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Claude Hamonet

 

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« To believe in rehabilitation is to believe in humanity » (Howard Rusk, fondateur de la Médecine Physique et de Réadaptation à New York).

La Réadaptation, origines et devenir…

Claude Hamonet et Marie de Jouvencel (neuropsychologue, Centre de réadaptation fonctionnelle de Richebourg, Université Paris 5).

 

« La réadaptation constitue l’ensemble des mesures ayant pour objet de rendre au malade ses capacités antérieures et d’améliorer sa condition physique et mentale, lui permettant d’occuper par ses moyens propres une place aussi normale que possible dans la société » (Organisation mondiale de la santé).

« La réadaptation médicale est définie comme l’application coordonnée et combinée de mesures dans les domaines médical, social, psychique, technique et pédagogique, qui peuvent aider à remettre le patient à la place qui lui convient le mieux dans la société ou/et à lui conserver cette place. » (Organisation mondiale de la santé).

« La médecine de rééducation et de réadaptation est une spécialité qui a pour rôle de coordonner et d’assurer la mise en application de toutes les mesures visant à prévenir ou à réduire au minimum inévitable les conséquences fonctionnelles, physiques, psychiques, sociales et économiques des déficiences ou des incapacités. Elle comporte la mise en œuvre méthodique des actions nécessaires à la réalisation de ces objectifs, depuis le début de l’affection, jusqu’à la réinsertion du patient dans son milieu ambiant et dans la société. » (Fédération européenne de médecine physique et de réadaptation)

 

Introduction

Réadaptation est un mot relativement nouveau dans la langue française. Le dictionnaire d’Emile Littré de 1875 (11) ne le mentionne pas, pas plus que le Dictionnaire de Médecine du même auteur (12). Le Petit Robert le fait naître en 1897. ll est très lié, selon ce dictionnaire (10), à celui de réinsertion dans la vie après une phase de perte d’adaptation. A partir de 1933, il lui donne un sens thérapeutique en ajoutant "fonctionnelle" avec des exemples empruntés aux techniques de la Médecine Physique tel que "massages, électrothérapie." Il s’imposera progressivement, vis-à-vis de l’infirmité, avec son cortège d’invalidité, comme une réponse plus avancée socialement que la seule solidarité nationale, héritière de l’antique charité, souvent mise en avant.

Son ascension dans le vocabulaire médico social est parallèle à celle du terme handicap. Ce dernier, en se substituant à des terminologies négatives et stigmatisantes, conduit à une définition plus positive et plus opérationnelle des difficultés que rencontrent certaines personnes à rejoindre les normes sociales imposées par la moyenne des individus. Il apparaît la démarche qui permet "le remplacement, le rétablissement de la même situation qu’auparavant, la substitution, la compensation…" (Henri Jacques Stiker) Quand on constate que la nouvelle "loi pour l’égalisation des chances et des droits" votée le 3 février 2005 définit avant tout un "droit à la compensation", on constate une continuité de pensée qui trouve son origine même dans le choix et le contenu du mot handicap. On retrouve ici le fondement même de notre droit à la réparation : remettre la victime dans un contexte aussi proche que possible de celui qu’elle connaissait au moment du fait dommageable.

 

Naissance et développement du mot et construction du concept.

La "naissance de la Réadaptation", selon l’expression de Henri-Jacques Stiker (15), se situe après la première guerre mondiale, devant l’afflux des mutilés et autres victimes de la boucherie sanglante de 14-18. Ces nouveaux infirmes ont bénéficié d’un autre regard de la part de la nation qu’ils avaient si bien défendue. Héros et invalides à la fois, ils méritaient le respect et la considération; ils avaient droit aussi à ce qu’on leur fasse leur place dans la société qu’ils avaient contribué à sauver et qui ne pouvait pas les ignorer ou seulement les décorés. Un droit nouveau s’est fait jour : celui de bénéficier d’une nouvelle chance, de se "re-adapter", de retrouver une place, sinon "sa" place dans la vie sociale, dans la participation sociale collective. "La guerre a ôté, il va falloir rendre. Le développement de la "pro-thèse"date de cette guerre, dite première guerre mondiale. Mais la prothèse, ce n’est pas seulement ces morceaux de bois, de fer, de plastique maintenant qui remplace la main ou le pied manquant. C’est l’idée même que l’on peut remplacer". Ainsi, la réadaptation apparaît comme le moyen de re-insérer, de réaliser un objectif : l’intégration ou, comme le propose la Déclaration de Madrid de 2002, l’inclusion. La diffusion du mot s’est faite progressivement au fur et à mesure que Handicap remplaçait inadaptation. Plusieurs revues prenaient ce titre : réadaptation il y a cinquante ans, réadaptation fonctionnelle; professionnelle et sociale (Institut de Réadaptation de Nancy), Réadaptation médicale aux éditions Masson. Parallèlement, aux Etats-Unis, en 1947, une spécialité de Rehabilitation Medicine se crée à l’Université de New York à l’initiative de Howard Rusk. C’est 20 ans plus tard, à Paris que l’on créera la spécialité de Rééducation et réadaptation fonctionnelle et une chère éphémère (1968) de rééducation motrice confiée au Professeur André Grossiord. Le mot figure dans la définition européenne de cette spécialité : «  La Médecine Physique et de Réadaptation (MPR) a pour objectifs de mettre en œuvre et de coordonner toutes les mesures visant à prévenir ou réduire, au minimum inévitable, les conséquences fonctionnelles, subjectives, sociales et, donc, économiques d’atteintes corporelles par maladie, accidents ou, du fait de l’âge. »

 

Handicap et réadaptation.

On ne peut comprendre l’émergence de la notion de réadaptation si on ne se réfère pas à celle de handicap (6). C’est un chroniqueur anglais du 17ème siècle, Samuel Pepys, qui a fait la première mention (1660) du handicapp (avec deux p) à propos d’une pratique d’échange d’objets personnels entre deux individus qu’il a observée à la Mitter Tavern, à Londres. Un arbitre est désigné pour apprécier la différence de valeur entre les deux objets. Lorsqu’il a fixé le montant de cette différence, la somme d’argent correspondante est déposée dans un chapeau ou une casquette. Le rôle du chapeau, qui a d’ailleurs reçu plusieurs interprétations, est aléatoire mais c’est lui qui a donné le nom de ce système d’échanges "à parts égales". L’acteur important est, en fait le handicaper, c’est-à-dire l’arbitre. En 1827, le terme traverse la Manche avec une terminologie spécifique des courses de chevaux telle qu’elle est référencée par T. Bryon dans son Manuel de l’amateur de courses: «Une course à handicap est une course ouverte à des chevaux dont les chances de vaincre, naturellement inégales, sont, en principe, égalisées par l’obligation faite aux meilleurs de porter un poids plus grand. ». On voit ainsi apparaître la notion "d’égalisation des chances". C’est avec ce sens qu’il est mentionné dans le supplément du Littré, édité en 1877. Les littérateurs, André Maurois en particulier, l’avaient emprunté lui donnant le lustre qui l’a conduit à entrer à l’Académie française dès 1913 ; il figurera dans les éditions de 1935 et de 2000 de son Dictionnaire. D’autres domaines de la compétition sportive l’ont adopté (cyclisme, tennis, golf, polo, nautisme et bowling) contribuant à en banaliser l’usage ce qui contribue à réduire la connotation stigmatisante d’un mot qui résiste à l’épreuve du temps. C’est à partir des années cinquante qu’on le voit s’implanter dans le vocabulaire médicosocial où il remplacera progressivement les termes d’infirmité, invalidité, incapacité. Il sera progressivement adopté par les milieux associatifs qui vont le rajouter à leur dénomination comme l’a fait l’Association pour l’entraide des poliomyélitiques (ADEP) qui a ajouté "et handicapés" pour devenir l’ADEPH. Il en est de même pour la Fédération nationale des accidentés du travail qui est devenue la FNATH.

Réadaptation est le titre choisi par la revue la plus lue et la plus diffusée sur ce thème du handicap, animée par Jean Savy.

Parallèlement le langage juridique s’est approprié le mot handicap. C’est en 1957 qu’il apparaît pour la première fois dans le droit français à propos d’une loi sur les travailleurs handicapés .Depuis il a été largement utilisé et a acquis ses lettres de noblesse avec la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975. Il est confirmé dans la récente loi du 3 février 2005.

Dans le même temps, on a vu progressivement disparaître les textes législatifs et réglementaires les termes les plus stigmatisants tels que débile, infirme, par contre la notion d’invalidité subsiste parmi les termes utilisés par les caisses d’assurance maladie des travailleurs salariés et celui d’incapable dans les textes sur la protection juridique qui concernent au premier chef les personnes handicapées.

Ce n’est pas le cas en américain où il est détrôné par disability car il est considéré comme dévalorisant et socialement incorrect. Il est vrai que disability, avec son préfixe en "dis"et non en "in", indique qu’il s’agit d’un état de déséquilibre qui peut donc être corrigé. Malgré son origine française, il est inutilisable aujourd’hui dans cette langue.

Cette notion de handicap a connu bien des aléas qui sont à la mesure du malaise de la société vis-à-vis de ses personnes handicapées oscillant constamment entre deux pôles l’un biomédical, référençant le handicap par rapport à la maladie ou au à la lésion traumatique et l’autre environnemental ou situationniste faisant jouer au cadre de vie le rôle majeur dans la genèse de l’exclusion active ou passive des personnes concernées. Le débat s’est cristallisé autour de propositions de l’OMS qui, dès le début des années 1970, se sont préoccupées de classer les handicaps, comme on classe les maladies, alors que les maladies sont des faits biologiques et le handicap un fait social qu’on ne peut pas classer mais identifier. De ce malentendu ont découlé toutes sorte d’incompréhensions qui ont rendu le débat confus et ont retardé l’avancée des solutions, notamment par une réadaptation médico-sociale cohérente et constructive pour la personne concernée. Après une première proposition faite par un groupe de travail de l’OMS (8) en 1980 (CIH, classification internationale des handicaps) sur les conséquences des maladies, un projet hybride reprenant bon nombre des formulations de la première proposition a été adopté par l’Assemblée Mondiale de l’OMS (1) sous le nom de "Classification internationale des fonctionnements, des handicaps et de la santé" (CIF). L’introduction de la CIF pose parfaitement la problématique :

« Divers modèles conceptuels ont été proposés pour comprendre et expliquer le handicap et le fonctionnement. On peut s’en rendre compte à travers la dialectique entre “modèle médical” et "modèle social. Dans le modèle médical, le handicap est perçu comme un problème de la personne, conséquence directe d’une maladie, d’un traumatisme ou d’un autre problème de santé, qui nécessite des soins médicaux fournis sous forme de traitement individuel par des professionnels. Le traitement du handicap vise la guérison ou l’adaptation de l’individu, ou le changement de son comportement. Les soins médicaux sont perçus comme étant la principale question et, au ni­veau politique, la principale réponse est de modifier ou de réformer les politiques de santé. Dans le modèle social, par contre, le handicap est perçu comme étant principalement un problème créé par la société et une question d’intégration complète des individus dans la société. Le handicap n’est pas un attribut de la personne, mais plutôt un ensemble complexe de situations, dont bon nombre sont créées par l’environnement social. Ainsi, la solution au problème exige-t-elle que des mesures soient prises en termes d’action sociale, et c’est la responsabilité collective de la société dans son ensemble que d’apporter les changements environnementaux nécessaires pour permettre aux personnes handicapées de participer pleinement à tous les aspects de la vie sociale. La question est donc de l’ordre des attitudes ou de l’idéologie ; elle nécessite un changement social, ce qui, au niveau politique, se traduit en termes de droits de la personne humaine. Selon ce modèle, le handicap est une question politique. » (Introduction à la CIF, 2000.)

Il est évident que ces différences de point de vue vont influer sur l’idée que l’on se fera de la réadaptation et de sa mise en œuvre. La nécessité d’une cohérence dans la démarche proposée aux personnes handicapées qui doit être à la fois sociale et médicale implique une modélisation du handicap qui soit opérationnelle et donc globale. C’est pourquoi les modèles de handicap qui s’appuient sur le lien avec l’environnement (Patrick Fougeyrollas, Québec) ou bien font références aux situations de handicap (Hamonet-Magalhaes, Paris-Créteil) doivent être choisis. On peut dire que le concept de réadaptation se construit sur le processus des situations. Pour bien réadapter il faut bien définir l’objet d’application de la réadaptation.

« Constitue une situation de handicap le fait, pour une personne, de se trouver, de façon temporaire ou durable, limitée dans ses activités personnelles ou restreinte dans sa participation à la vie sociale du fait de la confrontation interactive entre ses fonctions physiques, sensorielles, mentales et psychiques lorsqu’une ou plusieurs sont altérées et, d’autre part, les contraintes de son cadre de vie. » (7)

Quand on évoque le handicap, il convient de préciser pour quelles situations. Il faut donc parler de « situations de handicap » ou de « situations handicapantes ». On est handicapé "pour" telle ou telle situation ou microsituation. Il convient aussi de connaître le point de vue de la personne sur ses capacités. Il ne faut pas oublier aussi, que selon la formule heureuse de Pierre Minaire : "le handicap n’est pas une constante mais une variable". Ceci exprime le fait que les capacités humaines évoluent (avec l’âge par exemple) ainsi que les situations de la vie et la subjectivité. Le handicap comporte quatre dimensions l’état corporel, l’état fonctionnel, les situations de la vie et la subjectivité de la personne. Toutes les quatre doivent être prises en considération dans le processus de réadaptation dont les deux piliers sont les situations rencontrées et la subjectivité. C’est-à-dire que si la personne se considère en situation de handicap elle sera handicapée. On observe au fil des années que les divers groupes de personnes concernées, y compris les personnes dites "handicapées psychiques " et leurs familles oubliées par la loi de1975, adoptent, à travers leurs associations, un consensus face à la démarche globalisante handicap.

 

 

 

La réadaptation aujourd’hui

La réadaptation s’inscrit dans un contexte sociétal général dans lequel la dissolution et l’altération du lien humain à tous les niveaux de la vie sociale (famille, travail, école) "fabriquent" de l’exclusion et de la violence. Ceci était déjà perçu par René Lenoir lorsqu’il écrivait en 1974 : "L’inadaptation sociale s’accroît comme une lèpre ; aucune classe sociale, aucun âge ne sont indemnes(9).

Nous en proposons la définition suivante : "C’est l’ensemble des moyens médicaux, psychologiques et sociaux qui permettent à une personne en situation de handicap, ou menacée de l’être, du fait d’une ou plusieurs limitations fonctionnelles de mener une existence aussi autonome que possible(7). La Réadaptation médicale fait appel aux moyens de la Rééducation (Médecine Physique avec mais aussi de la Psychiatrie et de la Chirurgie fonctionnelle). La Réadaptation sociale fait appel à un ensemble de moyens qui permettent le maintien ou la reprise de la vie quotidienne, familiale, d’études ou de travail. Le succès de la démarche de santé repose sur une excellente articulation médico-sociale entre le système de soins et la vie sociale. Les nouveaux textes sur le système hospitalier et médico-social ont brisé la barrière existant depuis 1975 entre les deux aspects de la prise en charge de la personne. Mais les habitudes et le principe de cloisonnement cher à beaucoup de professionnels font que ce ne sera pas facile à appliquer. La Réadaptation communautaire est une démarche qui a été largement développée par l’OMS qui met l’accent sur la participation du milieu de vie (famille, voisins, employés communaux etc.). Destinée aux pays pauvres en moyens de santé, elle est centrée sur la notion de recherche de ressources sur place (cannes en bambous, releveurs de pieds en tissu…), elle trouve son adaptation en Europe avec l’implication de l’environnement (solidarité de voisinage dans l’usage de la télé vigilance par exemple) mais aussi de la mobilisation de la ville, de l’école et du monde du travail autour de la notion de participation des personnes handicapées.

L’objet de la Réadaptation est de procurer à l’individu une autonomie aux divers niveaux fonctionnel, subjectif et social. C’est ce qu’exprimai, dès 1982 Patrick Fougeyrollas dans le Rapport "A part égale" (4) réalisé avec l’office des personnes handicapées du Québec (4).

"L’intervention d’adaptation ou de réadaptation est le regroupement, sous forme d’un processus personnalisé, coordonné et limité dans le temps, des différents moyens mis en oeuvre pour permettre à une personne handicapée de développer ses capacités physiques et mentales et son potentiel d’autonomie sociale".

Il fait la distinction entre adaptation et réadaptation lorsqu’il s’agit d’un enfant ou d’une personne qui n’avait pas encore travaillé au moment de son accident handicapant par exemples. Il fait référence à l’autonomie qui est un concept, à tort opposé à celui de dépendance alors que la dépendance d’une aide technique, médicamenteuse ou humaine permet précisément d’acquérir l’autonomie.

Cette autonomie doit aussi être acceptée par m’es autres, ce qui pose la question essentielle de la discrimination inscrite profondément dans notre culture, nos préjugés et nos croyances face aux personnes en situation de handicap. Le développement de l’obligation de précaution et de responsabilisation pénale crée dans de nombreux cas des obstacles supplémentaires dont la perversité n’est pas toujours facile à déjouer. C’est un contexte dont il faut tenir compte aujourd’hui. Le législateur en a tenu compte en introduisant, dès 1992, la non-discrimination dans ses textes aux Etats-Unis et, plus récemment, mais trop timidement, en France depuis le 3 février 2005 dans une loi qui se veut être pour les personnes en situation de handicap alors qu’une loi pour tous sur le handicap qui est un phénomène social en expansion .aurait été bien plus appropriée et aurait représenté la vraie démarche d’Adaptation-Réadaptation avec ou, si possible, sans compensation.

La réadaptation apparaît alors comme un processus lent et continu qui nécessite une organisation complexe transversale médicale et sociale bien intriquée et pas seulement juxtaposée.

 

Rééducation et réadaptation.

L’intrication de la rééducation dans la réadaptation est diversement appréciée pour des raisons conceptuelles, sémantiques mais aussi parfois corporatistes. Le Professeur André Grossiord avait très bien situé la question dans sa leçon inaugurale de 1968 : " Le mot « rééducation » n’a rien de bien nouveau; lui mettre une majuscule ne change pas son sens profond. Qu’on la qualifie ou non de « fonctionnelle » ou de « motrice », le terme est évidemment à conserver dans le langage courant. J’en dirai autant du mot « réadaptation » dont la portée me paraît plus générale, plus globale, impliquant aussi les démarches de la réinsertion sociale. En fait, ces deux termes nous suffisent et nous pouvons laisser « réhabilitation » au vocabulaire pénal." (5).

Le départ entre l’aspect limité à la partie thérapeutique du mot rééducation et le concept plus large de réadaptation n’est pas compris de la même façon par tous. C’est ainsi que des physiothérapeutes (kinésithérapeutes) et des ergothérapeutes québécois dans le cadre d’un projet de Maîtrise (mastère) de réadaptation mettaient sous le mot réadaptation le sens que Grossiord réservait à rééducation. Réadaptation est même utilisé aujourd’hui par des ostéopathes non médecins et non rééducateurs dans la terminologie d’un "Doctorat en ostéopathie et réadaptation". C’est dire si le mot a du succès ou est exploité.

 

Conclusions

Les concepts de handicap et de réadaptation sont des concepts fragiles qui font à la fois l’objet de rejet et d’appropriation. Ils doivent être définis avec soins pour jouer pleinement leur rôle dans une perspective moderniste et globale de la santé humaine. Réadaptation introduit une nouvelle dimension que l’on peut schématiser de la façon suivante.

L’approche de la maladie : 

Signes Diagnostic Traitement Guérison avec ou sans séquelles

Celle du handicap :

Handicap Réadaptation Autonomie avec ou sans dépendance

On se rapproche ainsi du concept de santé développé par René Dubos (3) : "Etat physique et mental relativement exempt de gênes et de souffrances qui permet à l’individu de fonctionner aussi longtemps que possible dans le milieu où le hasard ou le choix l’ont placé".Etre en bonne santé, c’est aussi ne pas être et ne pas s’imaginer être en situation de handicap. Ainsi la notion d’absence de situation de handicap, objective et subjective, se substitue à la notion trop vague de qualité de vie. L’adaptation réadaptation, les situations de handicap lorsqu’elles apparaissent se présentent comme de remarquables indicateurs de bien-être social pour tous comme l’écrivait déjà Claude Veil en 1968 (14) : "Les handicapés fonctionnent comme révélateurs" du fait de l’étroitesse de leur marge d’adaptation. C’est dire combien cette démarche est un progrès pour tous ainsi que le souligne la Déclaration de Madrid "Non discrimination plus action positive font l’inclusion sociale", signée par 600 représentants du monde du handicap et de la réadaptation en Mai 2002 (2).

 

Bibliographie

(1) Classification internationale de la fonctionalité, OMS, Genève, 2000.
(2) Déclaration de Madrid, mars 2002 (voir le texte sur le site de Daniel Calin).
(3) Dubos R., L’homme ininterrompu ? Denoël, Paris, 1972.
(4) Fougeyrollas P., "A part égales", OPHQ, Drummondville, Québec.
(5) Grossiord A., Chaire de clinique de rééducation motrice. Leçon inaugurale. Paris, 13 mars 1968, Masson, 1968.
(6) Hamonet Cl., Les personnes handicapées, Que sais-je ?, PUF, Paris, 2004.
(7) Hamonet Cl., De Jouvencel M., Handicap les mots pour le dire, les idées pour agir, Connaissances et Savoirs, Paris, 2005.
(8) International Classification of handicaps, OMS, Genève, 1980.
(9) Lenoir R., Les exclus, Editions du Seuil, Paris, 1974.
(10) Le Robert, Dictionnaire de la langue française, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1967.
(11) Littré E., Dictionnaire de la langue française, Larousse, Paris, 1875.
(12) Littré E., Dictionnaire de Médecine, Larousse, Paris, 1876.
(13) Rusk H., A World to Care For, Ramdom House, New York, 1977.
(14) Veil Cl., Handicap et société, Flammarion, Paris, 1968.
(15) Stiker H.J., Corps infirmes et société, Aubier, Paris, 1982.

Mots clés : Réadaptation, Handicap, discrimination, exclusion.

 

Ce texte est paru dans le Journal de Réadaptation médicale (Vol. 25, N° 1, fév. 2005, sous le titre « Aux origines de la Réadaptation »