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Claude Hamonet

 

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Le syndrome (ou maladie) d’Ehlers-Danlos et l’appareil respiratoire

À propos de 1700 patients

Communication par Affiche (Poster) au 18ème Congrès de pneumologie de langue française de Marseille (oncologie thoracique - sommeil), Parc Chanot, janvier-février 2014.

Pr. émérite Claude Hamonet, MD, PhD, Université Paris Est Créteil. Consultation Ehlers-Danlos, Hôtel-Dieu de Paris, Service de Médecine physique et réadaptation Hôtel-Dieu de Paris, 1 place du Parvis Notre-Dame, 75004 Paris. Faculté de Médecine de Créteil, Université Paris-Est-Créteil, 8 rue du Général Sarrail, 94000 Créteil.
Monique Vienne, Clinical Instructor, IMAPE International assistance by percussionnaire, O6270 Villeneuve Loubet, France.

 

Introduction

Décrite par Edvard Lauritz Ehlers, le 15 décembre 1900, dans la présentation du cas d’un étudiant en Droit de 21 ans à la Société danoise de Dermatologie à Copenhague, la maladie d’Ehlers-Danlos est une maladie génétique autosomique du collagène avec une pénétrance variable du gène. Tous les membres d’une fratrie pouvant être atteints mais de façon très variable.

L’importance (les deux tiers au moins de la masse corporelle) et la répartition des collagènes (ils sont au moins 29) dans la quasi-totalité des organes (en particulier au niveau des poumons) explique l’ubiquité des manifestations cliniques observées.

 

Ehlers-Danlos, une maladie oubliée par la Médecine

Mal décrite, de façon incomplète avec mise en valeur de deux signes montés en épingle : l’étirabilité cutanée excessive qui est inconstante et l’hyperétirabilité qui peut manquer ou être éliminée par un test en 9 points (Beighton) très utilisé mais improbable. En effet, Il peut être faussé par les rétractions des membres inférieurs, présentes dans 87,5% des cas, comme nous l’avons démontré récemment sur une série de 232 patients. La grande majorité des symptômes, dont les manifestations respiratoires, n’étant pas historiquement rattachés à la maladie, à priori en référence à une classification (Villefranche) basée sur la biochimie du collagène, très critiquée au premier Symposium international sur le syndrome d’Ehlers-Danlos à Gand en Septembre 2012 et non pas sur un raisonnement clinique et physiopathologique solide.

PRÉVALENCE DES RÉTRACTIONS DES ISCHIOS
POPULATION TOTALE



Figure 1 : prévalence (87,5%) des rétractions des muscles ischio-jambiers dans la maladie d’Ehlers-Danlos sur 232 cas.

Cette attitude médicale est à l’origine d’errances pénibles et dangereuses pour le patient et de diagnostics erronés qui vont de la sclérose en plaques à la maladie mentale en passant par la spondylarthrite ankylosante, la fibromyalgie et… l’asthme quand il n’est pas traité pour plusieurs maladies à la fois !

 

Description actualisée de la maladie d’Ehlers-Danlos s’appuyant sur l’expérience de 1700 cas

Les critères diagnostics les plus admis par la communauté médicale de la maladie d’Ehlers-Danlos, en l’absence de test génétique, sont cliniques :
La fragilité cutanée qui s’exprime par la minceur de la peau laissant apparaître les lacis veineux, les vergetures précoces et/ou abondantes, les difficultés de cicatrisation et la perception excessive de l’électricité statique (signe de la portière de voiture) ;
L’hypermobilité articulaire appréciée par un test de Beighton supérieur ou égal à 5/9, une abduction de la scapulo-humérale supérieure à 10°, ou la possibilité de toucher la fesse avec le talon en décubitus ventral ou bien la notion d’une hypermobilité dans l’enfance ou l’adolescence (mettre un pied derrière la tête, faire le grand écart facial) ;
Un désordre articulaire et locomoteur qui se manifeste par des pseudos entorses, des blocages ou luxations articulaires, des maladresses, notamment à la locomotion avec heurts d’objets (signe de la porte) ;
- l’existence d’au moins un cas semblable dans la famille, signant le caractère génétique de l’atteinte.

S’y ajoutent : des douleurs diffuses, une fatigue intense, une dysautonomie avec pieds froids (signe de la chaussette), de la dystonie, des hémorragies, de la constipation, des reflux gastro-œsophagiens, des ballonnements, de la dysurie, une fragilité dentaire, une fatigue visuelle, des troubles cognitifs, des troubles très importants du sommeil et… des manifestations respiratoires. Pour des raisons, probablement endocriniennes, plus de 80% des patients que nous avons examinés sont des femmes avec une influence nette de la puberté et des grossesses sur la symptomatologie.

 

Prévalence des manifestations pathologie respiratoire dans la maladie d’Ehlers-Danlos

Notre expérience s’appuie sur l’examen et le suivi de 1700 personnes de 1999 à 2013.

1 - Les 644 premiers cas (1999 à 2010) ont fait l’objet d’une analyse statistique à partir d’un tableur Excel par l’équipe du Pr. Philippe Ravaud (Epidémiologie clinique et statistiques médicales, Hôtel-Dieu de Paris).

Résultats. La dyspnée, notamment à la montée des escaliers, a été observée dans 85%, elle est considérée plus sévère (cotation 3 ou 4 sur une échelle de sévérité de 2 à 4 et 5 à 8 sur l’échelle de Borg)) chez les femmes. Les blocages inspiratoires sont présents dans 65% des cas, la dysphonie dans 45% des cas chez les femmes et 15% chez les hommes. 35% ont des bronchites à répétitions, plus sévères chez les femmes. Les fausses routes sont présentes chez 45% des femmes et 25% des hommes.

2 - Nous avons repris cette étude avec 107 nouveaux cas examinés en 2013. Les résultats sont superposables :

La dyspnée est présente dans 81% des cas. Les blocages inspiratoires dans 68% des cas. Les bronchites sont retrouvées dans 61% des cas. La dysphonie est retrouvée dans 52% des cas. Les affections fréquentes des voies aériennes supérieures, principalement dans l’enfance, souvent compliquées d’otites, le sont dans 93%. Les fausses routes sont présentes dans 33% des cas. Les douleurs costales sont présentes dans 81% des cas. Il faut aussi mentionner la fréquence des reflux gastro-œsophagiens (86%).

3 - Plus rarement : les pneumothorax, quelques cas de notre série, les détresses respiratoires aigües avec réanimation.

Les épreuves fonctionnelles respiratoires sont normales en dehors des crises.

 

Essais de physiopathologie

Plusieurs facteurs semblent intriqués : l’absence ou la déformation des signaux émis vers les centres respiratoires par les capteurs noyés dans un tissu conjonctif trop peu réactif avec sensation d’arrêt respiratoire, une paroi abdominale trop souple et un ballonnement abdominal perturbant le jeu diaphragmatique, des douleurs costales inhibant le jeu thoracique, des douleurs et dysfonctionnement des muscles respiratoires, du diaphragme en particulier. Le lien avec la fatigue semble important.

 

Traitements et résultats

Des gestes simples peuvent être très efficaces : reprise volontaire du contrôle respiratoire par un auto-exercice enchaînant arrêt respiratoire, expiration faible, inspiration faible, expiration faible, inspiration plus ample.

Les orthèses (gilets, ceintures) améliorent la fonction abdomino-diaphragmatique et la proprioception costale.

Les injections de Lidocaïne à 5 mg/ml au niveau des douleurs costales ou xyphoïdiennes débloquent, de façon durable mais variable, le jeu costal et diaphragmatique, elles peuvent être répétées. Les emplâtres de Lidocaïne, le TENS peuvent aussi être utilisés pour ces douleurs thoraciques fonctionnellement gênantes.

L’oxygénothérapie et le percussionnaire. Dans un premier temps nous avons utilisé, dans un but de proprioception interne, le percussionnaire (Impulsator HC percussionnaire) et devant les effets positifs inattendus sur la fatigue, nous y avons associé l’oxygénothérapie qui peut être utilisée seule. Les séances sont de 20 minutes une à trois fois par jour et répétées en cas de crise respiratoire, d’accès de fatigue ou de migraine. Plusieurs centaines de personnes ont bénéficié de ce traitement au domicile, à l’école ou au travail. Des effets, qualifiés par les patients d’importants, ont été observés sur les difficultés respiratoires (65%), la fatigue (84%) et les migraines (82%) dans une étude rétrospective actuellement en cours de publication. L’oxygénothérapie, combinée au percussionnaire est devenue, avec les orthèses proprioceptives, l’un des piliers du traitement de la maladie d’Ehlers-Danlos.



Figure 2 : Vêtements compressifs à effets proprioceptifs (y compris respiratoires) spécialement conçus pour la maladie d’Ehlers-Danlos.

 

Références

Edvard Ehlers, Cutis laxa, tendance aux hémorragies de la peau, relâchement de plusieurs articulations (cas pour diagnostic), Société danoise de dermatologie, 15 décembre 1900, M. Dermat. Woch., p. 173.

Monique VIENNE, Le Syndrome d’Ehlers-Danlos – S.E.D. Un syndrome incompris parce que mal connu, mémoire pour le Diplôme universitaire handicap et réadaptation, Université Paris Est Créteil, année universitaire 2009-2010.

Claude Hamonet, P. Ravaud, S. Villeneuve, A. Gompel, N. Serre, D. Fredy, D. Deparcy, G. Mazaltarine, J.D. Zeitoun, A. Metlaine, D. Léger, A. Benachi, A.G. Cordier, P. Césaro, C. Loche, N. Dantschev, M. Vienne, C. Séjourné, N. Laouar, B. Gogly, MM Landru, S. Moussa Badran, Y. Raffray, G. Challe, L. Doursounian, J. Mohler. Ehlers-Danlos (à propos de 664 cas). Etude statistique des symptômes et signes de 644 cas ayant un score de Beighton égal ou supérieur à 4/9. Premier Symposium international sur le syndrome d’Ehlers-Danlos, 8-11 septembre 2012, Gand, Belgique.

 

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