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Claude Hamonet

 

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Pourquoi le Syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) est-il
diagnostiqué si mal et si tard et… remis en doute ?
Pour une nouvelle taxonomie

Hamonet Cl., Service de Médecine Physique (Dr. Maigne), Hôtel-Dieu de Paris.
Mazaltarine G., Service de Médecine Physique et de Réadaptation, (Pr. J.M. Graciès), CHU Henri Mondor, Créteil.
Laouar R., Service de Médecine Physique (Dr. Maigne), Hôtel-Dieu de Paris.
Giannopulu I., Ecole des psychologues cliniciens, Institut catholique de Paris.
Mohler J., Institut de formation en ergothérapie, Université Paris 12, Créteil.

Présentation, sous la forme d’un Poster, au 24ème congrès de la Société nationale de Médecine Physique et de Réadaptation, à Lyon, les 15, 16 et 17 octobre 2009. (Travail soutenu par la Fondation de France.)

 

Le contexte de l’étude

• Une consultation spécialisée pour les personnes avec un syndrome d’Ehlers-Danlos au CHU Henri Mondor, puis à l’Hôtel-Dieu de Paris qui a accueilli 370 personnes avec un syndrome (ou maladie) d’Ehlers-Danlos.
• Une enquête par questionnaires sur les diagnostics évoqués avant que celui d’Ehlers-Danlos ne soit porté, auprès de 87 personnes ayant un syndrome d’Ehlers-Danlos.
• Les contacts avec les médecins, principalement généralistes, qui suivent ces patients.
• Les commentaires des médecins à leur propos rapportés en consultation par les patients.
• Le soutien de la Fondation de France dans le cadre d’un projet sur « l’annonce de la maladie et du handicap »

 

Bref historique

Le Danois Ehlers (1900) et le Français Danlos (1906) ont décrit chacun un cas de patient avec une hyperélasticité cutanée et une hypermobilité articulaire. Ces deux signes marqueront jusqu’à maintenant l’identification de cette maladie génétique du tissu conjonctif, principalement à transmission autosomique dominante, et laisseront dans l’oubli (ou le rejet) toute une symptomatologie très riche dominée par la fatigue et les douleurs associées plus ou moins à des symptômes provenant des lésions viscérales. Tout ceci fait des personnes avec un syndrome d’Ehlers-Danlos des personnes porteuses d’un handicap souvent important et toujours « invisible » car basé sur des manifestations essentiellement subjectives et pourtant bien réelles.

 

Classification par les généticiens des syndromes d’Ehlers-Danlos. Villefranche (1997)

1 - « Classique », ex Type I et II : Laxité articulaire et cutanée
2 - « Hypermobile », ex Type III : laxité articulaire, douleurs
3 - «Vasculaire », ex Type IV : modifications du morphotype (face, extrémités), peau très fine, risques de ruptures artérielles, intestinales ou utérines.
4 - « Cyphoscoliotique » Scolioses sévères de la petite enfance (« congénitales ») et manifestations oculaires.
5 - « Arthrochalasis » Grande laxité articulaire avec luxation de hanche dès la naissance.
6 - « Dermatoparaxis », manifestations cutanées importantes.

 

Critères cliniques du diagnostic des syndromes d’Ehlers-Danlos et proposition d’une nouvelle typologie à objectifs thérapeutique (MPR surtout) et de réadaptation

I - La Forme commune asthéno-algique qui associe :
1) une fatigue intense ;
2) des douleurs diffuses, difficiles à contrôler par les antalgiques, articulaires, abdominales, cutanées, crâniennes (migraines) ;
3) une instabilité articulaire (entorses ou pseudo entorses répétées, luxations ou subluxations, difficultés de contrôle proprioceptif), avec ou sans hypermobilité ;
4) une fragilité de la peau (vergetures, troubles de la cicatrisation, blessures faciles) ;
5) un comportement mécanique particulier de la peau et des muqueuses : syndrome hémorragique sans trouble de la crase sanguine (ecchymoses, gingivorragies, épistaxis, hémorragies rectales), hyperétirabilité cutanée.
6) des troubles digestifs marqués (constipation, reflux gastro œsophagien)
7) des troubles respiratoires d’origine bronchique (dyspnée, bronchites, blocages respiratoires)
8) des troubles vésico-sphinctériens (rétention vésicale chronique et incontinence)
9) Eventuellement d’autres signes sont retrouvés : cardiaques, vasculaires, bucco-dentaires, ORL, ophtalmologiques, neurovégétatifs…

II - Les Formes cliniques
1) Les formes non douloureuses ;
2) Les formes à dominante(s) : Vasculaire, digestive, proprioceptive (parfois-pseudo-paralytiques), respiratoire, orthopédique (avec instabilités articulaires sévères), cutanée.
Il s’agit d’une maladie génétique donc familiale, ce qui contribue au diagnostic mais rend plus difficile l’annonce : ce n’est pas une personne que l’on diagnostique mais une famille.
Dans tous les cas la symptomatologie est variable d’un moment à l’autre et se renforce volontiers lors de « crises » très handicapantes.
L’évolution est imprévisible et non superposable nécessairement à celle des autres membres de la famille concernée. Les femmes ont davantage de manifestations que les hommes.
Il n’existe aucun test biologique formel pour affirmer l’existence d’un SED ; le diagnostic repose sur la seule clinique, certains signes (hypermobilité, entorses, troubles digestifs, manifestations respiratoires…) ayant pu disparaître ou s’atténuer avec l’âge ou bien ne pas encore être apparus…

 

Le questionnaire d’enquête sur les diagnostics évoqués avant d’identifier le SED

Nom :                               Prénom :
Diagnostics évoqués ou posés
1 - Fibromyalgie 
2 - Maladie de Marfan 
3 - Syndrome des enfants battus 
4 - Maladie de Crohn 
5 - Maladie Cœliaque 
6 - Sclérose en plaque ou une autre maladie neurologique 
7 - Hystérie ou trouble psychique (« C'est dans la tête ») 
8 - Maladie rhumatismale (polyarthrite par exemple) 
9 - Maladie de Lyme 
10 - Autre(s) diagnostic(s) :

 

Résultats de l’enquête sur les diagnostics posés ou évoqués avant de connaître celui d’Ehlers-Danlos chez 87 personnes

• Troubles psychiques (avec des étiquetages divers) : 58 personnes
• Maladie neurologique : 33 personnes
     - Sclérose en plaque : 12 personnes
     - Autres que la sclérose en plaque (incluant les maladies musculaires et la myasthénie) : 21 personnes
• Maladie rhumatismale (en dehors de la fibromyalgie) : 30 personnes
• Fibromyalgie : 25 personnes
• Maladie de Marfan : 18 personnes
• Syndrome des enfants battus : 15 personnes
• Maladies à manifestations digestives : 13 personnes
• Maladie de Crohn : 10 personnes
• Maladie cœliaque : 3 personnes
• Maladie de Lyme : 1 personne
• Autres : Asthme, maladie hématologique (Willebrand, hémophilie), « douleurs de croissance », syndrome des scalènes, lymphadénite de Kikuchi-Hashimoto, sarcoïdose…

 

Les motifs de rejet du diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos par les médecins

• L’ignorance du corps médical est quasi-totale et entretenue par une terminologie (Ehlers-Danlos) difficile à articuler et, plus encore, à entendre.
• La méfiance des médecins face aux types de symptômes allégués : douleurs, fatigue, constipation, fatigue visuelle, acouphènes, migraines… Considérés comme banals, ils sont volontiers l’objet d’interprétations psychosomatiques erronées au lieu d’être considérés comme des signes d’alerte.
• Le caractère diffus et « multi-appareils » des manifestations observées perturbe bon nombre de médecins formés à une « médecine à la pièce détachée » (Henri Margeat) qui ne facilite pas le diagnostic d’une maladie dont les lésions son disséminées dans la presque totalité du corps humain.
• Le caractère variable de la symptomatologie qui surprend par des « crises » d’allure parfois dramatique par leur intensité.
• La discordance entre l’importance du retentissement fonctionnel et des situations de handicap alors que l’examen clinique est pauvre.
• Les descriptions surprenantes de certains symptômes qui paraissent étranges aux non initiés (troubles du schéma corporel, de la proprioceptivité et de la mémoire spatiale), à tort interprétés comme une somatisation par désordre psychique.
• La résistance des douleurs aux antalgiques, même très puissants qui parait « suspecte » tant elle est importante.
• Les effets de mode qui conduisent par imprégnation médiatico-médicale à poser plutôt certains diagnostics que d’autres, c’est le cas de la fibromyalgie mais aussi de la sclérose en plaque. Ces erreurs de diagnostics peuvent avoir des conséquences graves en poursuivant l’errance thérapeutique de ces patients mais aussi par certains traitements inappropriés (traitements immunitaires, chirurgie orthopédique ou intestinale inutile, manipulations cervicales destructrices pour les artères vertébrales…).
• Les préjugés médicaux. C’est ainsi que ceux qui connaissent le nom de ce syndrome (rhumatologues surtout) en ont une souvent une vision simplifiée et fausse, limitée à l’hypermobilité et l’étirabilité cutanée niant l’existence des douleurs qu’ils renvoient à un facteur psychique ou à une supposée arthrose que nous ne rencontrons pas précisément chez nos patients.

 

Bibliographie

• Beighton P, De Paepe A., Steinman B. & al., « Ehlers-Danlos syndrome : revised nosology », Villefranche 1997, Am. J. Med, Genet, 1998, 77, 33-7.
• Hamonet Cl., Dassouli A., Kponto-Akpabie A., Boulay Ch., Macé Y., Rigal C., « Une pathologie mal connue, source d'errances diagnostiques et thérapeutiques : le syndrome d'Ehlers-Danlos. Apports nouveaux de la médecine de Rééducation. » Entretiens de Bichat, Médecine. Paris, Expansion scientifique française, pp. 6-9, 2001.
• Hamonet Cl., « Le syndrome d'Ehlers-Danlos (SED) : une entité clinique et génétique insolite, orpheline, et handicapante et mal connue dont la rareté doit être remise en question. Apport de la Médecine Physique et de réadaptation », Journal de Réadaptation médicale, N°2-3, septembre 2007, volume 27, pp. 64-70.

 

Hypermobilité du pouce

 

Ecchymose accompagnée d’une érosion sanguinolente quasi spontanée

 

Conclusions

Le syndrome d’Ehlers-Danlos est victime d’une quasi méconnaissance par les médecins de ce qu’il est réellement.

Son apparente invisibilité peut être levée par une écoute plus attentive de leurs patients «qui leur feront le diagnostic » (Osler), bien aidés aujourd’hui, il faut le dire, par internet.