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Claude Hamonet

 

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Dyspnée et Ehlers-Danlos

Mise au point diagnostique et thérapeutique (cas clinique)

Mots-clés : Crises respiratoires aiguës, Ehlers-Danlos, urgences médicales, oxygénation.

"Méfiez-vous du pied des éléphants si vous avez une maladie d'Ehlers-Danlos!!!"

 

Les manifestations respiratoires tiennent une place très importante dans la symptomatologie de la maladie d'Ehlers-Danlos. Leurs expressions habituelles sont la dyspnée avec essoufflement à l'effort, notamment à la montée des escaliers ("signe de l'escalier") par non transmission aux centres respiratoires des messages envoyés par les mécanorécepteurs des articulations des membres inférieurs), les "blocages" respiratoires en inspiration mais aussi la fréquence des bronchites, des infections aériennes supérieurs (angines, sinusites, otites), la dysphonie, les toux "tenaces" et... les douleurs thoraciques qui sont à l'origine de cette mise au point clinique et thérapeutique.

Observation

Il s'agit d'une brillante étudiante universitaire en mathématiques. Le diagnostic de maladie d'Ehlers-Danlos a été posé devant la présence du regroupement de symptômes évocateur maintenant validé, douleurs diffuses, de fatigue intense, de difficultés de marche imposant le fauteuil roulant de façon intermittente, de troubles neurovégétatifs (dysautonomie), associés au cortège habituel de troubles digestifs, cutanés, bucco-dentaires, visuels, auditifs et du test génétique clinique formel que représente la présence du même tableau clinique évocateur d'une forme de type III (classification de Villefranche des généticiens) et SHA des rhumatologues (critères de Brighton), chez sa sœur et son père, en l'absence de test biogénétique disponible dans cette forme, de très loin, la plus fréquente du SED.

Il y a trois semaines, alors qu'elle était passagère avant attachée dans la voiture conduite par sa mère, un coup de frein brutal la projette en avant. Sa ceinture de sécurité la retient, au prix d'une douleur thoracique vive. Cette douleur persiste et, son accentuation importante entraîne une gêne respiratoire de moins en moins bien contrôlée par l'oxygénothérapie quotidienne qu'elle utilise, dans le cadre de son syndrome d'Ehlers-Danlos, contre la fatigue et les migraines. Elle se rend aux urgences du CHU de sa ville de résidence. Elle est reçue par une urgentiste qui connaît l'existence du syndrome et ne s'oriente pas vers un autre diagnostic tel une embolie pulmonaire avec pour corollaire le risque vital d'hémorragies diffuses incontrôlables étant donnée l'extrême fragilité des petits vaisseaux dans la forme Elle rattache donc l'état quasi asphyxique avec une chute importante du taux d'oxygène dans le sang, au syndrome et décide une oxygénothérapie permanente avec succès : le taux sanguin d'oxymétrie remonte mais, il chute à l'arrêt de l'oxygène. Ce point, surprenant dans le SED où le taux d'oxygène sanguin varie peu, s'explique par la sidération totale de l'appareil respiratoire (diaphragme en particulier) du fait de l'intensité combinée des douleurs et des troubles proprioceptifs. Les difficultés respiratoires se calment partiellement et elle peut sortir de réanimation en continuant une oxygénothérapie ambulatoire. Elle peut même voyager en train mais elle garde une difficulté respiratoire importante avec des grandes difficultés à positionner son corps pour s'asseoir, dormir, se mouvoir.

Lorsque nous la recevons à la consultation Ehlers-Danlos de l'Hôtel-Dieu, elle préfère s'asseoir sur la table d'examen, le tronc penché en arrière, les deux bras tendus en appui sur la table, les jambes pendantes. Elle a du mal à parler, sa voix est très faible, rire, tousser est horriblement douloureux, sa cage thoracique est pratiquement immobile en position d'inspiration, avec ascension des épaules et le cou penché en avant. Elle nous déclare qu'elle a la sensation qu'un pied d'éléphant lui écrase la poitrine. Nous n'observons pas de cyanose des lèvres. L'examen clinique permet rapidement le diagnostic par la palpation de la totalité du tronc mais aussi du cou. La présence de points douloureux très vifs, dans l'angle xyphoïdien, le long du rebord costal à droite et à gauche, en avant et en arrière, au niveau des articulations sterno-claviculaires, particulièrement à la partie supérieure, au niveau des côtes moyennes postérieurs. Ces douleurs combinées à la mauvaise perception proprioceptive de cette partie du corps réalisent un état"pseudo paralytique" des muscles respiratoires (diaphragmes en particulier, mais aussi intercostaux et respirateurs accessoires.

La solution est de neutraliser les douleurs par des micro injections de Lidocaïne avec une aiguille très fine et courte (0,5x16 mm) sur tous les points douloureux thoraciques (12 au total ici). Des injections des trapèzes, des fixateurs des omoplates ont été effectuées en complément pour agir sur les contraintes subies par cette partie du corps à l'occasion des efforts "forcés" pour assister une respiration défaillante. Le résultat a été très rapide (quelques secondes) avec disparition des douleurs et reprise de l'aisance de la respiration et de la parole. L'éléphant avait, enfin, levé le pied !

Ces gestes effectués sont simples, sans danger (le risque, très exceptionnel, de malaise par hypotension du fait de la diffusion du produit dans le sang est prévenu par la mise en position allongée, ce qui était impossible ici à cause de l'état d'insuffisance respiratoire subaigu), durables dans leurs effets et peuvent être répétés chaque fois que les symptômes réapparaissent.

Claude Hamonet, le 16 février 2016