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Pr. Claude HAMONET, Faculté de Médecine de Créteil, Université Paris-Est Créteil, France & Service de Médecine Physique et de Réadaptation, Hôtel-Dieu de Paris, France.
Pr. P. Ravaud, Dr. S. Villeneuve, Pr. A. Gompel, N. Serre, Pr. D. Fredy, Dr. D. Deparcy, Dr. G. Mazaltarine, Dr. J.D. Zeitoun, Dr. A. Métlaine, Pr. D. Léger, Pr. A. Benachi, Dr. A.G. Cordier, Pr. P. Césaro, Dr. C. Loche, Dr. N. Dantschev, M. Vienne, Dr. C. Séjourné, Pr. B. Gogly, Dr. MM Landru, Dr. S. Moussa Badran, Dr. Y. Raffray, Dr. G. Challe, Pr. L. Doursounian, J. Mohler.
- Service d’Epidémiologie clinique et de Statistiques médicales, Hôtel-Dieu, Paris, France.
- Unité d’Endocrinologie-Gynécologie Groupe hospitalier Cochin-Port-Royal-Hôtel-Dieu,
- Association apprivoiser le syndrome d’Ehlers-Danlos (ASED), Yerre, France.
- Service d’imagerie médicale, Hôpital Sainte-Anne, Paris, France.
- Service de Médecine Physique et de Réadaptation, Centre hospitalier Gustave Dron, Tourcoing France.
- Service de Médecine Physique et de Réadaptation, Groupe hospitalier Henri Mondor-Albert Chenevier, Créteil, France.
- Service de Gastroentérologie, Groupe hospitalier Henri Mondor-Albert Chenevier, Créteil, France.
- Centre national de référence des maladies rares de la vigilance et du sommeil, Hôtel-Dieu de Paris, France
- Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Antoine Béclère, Clamart, France.
- Service de Neurologie, Groupe hospitalier Henri Mondor-Albert Chenevier, Créteil, France.
- Service de Psychiatrie, Hôtel-Dieu de Paris, France.
- Société IMAPe, Nice, France.
- Médecin généraliste, Marolles-en-Hurepoix, France.
- Service d’Odontologie, Groupe hospitalier Henri Mondor-Albert Chenevier, Créteil, France.
- Service d’Odontologie, Centre hospitalier d’Amiens, France.
- Centre antidouleur, Hôpital Tenon, Paris, France.
- Service d’Ophtalmologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris, France.
- Service de Chirurgie Orthopédique, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France.
« C’est le regroupement d’un faisceau de symptômes chez plusieurs patients qui permet d’identifier une maladie. » (Thomas Sydenham, fondateur de l’épidémiologie clinique, clinicien célèbre par ses aphorismes, surnommé « l’Hippocrate anglais du 17ème siècle ».
Les critères pour affirmer un syndrome d’Ehlers-Danlos sont encore discutés et varient d’une discipline médicale et d’un médecin à l’autre. Ce flou diagnostic est très préjudiciable aux personnes concernées qui, très souvent, sont précipitées dans une errance médicale (les exposant à des traitements inadaptés) et sociale (les conduisant à l’exclusion).
Dans sa thèse de médecine « Syndrome d’Ehlers-Danlos », soutenue à Paris, en 1933 (1), Achille Miget écrivait que ce syndrome était probablement plus complexe qu’on le croyait, mais que l’on manquait de cas pour pouvoir le décrire complètement. « Cette dystrophie n’est pas purement une maladie cutanée. »
Nous avons voulu contribuer à combler ce manque en présentant les 664 premiers cas d’une série de plus de 1300 patients ayant un syndrome d’Ehlers-Danlos.
Les critères d’inclusion ont été choisis en tenant compte du consensus existant chez les généticiens (2) mais aussi des expressions de la diversité des atteintes du tissu conjonctif dont ils sont l’expression.
Nous avons ainsi mis en en évidence des manifestations cliniques qui peuvent aussi contribuer au diagnostic. La plupart, n‘étaient pas communément rattachées au SED. Elles ont pourtant des conséquences fonctionnelles avec des situations de handicap parfois sévères.
L’objectif de cette recherche clinique est, au-delà des discussions nosologiques et de typologie, de proposer une nouvelle description du syndrome, à partir des données fournies par les patients eux-mêmes.
Depuis 15 ans, nous avons accueilli, à notre consultation plus d'’un millier de patients dont beaucoup ont été suivis et traités. Ils sont venus (très souvent après s’être reconnus devant la description du syndrome sur notre site internet) de toute la France, de l’Europe, des Antilles, de la Polynésie, du Québec, de l’Argentine, des USA, du Brésil…. Peu à peu, autour des données les plus admises (hypermobilité, fragilités cutanées, douleurs, fatigue, hémorragies…), nous avons pu établir une grille d’analyse des symptômes qui a permis d’intégrer de nouvelles manifestations handicapantes : respiratoires, digestives, bucco-dentaires, ORL, ophtalmologiques, vésico-sphinctériennes, gynécologiques et obstétricales, neuro-végétatives, notamment cardio-vasculaires et de thermorégulation, cognitives.
Les données cliniques de nos 664 premiers patients ont été recueillies sur un logiciel Excel.
Échelle de sévérité Un index de sévérité à 5 niveaux a été appliqué aux symptômes (avec la participation du patient) et aux signes que nous avons trouvés : | |
0 | Absence |
1 | Peu important |
2 | Moyennement important |
3 | Important |
4 | Très important |
1 - Typologie de la population
664 personnes, 543 femmes (82%) et 121 hommes (18%).
Age moyen des femmes : 33 ans (2 à 79 ans).
Age moyen des hommes : 23 ans (2 à 65 ans).
Age moyen du diagnostic : 28 ans.
Age moyen des manifestations évocatrices : 10 ans.
Type de SED : les formes communes rencontrées en pratique médicale, habituellement classées (2) en «Hypermobiles» (très majoritairement) ou «classiques», la distinction entre les deux est, estimons-nous, difficile, notamment les conséquences fonctionnelles sont, souvent, sévères dans les formes classiques.
2 - Les sept données cliniques les plus significatives pour le diagnostic de SED.
- Les douleurs (tout le corps est douloureux !) : articulaires et périarticulaires (98%, 82% cotées à 3 ou 4); musculaires (82%, 47% cotées à 3 ou 4); abdominales (77%, 53% 3 ou 4); thoraciques : 71% (23% à 3 ou 4 ); génitales (75%, 55% à 3 ou 4); migraines (84%, 57% à 3 ou 4); hyperesthésie cutanée (39%). Les douleurs articulaires sont les plus fréquentes et les plus fortes. Les femmes souffrent davantage que les hommes.
- La fatigue (96%, 70% cotés 3 ou 4)
- Les troubles proprioceptifs et du contrôle du mouvement (décrits par Ehlers le 15 décembre 1900): pseudo-entorses (86%, 55% cotés 3 ou 4); luxations (90%, 39% cotées 3 ou 4).
- L’hypermobilité (100%dans ce groupe de patients par sélection, 97% de la population totale des 664 patients).
- Les altérations de la peau : minceur (91%); fragilité (87%), vergetures (64%); retard de cicatrisation (85%).
- Les hémorragies, décrites par Ehlers (3) le 15 décembre 1900 (92%, 60% cotées 3 ou 4).
- Le caractère familial (incluant les formes frustes, incomplètes ou partielles) : 97% des cas.
3 - Autres données cliniques significatives.
- Manifestations digestives : reflux gastro-oesophagien (80%), constipation (74%), ballonnements (70%).
- Manifestations respiratoires : dyspnée (85%), blocages respiratoires, pseudo-asthme (65%).
- Manifestations bucco-dentaires: articulations temporo-maxillaires, douleurs, blocages, luxations (76%), altérations dentaires, fragilité, orthodontie (71%), altérations des gencives, fragilité, douleurs, sécheresse (80%).
- Manifestations ORL: hyperacousie (89%), hypoacousie, voire surdité (57%), acouphènes: (69%), hyperosmie : (69%), vertiges : (80%)
- Manifestations ophtalmologiques : fatigue visuelle (86%), Myopie (56%).
- Manifestations gynécologiques et obstétricales : règles abondantes (78%), accouchements difficiles (78%).
- Manifestations neurovégétatives et de thermorégulation : Frilosité (77%), sudations abondantes (74%), pseudo syndrome de Raynaud (74%), fièvres inexpliquées (52%), accélérations du rythme cardiaque (66%), palpitations cardiaques (51%).
- Manifestations vésico-sphinctériennes : diminution du besoin d’uriner (51%), pollakiurie, incontinence (63%).
- Manifestations cognitives : altération de la mémoire de travail (69%), troubles attentionnels (67%), difficultés de concentration (65%), altérations des fonctions exécutives (38%), troubles de l’orientation spatiale (44%).
4 - Autres manifestations observées, fréquentes mais non quantifiées, en cours de description.
Les calculs vésiculaires, exposant à des complications graves (Dr. JD. Zeitoun).
Les faux kystes de l’ovaire, sous cutanés, thyroïdiens, tuméfactions hépatiques, pancréatiques, pulmonaires…exposant à des erreurs diagnostiques (Pr. A. Gompel).
Des signes d’allure extrapyramidale (dystonie, tremblements, myoclonies, crampe des écrivains…). Pr. P. Cesaro.
Des modifications particulières des tracés de polysomnographie (Dr. Métlaine, Pr D. léger).
Des lésions cérébrales évocatrices à l’IRM (sillons interhémisphériques élargis, lésions des corps calleux, des faisceaux arqués, de la réticulée, des corps mamillaires, de la substance blanche… (Pr. D. Frédy).
5 - Evolution et facteurs influençant la symptomatologie.
L’évolution est globalement imprévisible. Elle est émaillée de crises avec parfois une accentuation très importante des symptômes.
Les facteurs de majoration que nous avons décelés sont de deux sortes :
Externes : traumatismes (problèmes médico-légaux), climatiques.
Internes : endocriniens, mouvements alternatifs répétés.
En attendant de disposer de tests génétiques fiables, et accessibles à tous, force est de s’appuyer sur la clinque pour établir un diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos. C’est maintenant possible et suffisant pour arriver au diagnostic et donc aux traitements symptomatiques qui ont maintenant fait la preuve dans la pratique quotidienne de leur efficacité. Il est, en effet possible, aujourd’hui, de leur apporter un soulagement réel par des mesures et traitements appropriées relevant, pour la plupart, de la Médecine Physique et de Réadaptation avec deux axes principaux : orthèses et thérapie respiratoire par impulsator (« percussionnaire ») et oxygène.
Il est urgent de le faire savoir car le SED n’est plus une maladie rare. La plupart des patients sont donc en errance diagnostique et exposés à des thérapeutiques à risques. De plus, ils transmettent le syndrome sans le savoir.
1 - Miget A., « Le syndrome d’Ehlers-Danlos », Thèse de Doctorat en Médecine, Faculté de Medecine de Paris, 1933.
2 - Beighton P, De Paepe A., Steinman B. & al, Ehlers-Danlos syndrome: revised nosology, Villefranche 1997, Am. J. Med, Genet, 1998, 77, 33-7.
3 - Ehlers E., Cutis laxa, tendance aux hémorragies de la peau, relâchement de plusieurs articulations (cas pour diagnostic), Société danoise de Dermatologie, 15 décembre 1899, m. Dermat. Woch. VIII, p. 173.
Pr. Claude Hamonet, Service de Médecine Physique et Réadaptation, Hôtel-Dieu de Paris, 1 place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris Cedex 04, Tel. : 003314842348246 & 0033660687306. couriel : >pr.hamonet@wanadoo.fr<
Traduction de l’article d’Ehlers (Copenhague, 1900), publié en allemand.
« Le patient que je vais vous présenter, m’a été adressé par le Dr Kjoer. Ni lui ni moi n’avons la moindre idée de ce qui ne va pas chez lui. Je n’ai jamais eu de difficulté à reconnaître devant des confrères, ou des patients, que je ne savais pas que penser d’un cas donné, et je suis toujours surpris de voir l’insistance de certains confrères à coller une étiquette sur chaque état pathologique. S’efforcer de classer, de créer des rubriques, de définir les maladies sur la base de leur étiologie est bien plus important que de vouloir mettre une étiquette sur des maladies rares, voire même sur des cas n’ayant fait, jusqu’alors, l’objet d’aucune observation.
Pour ce qui est du cas présenté, je m’étonne que le patient n’ait pas consulté jusqu’à maintenant un dermatologue, pour tenter de découvrir en quoi consistait son problème. Selon moi, le processus morbide est entré à présent dans une phase de guérison spontanée, après avoir dû, toutefois combattre des lésions sévères, et il n’est d’ailleurs pas impossible qu’on eût pu poser un diagnostic, à une période antérieure.
Nos confrères de Bornholm, qui se sont occupés, jusqu’à présent, de ce patient, l’ont rassuré en lui certifiant que "cela disparaîtrait avec le temps", mais ils n’ont pas jugé nécessaire de consulter d’autres confrères à son sujet.
Le patient est un jeune étudiant en droit de 21 ans. Son père est toujours en vie et en bonne santé, malgré de fortes crises de goutte. Sa mère souffre depuis vingt ans d’un ulcus cruris. Ses trois sœurs et ses trois frères sont vivants et en bonne santé. On ne note aucune prédisposition à l’hémophilie. Dans l’anamnèse on n’a découvert aucune maladie infectieuse chronique et, notamment, pas de syphilis.
Au cours de son développement, le patient a toujours été relativement fragile, il a notamment commencé à marcher très tard. On pensait qu’il souffrait de rachitisme. A l’âge de deux ans, la jeune fille qui s’occupait de lui l’a laissé tomber et la chute a causé une bosse très importante qui ne s’est résorbée que difficilement.
Plus tard, le patient a été importuné, jusqu’à sa 8ème année, par des hématomes qui survenaient lors de traumatismes très minimes et ne se résorbaient que difficilement, laissant des zones cutanées résiduelles décolorées, sur toutes les saillies osseuses et particulièrement aux coudes, aux genoux et aux articulations.
Aux alentours de sa huitième année, le patient s’est particulièrement développé, il a acquis de la puissance musculaire, ses membres se sont renforcés, il allait mieux et était en mesure de se protéger d’éventuels traumatismes. On constate, toutefois, chez lui, aujourd’hui encore, l’existence d’une prédisposition excessive à la formationd’hématomes qui sont au premier plan du tableau clinique, ainsi que des lésions résiduelles par hématomes, décolorées sur toutes les saillies osseuses sous-cutanées exposées à des contusions. Autre symptôme majeur, la peau blafarde étirée et plissée. Une peau qui rappelle celle des patients souffrant de myxœdème et qui évoque la pelure d’une pomme cuite. Elle est froide au toucher; à aucun endroit, la couleur fraîche du sang n’affleure et, à l’endroit du tissu conjonctif sous-cutané, insensible il est possible de la plisser jusqu’à ce qu’il reste suffisamment de peau au niveau des doigts et des jointures, pour que les doigts par exemple, gagnent une demie longueur supplémentaire. Les mains sont relâchées et maigres, avec atrophie des éminences thénar et hypothénar ainsi que des muscles interosseux. Les doigts sont le siège de subluxations externes presque à angle droit. Le patient souffre souvent de luxations spontanées du genou qu’il doit corriger en marchant. Pas de formations de griffes ni de raideurs des membres. Au niveau des hématomes résiduels, une peau de couleur brune recouvre les jointures. Aucune anomalie n’a été constatée au niveau de la sensibilité mise à part une sensation permanente de froid cutané, aux extrémités. On ne retrouve aucun autre signe de myxœdème, et l’intelligence estnormale, la parole est libre, le langage fluide, les mouvements sont aussi énergiques que le permet l’habitus du patient dont on ne peut pas dire qu’il soit d’une constitution robuste. Aucune modification n’est retrouvée au niveau de la glande thyroïde.
Le visage a la même couleur blafarde que le reste de la peau qui, en dépit de modifications cicatricielles caractéristiques des couches superficielles, reste mobile au niveau des couches profondes. Les sourcils sont minces, la croissance des cheveux est correcte. Les yeux sont en bon état. On observe sur les bras une kératose pilaire caractéristique. La sudation est augmentée ce qui est en faveur d’un myxœdème. La marche est quelque peu ataxique, hésitante. On retrouve des réflexes rotuliens vifs. Outre les nombreux hématomes à tous les endroits du corps exposés aux traumatismes, on remarque dans la région de l’omoplate de petits nodules xanthomateux.
Au niveau des coudes, on note, outre de nombreux hématomes résiduels, une importante quantité de petits nodules groupés en anneaux, et qui font aussitôt évoquer la syphilis. Mais il n’y a aucun autre signe en faveur en faveur de cette affection. »