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Claude Hamonet

 

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Handicap et politique, le cas de la France

 

Le handicap, phénomène de société conduisant à la marginalisation et à l’exclusion est, par essence, un problème politique. Par l’ampleur des aménagements de la société qu’il impose, il apparaît, même, comme un excellent indicateur des difficultés réelles (ou potentielles), rencontrées par l’ensemble de la population, de la naissance à la fin de la vie.

La prise de conscience par les responsables politiques, de cette dimension fondatrice d’une société de justice avec une chance d’inclusion pour tous, est restée modeste, du moins dans les faits. Les gouvernements successifs de la France des dernières décennies ont diversement réagi.

La mise en place, au sein d’un gouvernement, dans les années 1970, d’un Secrétariat d’Etat spécifique, confié à René Lenoir, auteur de ce livre exceptionnel « les exclus » (1), était un évènement politique fort. René Lenoir sera l’acteur combatif, face à bien des obstacles, de la Loi du 30 juin 1975. Cette Loi avait, pourtant, un défaut inexcusable et insolite en Droit: ne pas avoir défini son objet, les personnes en situations de handicap.

Le 14 juillet 2002, coup de théâtre, le nouveau Président de la République, Jacques Chirac, fraîchement élu, annonce solennellement (2) que le handicap est l’un des trois grands chantiers de son nouveau mandat.

Le résultat, trente après la loi de 1975, est la promulgation, le 11 janvier 2005, d’une nouvelle loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Cette fois, il y a une définition mais, pas de chance : pour des Universitaires du Droit elle n’est pas, juridiquement correcte !

Les pouvoirs politiques changent, les situations de handicap restent. L’élection du Président François Hollande, en mai 2012, et la constitution de sa première équipe gouvernementale apportent une nouveauté : pour la première fois, le handicap n’est pas confié à un secrétaire d’état ou à un délégué interministériel, comme ce fut le cas jusqu’ici, mais à une ministre, Madame Marie-Arlette Carlotti.

Parmi les attributions de ce nouveau ministère figure, à côté du handicap, la pauvreté. Ce regroupement interpelle. Il est inducteur d’amalgame entre deux types d’exclusion dont les mécanismes sont très différents. Dans le premier cas, c’est le manque d’accès aux soins de Réadaptation et d’accessibilité aux lieux de vie, dans le deuxième cas, c’est un problème économique de ressources financières, et donc, d’offres d’emplois.

Ce rapprochement pauvreté-handicap reste évocateur (3), dans la mémoire collective, de l’image de l’infirmité associé à la mendicité et a l’inconvénient de renvoyer, en termes d’Anthropologie juridique, à la loi du 14 juillet 1905 sur : « les vieillards, les infirmes et les incurables » (4), regroupant les assistés sans ressource, pauvres.

Malgré ce handicap de dénomination la ministre, dans son allocution « Vœux aux forces vives et à la presse » du 22 Janvier 2013 (5), cherche (mais c’est difficile), à dissocier les deux aspects : « …changer le regard sur le handicap pour arrêter de l’appréhender exclusivement comme une carence : voir le handicap c’est aussi et surtout un problème d’environnement et d’organisation de société. Et, par conséquent, nous sommes tous concernés, tous interpellés » mais incomplètement :

Elle évoque, aussi, les actions en cours : la tenue d’un Comité interministériel du handicap, l’accessibilité, le troisième plan autisme et la constitution de divers groupes de travail, exprimant ainsi sa volonté de faire « bouger les lignes ».

Un aspect essentiel aurait, pourtant, du être évoqué : c’est celui du rôle positif, créatif et dynamique pour l’économie de la nation, de la prise en compte de la dimension handicap. Il y a, dans une réponse novatrice aux situations de handicap, un gisement de solutions avec création d’emplois (dans le champ médical, comme dans le champ social) à exploiter au bénéfice des exclus du travail. Cette formule que nous tenons de notre ami, le Professeur Andrej Seyfried, de Varsovie, expert à l’Organisation mondiale de la santé, « il n’y a que les pays riches qui peuvent se permettre de ne pas aborder la question du handicap », s’applique parfaitement à notre pays, surtout dans le contexte économique actuel.

Ce type d’attitude peut, bien entendu, aussi contribuer à changer les préjugés des « autres ».

Mais, qui sont ces « autres » ? Des « normaux » ? C’est là que l’on retrouve l’habituelle confusion entre la moyenne et la normale et que la phrase de Claude Lévi-Strauss, citée par Eric Plaisance (6) prend tout son sens : « la ressemblance n’existe pas en soi : elle n’est qu’un cas particulier de la différence, celui où la différence tend vers zéro. Mais celle-ci ne s’annule jamais complètement ».

On voit bien que la question de fond persiste : savoir identifier et évaluer les personnes concernées, donc leurs besoins fonctionnels et situationnels. Une suggestion : commencer par nos Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et « …ne plus voir dans l’organisme une machine dont le rendement doit être chiffré.. » (Georges Canguilhem, 7)

 

Références

1 - R. Lenoir, Les exclus, le Seuil, 1974, Paris.

2 - C. Hamonet, Lettre au Président Jacques Chirac sur le handicap et les personnes en situation de handicap, Connaissances et Savoirs, 2004, Paris.

3 - C. Hamonet, Les personnes en situation de handicap, septième édition, Presses Universitaires de France, 2012, Paris.

4 - Dugé de Bernonville, La loi du 14 juillet 1905 sur l’assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, ses premiers résultats, Journal de la Société statistique de Paris, tome 52 (1911), pages 216-229. Consulter en ligne.

5 - M.A. Carlotti, Vœux aux forces vives et à la presse. Consulter en ligne.

6 - E. Plaisance, Autrement capables, Collection Mutations, Editions Autrement, 2009, Paris.

7 - G. Canguilhem, Le normal et le pathologique, Quadrige, Presses universitaires de France, 1966, 1993, Paris.