Le site du Professeur
Claude Hamonet

 

 Page précédente  Page d’accueil  Biographie  Publications - Communications - Travaux historiques  Actualité Glossaire des termes de l’handicapologie et de la réadaptation  Retour à la liste  Annexes et liens externes  Le Syndrome d’Ehlers-Danlos  Page suivante   English version    Contacter Claude Hamonet

NE M’APPELEZ PLUS « HANDICAPÉ »

 

Le mot handicap vient de l’anglais « hand in cap », « la main dans le chapeau ». Initialement, il est utilisé par Samuel Peppys pour la première fois dans la langue anglaise au XVIIème siècle, qui le mentionne comme utilisé dans les auberges et tavernes du Royaume Uni, pour désigner un protocole d’échanges d’objets personnels entre deux personnes. Un arbitre fixe la compensation monétaire que doit déposer dans un chapeau, celui qui s’approprie l’objet le plus coûteux, de façon à constituer des « parts égales ».

C’est le sport qui l’anoblira et le rendra populaire en appliquant ce principe d’égalisation aux courses de chevaux « à handicap ». L’égalisation des chances (terme repris dans le titre de la loi du 11 février 2005) étant obtenue en ajoutant, selon le jugement d’un l’arbitre, des charges ou des longueurs supplémentaires, aux chevaux qui avaient jusque là obtenu les meilleurs résultats.

Repris par la littérature (Maurois, Gide) il est devenu un mot de la langue française par son entrée à l’Académie Française dès 1913. Il ne doit donc pas être « retraduit » dans notre langue, surtout pas par un terme aussi négatif et stigmatisant que le « désavantage », comme cela a été fait, lors d’une interprétation erronée franco-française d’un projet de l’OMS publié en anglais en 1980 à Genève et abandonné depuis.

Il faut dire que le mot suscite beaucoup de polémiques en français comme en anglais qui sont le reflet du malaise de la société face à ceux qu’on a qualifié d’infirmes, d’incapables et d’inadaptés. Le refus ou le rejet du mot étant souvent un mode d’expression du rejet des personnes concernées par la société, c’est-à-dire par nous.

Ceci est  le cas aux Etats-Unis d’Amérique où le terme est considéré comme stigmatisant et remplacé par celui de « disability » d’origine française comme 55 % des mots de l’américain mais impossible à réintroduire sous cette forme dans sa langue d’origine.

On ne plaisante pas avec ces questions aux pays de la non discrimination. C’est ainsi que, lors d’un séjour de Professeur associé à l’université du Kansas en 1993, il nous a été recommandé de ne pas prononcer le mot « handicap » dans nos enseignements pour évoquer ce que vivent les « disabled persons » sous peine d’avoir un procès avec les associations représentatives.

Malgré tout cela, le mot a résisté et est présent dans la quasi totalité des langues. Son maintien dans la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé de l’OMS (2001) et la nouvelle loi française du 11 février 2005 indiquent que certaines polémiques sont dépassées et que l’on est sur le bon chemin (4,5).

Par contre, les contre sens persistent sur le contenu à lui donner et les définitions et articles de la loi du 11 février 2005, s’écartant de la définition donnée, maintiennent une ambiguïté préjudiciable à la démarche de réadaptation.

De façon usuelle, les nouveaux certificats diversifiés des maisons départementales des personnes handicapées en sont une illustration que les médecins rééducateurs subissent au quotidien. On confond l’état fonctionnel de la personne avec les situations de handicap rencontrées dans sa vie. Cette confusion s’étend même jusqu’à la cause (maladie ou accident) de ces limitations fonctionnelles, lorsqu’on parle de « handicap principal ».

De cette façon, on accentue la stigmatisation de la personne que l’on qualifie de « handicapée », comme si la responsabilité de ce qui se passe pour elle lui revenait. Comme si, de fait, elle n’était pas « normale », c’est-à-dire « comme les autres ». Elle devient alors une cause de découragement, de perturbation et de désordre.

C’est une très mauvaise façon d’aborder la participation sociale des personnes avec des difficultés fonctionnelles en les présentant, à priori, comme « handicapées ».

C’est pourquoi il convient de regarder différemment cette question. Tout d’abord en ne caractérisant pas systématiquement la personne par ses difficultés, mais par ses aptitudes et ses capacités qui en font une personne « normale », compétitive sur le marché du travail par exemple.

D’autre part, il faut bien faire entendre qu’être handicapé c’est être en situation de handicap. Il ne faut plus dire « handicapé », mais « handicapé pour » comme nous l’avions déjà indiqué à la suite d’un manifeste largement inspiré par Pierre Minaire, dans un éditorial du Journal de Réadaptation médicale en 1983 (1,2)

La notion de situation de handicap proposée par notre équipe de recherche de l’Université Paris 12, dès 1973, lors d’une étude sur l’accessibilité de la ville de Créteil a été formulée dès 1981 de façon précise et complétée en 1999 avec Teresa Magalhaes de Porto pour aboutir au schéma suivant et à une définition qui concerne la totalité des personnes concernées sans en exclure aucune.

 

LE HANDICAP

 

 

Définition du handicap

« CONSTITUE UNE SITUATION DE HANDICAP LE FAIT, POUR UNE PERSONNE, DE SE TROUVER, DE FAÇON DURABLE OU TEMPORAIRE, LIMITÉE DANS SES ACTIVITÉS PERSONNELLES OU RESTREINTE DANS SA PARTICIPATION À LA VIE SOCIALE, QUI RESULTE DE LA CONFRONTATION ENTRE, D’UNE PART, SES FONCTIONS PHYSIQUES, SENSORIELLES, MENTALES ET PSYCHIQUES EN CAS D’ALTERATION DE L’UNE OU PLUSIEURS D’ENTRE ELLES ET, D’AUTRE PART, LES CONTRAINTES DE SON CADRE DE VIE. »

 

De cette façon, la question de la réadaptation est bien une question de société qui concerne l’environnement et surtout les mentalités des individus avec leurs préjugés archaïques et leurs tendances hédonistes. De ce fait, comme il est dit dans l’introduction de la classification internationale des fonctionnalités de l’OMS, c’est un problème politique et l’un des plus importants pour les changements de société à réaliser d’urgence ne serait-ce que pour faire face à la montée des besoins du fait de l’allongement de la vie pour tous y compris pour les personnes en situation de handicap dès leur naissance ou du fait des évènements pathologiques rencontrés dans leur parcours de vie.

Nous conclurons par cette citation de la Déclaration européenne de Madrid en mai 2002 à la veille de l’année européenne des personnes handicapées :

"Abandonner l’idée préconçue des personnes handicapées sous l’étiquette de leur dépendance et de leur inaptitude au travail… pour en venir à mettre l’accent sur leurs aptitudes et sur des politiques actives d’accompagnement."

 

Bibliographie

(1) Manifeste à propos du handicap, journal de réadaptation médicale, 1983, 3, n°2, 43.
(2) Hamonet Cl., à propos d’un manifeste sur le handicap : quelle rééducation ? Journal de réadaptation médicale, 1983, 3, n°1, p. 3.
(3) Hamonet Cl., Les personnes handicapées, col. Que sais-je ?, PUF (5 ème édition), Paris, 2006.
(4) Hamonet Cl., de Jouvencel M., Handicap, des mots pour le dire, des idées pour agir, éditions Connaissances et savoirs, 2004, Paris.
(5) Déclaration de Madrid : non-discrimination plus action positive font l’inclusion sociale. Texte disponible sur le site de l’université Nancy 2 (format PDF : pour télécharger, faites un clic droit, puis sélectionnez "Enregistrer la cible…". Pour ouvrir le document dans une nouvelle fenêtre, faites un clic gauche.)