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Claude Hamonet

 

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Édouard ZARIFIAN

Pour une Psychiatrie « Médecine de la subjectivité »
dans les allées des jardins de la folie.

 Édouard Zarifian

« Aucune guérison n’est complète, si une relation par la parole ne s’installe pas pendant les soins,
et après, entre le malade, ses proches et le médecin.
 » (Édouard Zarifian, Les jardiniers de la folie).

 

Né en 1941, Interne nommé au concours 1967, Édouard ZARIFIAN fait partie d’une génération de collègues qui, dans les années 1960, se sont investis dans la Psychiatrie. La Psychiatrie  française, avec Jean Delay, Pierre Pichot, Pierre Deniker et d’autres, s’était fortement engagée, avec efficacité nouvelle, dans la thérapie médicamenteuse. Parallèlement, le courant psychanalytique poursuivait sa démarche. Deux courants s’affrontaient, sans beaucoup se côtoyer : celui des « organicistes » et celui des « psychodynamiciens » à l’époque où Neurologie et Psychiatrie formaient un tout.

Édouard ZARIFIAN aura un parcours particulièrement original et riche. Sur le plan universitaire, il le conduira à Clermont Ferrand puis au CHU de Caen où il sera Professeur de Universités de psychiatrie et de psychologie, et Chef de service au CHU dès 1984.

Il saura être un professionnel communicant à travers des ouvrages dont le plus remarquable qui  synthétise sa pensée sur la psychiatrie ainsi que ses relations avec la société est Les jardiniers de la folie, édité pour la première fois en 1988. Il y écrit : « la maladie mentale n’est que l’exagération, la caricature de tout comportement humain. La considérer en face c’est se regarder sous les complaisances habituelles. N’est-ce pas là précisément ce qui fait le plus peur, ce qui engendre les comportements de fuite et d’exclusion ? »

Il s’interroge longuement sur les notions fondamentales, pour ne pas dire fondatrices en médecine de normal et de pathologique. Il précise, avec justesse, que « la normalité en médecine somatique est une valeur statistique qui caractérise la moyenne d’une population ». Il s’interroge sur « ce qu’est ce que la norme en matière de pensée ? »

C’est là que réside la difficulté d’appliquer le concept de « maladie » à la pensée. « La maladie est une différence par rapport à un état qui se définit comme un état de santé… en Psychiatrie, il est beaucoup plus difficile de suivre une démarche médicale… il n’existe pas de norme en soi, mais seulement un consensus du groupe culturel sur ce qui est comportement normal et ce qui est comportement déviant. La norme varie avec le milieu et la culture. »

D’autres titres suivent : Des paradis plein la tête ; Le prix du bien être ; La force de guérir ; Le goût de vivre.

Il fait un double constat : celui des limites et de l’abus des psychotropes. Il sera chargé, par le Ministre de la Santé, en 1996 de rédiger un rapport sur leur consommation en France, particulièrement des anti-dépresseurs et des benzodiazépines. Les conclusions de ce rapport sont vigoureuses et dérangent le monde de la Psychiatrie et de l’industrie pharmaceutique. Il dresse un bilan mitigé sur leur efficacité. Il s’élève contre la surconsommation française d’anti-dépresseurs (40 % supérieure à celle de la Grande Bretagne). Il s’insurge contre le fait « qu’il n’existe actuellement aucune réflexion dans le milieu médical et en particulier dans le milieu psychiatrique académique sur l’éthique de la prescription de médicaments psychotropes ». Il considère que « incorporer le recours au médicament en fixant ses limites » dans la relation psychologique avec  l’intéressé fait partie des règles techniques d’utilisation.

Il prône l’écoute et la parole. Il considère que « la théorie psychanalytique demeure encore aujourd’hui la description la plus satisfaisante de l’organisation de la vie psychique », mais il rappelle que : « une autre revendication de la psychanalyse est d’être un outil thérapeutique. C’est là que le bât blesse le plus. Si c’était vrai, depuis plus de cent ans, cela finirait par se savoir, elle  ne constitue pas à proprement parler une thérapeutique. C’est même parmi les différentes formes de psychothérapie, celle qui s’en éloigne le plus. »

Il propose un modèle biopsychosocial qui intègre l’ensemble des biologiques humain et social de l’Homme qui doit être observé sous ces différents angles si l’on veut créer une approche cohérente, humanisée et pas seulement « hominisée » (Edgar Morin) de ce qu’il est convenu d’appeler la maladie mentale.

Ses travaux sont étayés par les ouvrages que nous avons cités et par 450 articles, communications et conférences en français mais aussi en anglais notamment vers les U.S.A.

Il s’est investi, avec succès, dans la direction d’une collection d’ouvrages médicaux pratiques aux Editions Odile Jacob, dont l’objectif est « comprendre pour dialoguer : les rapports entre le médecin, le malade, sa famille ou ses proches en seraient facilités. »

Édouard ZARIFIAN homme de culture et esthète a su, en connaisseur, exercer ses talents d’écrivain au-delà de la médecine. L’un de ses derniers livres (2005) sera sur Dom Pérignon, le moine génial inventeur d’un breuvage pétillant et symbolique de la joie de vivre, sous le titre La bulle de champagne. La même année  il publiait Le goût de vivre.

Le 20 février 2007, Édouard ZARIFIAN meurt à 65 ans à Ouistreham. Une rue « Professeur Édouard ZARIFIAN » a été inaugurée le 13 novembre 2008 à Caen.

Il reste très présent à travers tous ses écrits et ses réflexions avant-gardistes et de bon sens sur la Psychiatrie et totalement d’actualité aujourd’hui, alors que la société à travers le pouvoir politique envisage, entre autres réformes sociales, celle de la psychiatrie et/ou du statut du malade mental dans nos sociétés. C’est le moment de lire ou relire Les jardiniers de la folie et de nous répéter cette phrase du Goût de vivre : « C’est la parole, source de bonheur, comme de nos peines qui nous fait vivre dans un mélange subtil de réel, d’imaginaire et de symbolique. Pour savourer le goût de vivre, sachons ensemble retrouver la parole perdue, car nous avons encore tant de chose à nous dire… »

 

Références bibliographiques

Zarifian É., Les jardiniers de la folie, Odile Jacob, Paris,1988.
Zarifian É., Le Prix du bien-être : psychotropes et sociétés, Odile Jacob, Paris, 2005.
Zarifian É., Le Goût de vivre, Odile Jacob, Paris, 2005.
Zarifian É., Coutant C., Liger-Belair G., Bulle de champagne, Perrin, Paris, 2005.

 

Voir aussi :

Un blog à la mémoire d’Édouard Zarifian, psychiatre et écrivain.
Un article sur le site encyclopédique Wikipédia.