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Claude Hamonet

 

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Ehlers-Danlos : la classification de New York (2017) n’est pas un instrument de diagnostic

 

Tout récemment (2019), les Editions Maloine à Paris ont publié un remarquable ouvrage collectif rédigé par les cinq chefs de clinique du service de médecine interne de Claire Le Jeunne, professeure de Thérapeutique, très impliquée dans la pédagogie à la Faculté de Médecine de l’Université Paris-Descartes et chef de service de médecine interne à l’Hôpital Cochin (APHP) à Paris :

Maladies systémiques. Critères diagnostiques et de classification

Cet ouvrage est un guide pratique de 110 pages, de format de poche (pour celle d’une blouse blanche en tout cas). Il présente, pour chacune des 48 maladies ou syndromes systémiques répertoriés, une fiche technique comportant : les critères diagnostics (à utiliser lors de la consultation clinique avec le patient), les critères de classification, parfois avec des scores et, plus rarement, les manifestations fréquentes en l’absence des critères précédents (dans la maladie de Fabry par exemple). Chaque fiche est accompagnée d’une définition de la pathologie, d’une note d’expert concernant la maladie, de données d’épidémiologie et d’une bibliographie courte (1 à 3 références récentes) appropriée. Les maladies et syndromes répertoriés sont classé, selon des critères, physiopathologiques biologiques : Pathologies auto-immunes, pathologies inflammatoires et auto inflammatoires, désordres hémato-immunologiques, maladies de dépôts et de surcharge par déficit enzymatique ou autres. Les maladies systémiques n'appartenant pas à ces quatre catégories, notamment Ehlers-Danlos, ne sont pas envisagées. Il serait facile de les ajouter selon la même méthodologie. Sous la rubrique maladies héréditaires du collagène où elle pourrait voisiner avec Lobstein et Marfan.

Ce travail méticuleux et courageux est une avancée considérable en séméiologie et en méthodologie du diagnostic en médecine. En effet, il fait parfaitement la différence, entre critères diagnostiques et critères de classification. Les auteurs écrivent dans leur introduction : « pour chaque pathologie systémique, le lecteur trouvera une fiche avec un ou plusieurs tableaux de critères. Ces critères peuvent être des critères diagnostiques (CD pour l’utilisation en clinique), des critères de classification (CC, qui ne peuvent être utilisés en clinique mais sont utilisés dans les publications scientifiques) ».

Le projet, non validé scientifiquement et critiqué (Italie, Pays de Galles, France, Belgique, Grande-Bretagne, Espagne, Etats-Unis…) de Classification des syndromes d’Ehlers-Danlos élaborée par les généticiens du groupe International consortium of Ehlers-Danlos New York, coordonné par une association américaine de patients (The Ehlers-Danlos Society, dont l’executive director est Lara Bloom), ne peut donc être utilisé comme instrument de diagnostic mais seulement pour tenter de faire avancer les connaissances scientifiques. Ce sont les liens avec des mutations génétiques qui sont recherchés, sans succès jusqu’à présent, dans cette maladie héréditaire dont le mode de transmission, quand on l’observe sur des cohortes importantes de patients n’obéit pas aux lois de Mendel et apparaît comme systématique, avec une très grand variété de symptômes, dans une même famille (même chez des jumelles homozygotes) et sur une même personne d’un moment à l’autre de sa vie. C’est ce qu’exprime l’un des généticiens américains qui connaît le mieux cette maladie, Brad Tinkle qui a dénombré, avec Rodney Grahame, la très grande fréquence d’Ehlers-Danlos (10 millions aux USA, 17 millions en Europe). Il estime qu’il faut restreindre le nombre de cas diagnostiqués pour mieux permettre aux généticiens, « noyés » par le nombre de patients, de progresser. Le résultat est une catastrophe pour les patients qui ne sont pas reconnus par un instrument qui n’est pas conçu pour eux et est, en pratique, inutilisable aboutissant à des résultats très divergents selon les examinateurs, même s’ils connaissent la clinique d'Ehlers-Danlos, les troubles cognitifs, par exemple ou les rétractions des muscles des genoux et de la cheville, l’hyperosmie, les kystes etc. Ce qui est très rare. Certains parents sont même faussement accusés, en l'absence de diagnostic, de maltraitance directe ou par Münchausen interposé, créant des drames familiaux et médicaux effrayants et difficiles à récupérer.

La conclusion est qu’il faut, sans attendre, reconsidérer les conditions du diagnostic d'Ehlers-Danlos, abandonner la classification de New York qui conduit à des erreurs diagnostiques graves et s'appuyer sur les critères du diagnostic qui ont été scientifiquement démontrés par des publications médicales. Les signes les plus significatifs étant les douleurs multiples et rebelles, la Fatigue intense et permanente, les difficultés de contrôle des mouvements volontaires avec présence de mouvements involontaires, l'instabilité articulaire avec de fréquents craquements, la peau fine et fragile ne protégeant pas de « sensations de décharges » au contact de l'électricité statique, l'hyperlaxité articulaire, une tendance hémorragique diffuse, une hyperacousie, des reflux gastriques. D'autres signes sont importants et la cause d'errances médicales : la dysautonomie, avec hypotension et pieds froids évoquant un syndrome de Raynaud, les difficultés cognitives, la diplopie, les dysuries ou pollakiuries...

Ces manifestations sont souvent mentionnées dans les descriptions des autres maladies systémiques et permettent de mieux comprendre les diagnostics de Kawasaki, de Gougerot-Sjögren, de lupus, de sclérodermie, de périartérite noueuse, de pseudopolyarthrite rhizomélique, de syndrome de Behcet, de dermatomyosite, de sarcoidose, de mastocytose, d'hémochromatose, de maladie de Gaucher etc. qui sont souvent évoqués ou posés devant le tableau clinique polymorphe et « systémique » de cette maladie fréquente et oubliée : Ehlers-Danlos. Sa très grande fréquence, l'existence de traitements efficaces (vêtements spéciaux et orthèses, L-Dopa, oxygénothérapie, injections de Xylocaïne, activité physique adaptée), surtout s'ils sont précoces, sa transmission systématique doivent la faire sortir de l'oubli de l'erreur de diagnostic ou du rejet qui est trop souvent le lot des patients (5.800 en 25 ans que nous avons diagnostiqués) avec un retard qui aurait du être évité.

Paris, le 16 février 2020

Maladies systémiques - Critères diagnostiques et de classification