ou de l’hypoacousie et, plus largement, les fonctions cognitives, lors de migraines qui peuvent être d'une très grande intensité.

Technique des injections

Matériel utilisé : une seringue de 20 ml, l'aiguille la plus fine possible, sa longueur est choisie compte-tenu de la profondeur de la zone à traiter ;

Le lieu des injections

L'injection doit toujours se faire là où la douleur est la plus vive. Les points d’injections étant repérés par une palpation attentive mais prudente pour ne pas déclancher de douleur durable, guidée par le patient.

Une cartographie des points douloureux de la maladie d'Ehlers-Danlos peut être établie ainsi :

Réalisation pratique

Désinfection à l’alcool. Utilisation de Lidocaïne à 5 mg par millilitre placée dans une seringue de 20 ml. Le volume total injecté recommandé est d’un flacon par séance d’injections. Se servir d’aiguilles aussi fines que possible. Nous préconisons des aiguilles intradermiques (0,3 x 13 mm REF 304000) pour les régions facilement accessibles (trapèzes, muscles périscapulaires, grill costal), ailleurs, ce seront des aiguilles pour injections sous-cutanées (0,5x16mm REF 300600) ou intramusculaires. La traversée de la peau est le moment le plus difficile, du fait d’une hyperesthésie cutanée fréquente, surtout chez les enfants. Dans ce cas, on peut avoir recours à la mise en place d’un anesthésique cutané (Emla) 10 à 15 minutes avant d’injecter. Avant de piquer, il convient de toucher la peau avec l’aiguille, ce qui peut suffire à provoquer une douleur très vive. On recherchera alors par le « touché» de l’aiguille une zone moins douloureuse pour avoir accès à l’endroit que l’on veut atteindre. La traversée de la peau doit se faire très lentement avec douceur, une fois l’aiguille implantée, il faut éviter de la bouger. L’injection se fait très lentement car le contact du jet liquidien suffit, là aussi, à provoquer des douleurs. Le volume à injecter varie suivant le lieu de l’injection mais peut se limiter à quelques gouttes du produit (au niveau des côtes en particulier).

Avec ces techniques, 1 à 10 injections peuvent être effectuées en une seule séance. Pour les régions cervico-scapulo-thoraciques, mieux vaut effectuer l’injection, patient en position assise, pour la région pelvienne, ce sera en décubitus ventral, pour les cuisses, ce sera en décubitus latéral.

L’effet est rapide, en quelques dizaines de seconde habituellement. Pour le trapèze, le test d’efficacité est de pouvoir réaliser une rotation de la tête plus ample, plus aisée et sans douleur. D’une façon générale, la sensation rapportée est qu’un étau se desserre que le tronc, l’épaule, la hanche « se débloquent », que l’on peut respirer amplement sans douleur, que l’on peut ouvrir et fermer sa main, serrer des objets,  sans douleur aussi.

L’effet est souvent durable sur plusieurs jours, semaines mois ou même année, comme nous l’avons observé. La fréquence des injections ne semble pas avoir de limitation. Il vaut mieux, cependant, respecter un intervalle de deux jours entre deux séries. Une réaction de fatigue et de somnolence accompagne parfois le traitement et incite à réduire le nombre d’injections. L’intolérance à la Lidocaïne, avec des réactions générales ou locales intenses est exceptionnelle mais, bien entendu, interdit cette thérapeutique. Elles peuvent être répétées en laissant un intervalle de 48 heures entre deux séries.

L'association Lidocaïne-Cortisone conserve des indications dans la maladie d'Ehlers-Danlos, notamment dans les cas d'algoneurodystrophie avec épaule gelée ou menacée de l’être (Injection, par la voie postérieure de Cyriax dans l'articulation gléno-humérale) et infiltration du canal carpien dans le syndrome épaule-main. Il en est, de même, pour certaines  tendinites (Achille, péroniers latéraux...).