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Claude Hamonet

 

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Les personnes avec un syndrome d’Ehlers-Danlos
Apports de la médecine Physique et de réadaptation

ATTENTION :

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(en cours d’actualisation)

HAMONET Cl., Service de Médecine Physique et de Réadaptation du CHU Henri Mondor, Créteil.
BOUCAND M.H., Praticien hospitalier, Médecine Physique et de réadaptation, ancien chef de service, Lyon.
DEYE M., Association Française des Syndromes d’Ehlers Danlos (AFSED), 34 Rue Léon Joulin, 37000 TOURS.
MAGALHAES T., Instituto Medico Legal de Porto, Portugal.

 

Connu depuis l’antiquité, décrit en 1657 par le chirurgien Job Van Meeckren à propos d’un marin et d’un contorsionniste, le syndrome d’hypermobilité articulaire pathologique associé à une fragilité cutanée été identifié pour la première fois par le médecin russe, A. N. Chernoguon, en 1891, qui rattache ces phénomènes à une altération du tissu élastique.

C’est en 1936, dans un article, paru dans le Journal Anglais de Dermatologie que le Docteur Frederich Parkes-Weber propose que l’affection soit dénommée : « Syndrome d’Ehlers-Danlos » en référence à deux auteurs, l’un danois, Ehlers, l’autre français Danlos qui avaient décrit en 1900, pour le premier, en 1908 pour le second, lors de réunions de la Société Parisienne de Vénérologie et Dermatologie, deux cas identiques à celui de Chernoguon.

Les aspects génétiques ont été développés, à partir des années 1960, avec la mise en évidence du type autosomique dominant comme étant le plus fréquent. Ils ont contribué à distinguer, dans un premier temps, onze, puis six formes différentes de Syndromes d’Ehlers-Danlos. Cette évolution n’est pas terminée. .Il ne s’agit pas seulement de classer les différentes formes d’une maladie aux expressions multiples, mais aussi de donner un nom et un sens pour les intéressés, et leurs familles. De plus, un espoir important est placé dans ces avancées de la recherche : celui d’un traitement du mécanisme biologique de la maladie. Il est plus aisé de se battre contre une entité connue que contre l’inconnu et, donc, l’imprévisible.

Les Syndromes d’Elhers-Danlos sont aujourd’hui considérés comme appartenant aux "maladies rares", et "orphelines". Ils sont surtout très mal connus du corps médical, chirurgical et odontologique, ce qui a pour conséquences un manque d’identification médicale avec de fréquents rejets de la part des médecins qui ne comprennent pas les symptômes et, de la part de la société, une méconnaissance suspicieuse à travers les instances sociales du handicap, telles que les COTOREP.

Des décisions thérapeutiques inappropriées, chirurgicales notamment, sont parfois prises inopinément.

Le diagnostic, trop souvent tardif, se fait sur les seuls arguments retenus lors de l’examen par le médecin. Il n’y a pas test biologique ou histologique spécifique.

L’évolution est imprévisible et, de plus, inégale entre les diverses formes dans une même famille, ce qui complique l’organisation du projet de vie, mais ceci laisse une marge à l’espoir, surtout s’il y a conjointement une prise en charge de réadaptation.

 

Les manifestations lésionnelles, fonctionnelles, situationnelle et subjectives du syndrome d’Ehlers-Danlos.

Modifications du corps, état lésionnel

L’hypermobilité articulaire est habituellement, mais pas toujours, symétrique. Elle se manifeste par des amplitudes articulaires excessives et des mobilités pathologiques d’allure, parfois impressionnant, allant jusqu’à la sub-luxation ou la luxation réductibles. Elle concerne les doigts et les poignets le coude. Les pieds sont également hyper mobiles, notamment les orteils. Le rachis n’est pas épargné (instabilité cervicale ou lombaire) et cette hyper mobilité comporte, un risque d’accident lors de manipulations ou de tractions vertébrales, surtout pour la colonne cervicale. Les entorses et les luxations sont volontiers répétitives. Elles réagissent mal aux traitements usuels (strapping, chirurgie), mieux vaut une immobilisation pas trop contraignante.

Il n’y a pas d’atteinte des nerfs ni des fibres musculaires. Cependant, l’hyperétirabilité des tendons et cloisons musculaires, la laxité des ligaments entraînent une baisse importante de l’efficience musculaire véritablement pseudo paralytique d’autant qu’il s’y ajoute la fatigabilité.

La fragilité et "l’hyperétirabilité" cutanées font partie, avec les signes articulaires, des manifestations les plus connues. La peau est fine, satinée et "douce", veloutée, caoutchoutée au contact. Elle est fragile, se déchire facilement, surtout au niveau des saillies osseuses. La cicatrisation est lente et de mauvaise qualité.

La fragilité vasculaire peut être à l’origine de la survenue de manifestations d’ecchymoses sous-cutanées coagulation. À part, se situent les pathologies rares des gros vaisseaux avec risques de ruptures dans le Syndrome d’Ehlers-Danlos à forme vasculaire.

Les manifestations digestives peuvent se limiter à des diverticuloses, à des hernies, à des dilatations coliques responsables de difficultés du transit plus ou moins handicapantes; la constipation chronique est fréquente. Ailleurs, il s’agit de formes digestives très sévères (perforation colique) pouvant obliger à des résections intestinales plus ou moins étendues. D’autres atteintes sont possibles : manifestations rachidiennes et thoraciques; atteintes de l’appareil auditif, dentaires (gingivites, caries, déchaussements), atteintes oculaires (lésions de la cornée qui est très mince, subluxations du cristallin, décollements de la rétine, myopie); atteintes dentaires avec déchaussement précoce des dents, le fait seulement de certaines formes cliniques; déficit du plancher pelvien retentissant sur la physiologie vésicale et pouvant entraîner des prolapsus, paralysies périphériques par compressions, dues au manque de protection tissulaire.

La grossesse peut s’accompagner d’une majoration de certaines manifestations cliniques (hypermobilité, hernies, varices). La rupture utérine est exceptionnelle. Au moment de l’accouchement : il y a des risques hémorragiques et des problèmes de cicatrisation en cas d’épisiotomie. L’usage du forceps implique la prudence.

 

Évaluation fonctionnelle

Les douleurs sont quasiment constantes à un moment ou à l’autre de l’évolution du syndrome. Elles ont pour caractéristiques d’être diffuses et parfois très intenses.Elles impliquent souvent le recours aux antalgiques parmi les plus puissants, ce qui crée des problèmes d’accoutumance, voire de dépendance.

La fatigabilité et la désadaptation à l’effort sont particulièrement fréquentes et handicapantes. L’effort physique est pénible à un degré tel que pour le déplacement, dans certains cas, on doit avoir recours au fauteuil roulant électrique (le roulement du fauteuil manuel favorise l’instabilité de l’épaule). On observe des sensations diffuses d’épuisement et de lassitude avec parfois des envies de dormir irrépressibles. Relativement modérés le matin, ces phénomènes s’accentuent en cours de journée. Ils peuvent être aggravés par la prescription de médications.

Les fonctions de maintien et de déplacements sont celles qui sont les plus atteintes du fait des douleurs et de l’hypermobilité. La position couchée est souvent mal tolérée après un certain temps, réveillant la personne la nuit, l’obligeant à changer de position ou à se lever. La position debout nécessite des appuis et ne peut être maintenu longtemps. Il en est de même de la position assise. Les changements de support ou transferts, eux aussi, sont pénibles ou dépendent d’un appui, plus rarement d’une aide humaine. La marche peut être limitée par la douleur et la fatigue. Ceci peut conduire à la dépendance d’un fauteuil électrique.

Les divers types de prises et le positionnement de la main dans l’espace sont concernés. Il peut y avoir ’une incontinence urinaire à l’effort. Le fait que le sens de la position des diverses parties du corps et de leurs contraintes et déplacements est souvent atteint, ce qui limite beaucoup les fonctions de déplacement et de préhension.

On a peu de données sur le retentissement sur la vie sexuelle du syndrome d’Ehlers-Danlos. Il n’y en a pas sur la fécondité. Par contre, les grossesses doivent faire l’objet d’une surveillance attentive. L’accouchement nécessite une bonne information de l’obstétricien et de son équipe.

Les difficultés de mastication sont fréquentes. Elles sont liées aux douleurs et d’éventuelles subluxations temporo-maxillaires et à la fatigabilité des muscles masticateurs. Des difficultés de déglutition existent, sans être majeures, dans quelques cas. Les troubles du sommeil sont la conséquence des inconforts d’origine articulaire et des douleurs d’appui prolongé. Des modifications de la vision, des surdités brusques peuvent survenir. Il n’y a aucune atteinte des aptitudes intellectuelles, ni du langage. Les fonctions de protection cutanéesont atteintes du fait de la fragilité, de la moindre résistance aux traumatismes et aux contraintes de toutes sortes. Le nombre de chutes est ici un indicateur de sévérité.

Les douleurs par leur permanence et leur intensité, la fatigue permanente, la restriction de l’espace social, peuvent avoir un retentissement sur l’appétit de vivre, l’humeur et peuvent induire des états dépressifs.

 

L’évaluation des situations de handicap montre que les personnes atteintes d’un syndrome d’Ehlers-Danlos peuvent être considérées comme moyennement ou sévèrement handicapées dans les situations de la vie courante, les situations de la vie familiale, affective, de proximité, la vie de loisirs, les activités de formation ou professionnelles, les activités sociales bénévoles, culturelles ou cultuelles.

 

L’évaluation de la subjectivité est particulièrement importante, mais plus difficile dans le contexte d’une maladie génétique et évolutive Elle explore la perception de la maladie et des conséquences corporelles (sensation d’être différent).Les effets de stigmatisation, voire de culpabilité ou "d’impureté" familiale nous semblent moins importants que l’on aurait pu le craindre. Enfin l’espoir d’un avenir, et la confiance dans la démarche et l’adhésion à un projet de rééducation-réadaptation sont les autres éléments personnels essentiels à l’évaluation. Le point de vue de la famille et sa solidarité compteront beaucoup dans la démarche de médecine de Réadaptation.

 

L’apport de la Médecine Physique et de Réadaptation

Elle représente, avec les médications antalgiques, la seule approche thérapeutique qui puisse être offerte aux personnes atteintes d’un syndrome d’Ehlers-Danlos. La kinésithérapie est indiquée pour le renforcement musculaire des muscles des ceintures et pour la rééducation proprioceptive du sens de position et des déplacements des membres et du tronc avec kinébalnéothérapie si possible. L’utilisation du "mouvement imaginé", La rééducation à l’effort peuvent être envisagés. La rééducation périnéale peut être nécessaire.

L’ergothérapie tient une place très importante, à la fois par son action d’amélioration de la fonction de préhension et par son action sur l’environnement de la personne ayant un syndrome d’Elhers-Danlos. La confection d’orthèses et la mise en place d’orthèses de repos, d’autres orthèses peuvent stabiliser un poignet difficile à maintenir La Rééducation de la main et de la manipulation-préhension comporte, des activités de préhension mais surtout l’adaptation aux gestes de la vie courante et scolaire ou professionnelle.

L’appareillage, en sus des orthèses de main. Comporte : les orthèses plantaires, les ceintures lombaires souples et toutes sortes d’orthèses de contention souples ou rigides qui représentent une aide appréciable. Contrairement à un préjugé, ces contentions élastiques n’entraînent aucune atrophie musculaire.

Face aux douleurs, certains traitements locaux simple sont efficaces : le froid dans les douleurs périarticulaires, la chaleur dans les douleurs musculaires. Le meilleur traitement antalgique reste l’usage d’orthèses et la diminution des contraintes environnementales (matelas, aménagement de l’environnement de proximité).

La stimulation électrique transcutanée à l’aide de stimulateurs portables (TENS) est parfois très bénéfique.

La place de la chirurgie fonctionnelle est très restreinte et limitée à quelques interventions sur l’épaule ou sur les articulations des doigts.

La prise en charge de la subjectivité implique un double engagement : celui de l’équipe de Rééducation-Réadaptation pour sa compréhension et celui de la personne avec un syndrome d’Ehlers-Danlos pour sa confiance dans le savoir et le savoir-faire de l’équipe. Dans ces conditions, le mécanisme de la réadaptation trouve un terrain favorable pour se développer avec le maximum de chances de succès. Le rôle pédagogique de l’Association est essentiel. Elle qui crée à la fois, un esprit solidaire entre les membres atteints d’un même syndrome et un mouvement, tourné vers l’espoir à court terme, par le développement de la Médecine de rééducation et, à long terme, par la recherche biologique avec l’espoir d’un traitement du mécanisme biologique des syndromes d’Ehlers-Danlos. Malgré les lésions et les limitations fonctionnelles, bien des activités, des projets, et des réalisations restent possibles. Le rôle d’un psychologue bien formé à la problématique du handicap et bien intégré dans la démarche de l’équipe de Réadaptation et de Génétique est, dans certains cas, en particulier chez l’enfant, très utile.

 

Références

Boulanger A., "Le syndrome d’Ehlers-Danlos, intérêt du diagnostic précoce et apports de la Médecine de Rééducation", Thèse Médecine, Faculté de Médecine de Créteil, 2001.
Boucand M.H., Gaveau M.N., Le Merrer M., Planchu H., "Les syndromes d’Ehlers-Danlos", Brochure de l’Association française des syndromes d’Ehlers-Danlos, Hyères Les Palmiers, 1998.
Germain D., "Les syndromes d’Ehlers-Danlos, aspects cliniques, génétiques et moléculaires", Ann Dermatol Venerol, 1995, 122, 187-204.
Hamonet Cl., Boucand H., Dassouli A., Kponton-Akpabie A., Boulay C., Boulanger A., Macé Y., Rigal C., Magalhaes T., "Apports de la médecine physique et de Réadaptation chez les personnes avec un Syndrome d’Ehlers-Danlos", Encyclopédie médico-chirurgicale, 26-478-A-10, 2003,11p.
Soldati Guillaume, « Apports et utilisation de l’électrostimulation nerveuse transcutanée dans les douleurs du syndrome d’Ehlers-Danlos » ; thèse pour l’obtention du Doctorat en Médecine, Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie, Université Pierre et Marie Curie (Paris 6), année 2010.