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Claude Hamonet

 

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LE MAL DE DOS, C’EST LE MAL DES MOTS

Interview parue dans la revue Sciences et Avenir, mai 2007

 

 

Ce spécialiste dénonce l'emploi de mots abusifs comme sciatique, hernie discale ou dégénérescence.

Dans votre dernier ouvrage, vous dites que « le mal de dos c'est surtout le mal des mots ». Pourquoi cette formule ?
Parce que le discours tenu par les médecins, les kinésithérapeutes et les ostéopathes est absolument traumatisant. Les mots prononcés lors des consultations, « sciatique, hernie discale, dégénérescence », font peur. Ils véhiculent des notions de paralysie, d'impuissance, de sanction chirurgicale et sont, avant tout, source d'inquiétude et d'angoisse. Les patients sont persuadés que tout est fini pour eux, qu'il n'y a rien à faire, qu'ils sont véritablement coincés. Cette interprétation erronée ne peut qu'entretenir un état de mal permanent. Nous sommes face à une véritable iatrogénie des mots, c'est-à-dire de maladies induites par le discours des médecins.

Est-ce révélateur d'un échec de la médecine ?
Absolument. D'un côté, il y a les médecins, enfermés dans une culture basée sur la vérification qui prescrivent à tout-va des radiologies. De l'autre, des patients qui leur en réclament ! D'ailleurs, il y a toujours deux chaises devant mon bureau : l'une pour le patient, l'autre pour leurs épais dossiers de scanners et d'IRM ! La plupart du temps, ces clichés radiologiques, inutiles, et demandés trop systématiquement, ne montrent rien. Et le recours aux interventions chirurgicales reste trop fréquent alors que la chirurgie ne devrait constituer qu'un traitement d'exception. Le médecin a tout simplement oublié l'examen clinique et n'écoute pas assez attentivement les plaintes des patients. Le temps de l'interrogatoire est pourtant essentiel et très riche d'enseignement.

Comment sortir de cette situation ?
En arrêtant de médicaliser et en dédramatisant. Tout en restant biomécaniquement correct. Vivre debout, couché, assis, dans notre vie quotidienne, c'est tout un art. Et cela s'apprend. Il faut savoir respecter les contraintes et les courbures anatomiques de notre dos. Ce qui signifie éviter les faux mouvements, protéger son dos dans les situations à risque comme porter une charge lourde, en pliant les jambes avant l'effort. Il est bon de se réapproprier les sensations de son dos. Les écoles du dos et les programmes de reconditionnement à l'effort sont aussi très importants, l'un pour apprendre à bouger, l'autre pour réapprendre. Cette médecine dite physique de réadaptation est en fait très mal connue du grand public. Comme il est peut-être déjà trop tard pour changer les habitudes du public et des médecins, il est bon maintenant de s'adresser aux enfants. C'est l'objectif des premières campagnes de prévention en milieu scolaire qui doivent démarrer cette année. Mais un énorme travail reste à réaliser auprès des professions à risque. N'oublions pas que le mal de dos est la première cause d'exclusion sociale avant 45 ans.

Propos recueillis par S. R.-M.