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Ce texte est paru dans le numéro spécial du Journal de Réadaptation médicale (n° 4, Décembre 2010, Volume 30, pp 141-142. Elsevier éditeur.)
« Handicap et handicapés » est le titre d’une conférence prononcée par le Professeur André Grossiord à l’occasion de la réunion annuelle se la Société française de chirurgie orthopédique (SOFCOT) et publiée une première fois, en 1976, dans la Revue de chirurgie orthopédique (1). L’intérêt historique de ce texte, prononcé, comme un véritable testament au moment où, fondateur de la spécialité de Médecine physique et de réadaptation en France, il terminait sa carrière hospitalière, est tel qu’il a été republié dans le Journal de Réadaptation médicale en 2005 (2). Ses propos sont en parfaite harmonie avec la réflexion qui s’est exprimée lors du colloque « faut-il réhabiliter le handicap ? » le 16 septembre 2010 à l’Université-Descartes en lien avec le laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale (Professeur Christian Hervé) de la même université et avec la participation du Président de cette université, le Professeur Axel Kahn.
C’est pourquoi, il nous est paru légitime de citer certains passages du texte du Professeur Grossiord.
Monsieur Grossiord avait parfaitement saisi l’ampleur du problème du handicap pour les sociétés humaines : « Thème médical, certes, et qui touche de près tous les médecins et très singulièrement tous les orthopédistes, mais aussi et plus encore thème humain, médico-social et sans conteste politique. Le problème des handicapés représente une des graves questions qui se posent actuellement aux États, aux responsables de la Santé Publique et à ceux du Travail. »
Au-delà de l’aspect sociétal, il avait perçu la dimension éthique de cette question trop négligée :
« Tout indique que le pourcentage de citoyens handicapés physiques ou mentaux, assez important déjà dans nos contrées pour imposer le respect et l'attention, va augmenter et nous voyons de plus en plus souvent soulevées, dès maintenant, toute une série de graves questions à propos desquelles la mission et l'éthique médicales que nous ont fixées nos traditions et nos Maîtres se voient mises en question, voire agressivement critiquées. »
Le professeur Grossiord faisait partie du groupe de réflexion de l’organisation mondiale de la santé avec P.H.N. Wood et était conscient de l’importance d’une identification précise des composantes du handicap. Des problèmes de santé l’ont exclu de ce groupe et c’est très dommage car les propositions faîtes en 1980 auraient été toutes autres et nous n’aurions pas perdu tout ce temps avec des définitions erronées du handicap que l’on a voulu imposer, en force, en France.
« Or, il faut bien dire que les statistiques n'ont qu'une valeur extrêmement relative. Que de causes d'erreurs dans les sondages, les recensements Il faudrait une codification précise, comme celle que prépare l'OMS, des enquêtes minutieuses. Nous n'en sommes pas encore là. »
Et d'abord qu'est-ce qu'un handicap ?
« Or, comment traduire « impairment » ? Déficience, lésion... rien de tout ceci n'est très bon. Il est probable que nous serons contraints d'ajouter pour notre honte des adjectifs et de parler plus lourdement de handicaps ! physiques, fonctionnels, socio-professionnels, ou d'inventer d'autres mots. »
Les problèmes linguistiques sont évoqués. Il est vrai que le terme de vieux français « fisicien » (c'est-à-dire clinicien, celui qui « touche » le malde) emprunté par les anglais pour désigner le médecin (physician) n’a plus court dans le français d’aujourd’hui et que physique a pris un autre sens à travers les sciences exactes et le sport.
« Il est honnête de reconnaître la part essentielle qu'ont prise dans cet essor nos collègues anglo-saxons avec leur « physical medicine » (dont médecine physique ne donnait pas une exacte traduction) ainsi que les nordiques... encore que l'appareillage des amputés dès 14-18 avec Ducroquet et Roederer et celui des paralytiques dans le sillage tracé par Duchenne De Boulogne aient été alors assez en avance sur leur époque. »
André Grossiord donne clairement la place de la Réadaptation dans la santé, l’étiologie s’est face aux problèmes corporels, fonctionnels, situationnels et de subjectivité rencontrés par les personnes concernées.
« Dans l'approche de cette médecine de rééducation, les étiologies s'effacent bien souvent - sauf implications particulières évidemment - devant l'analyse des différents éléments somatiques et psycho-sociologiques qui constituent le handicap. Au-delà des orientations premières de chacun (rhumatologie, neurologie voire chirurgie orthopédique) l'attention se trouve concentrée sur les menaces invalidantes, sur le souci d'analyser, en termes de fonction et de possibles répercussions sociales, les problèmes que nous rencontrons et d'en chercher la solution dans le même esprit. »
Le problème humain fondamental - celui de la perception subjective de son état par la personne en situation de handicap - est déjà parfaitement et éthiquement posé :
« Le hasard a voulu que je lise ces jours-ci dans un périodique médical la remarque très aiguë que voici : "Trop souvent les médecins prennent la parole au nom des malades. De quel droit ?" Je pense profondément que, pour pénétrer vraiment les multiples problèmes qui se posent à ce sujet, il faudrait être soi-même un grand handicapé ou connaître de près ces difficultés dans sa proche famille. On parle volontiers « d'acceptation du handicap ». Il est vrai qu'à la longue, beaucoup de handicapés vont donner, par leur comportement, par leur réussite, l'impression qu'elle s'est faite peu à peu. Ce n'est sans doute jamais tout à fait la vérité, beaucoup de grands handicapés ne posent pas la question qui leur brûle les lèvres, silence qui conforte le médecin, mais il arrive qu'on doive aller de l'avant, surtout si l'on apprend du kinésithérapeute ou de l'infirmière que le patient a déjà progressé dans la connaissance de la vérité. »
La réadaptation, échange humain, écoute et paroles adaptées est rappelée en fin de conférence, mais ceci est un message pour toute la médecine et les professions de santé.
« La médecine de rééducation demande du temps. Bien des problèmes demandent à être verbalisés. Il faudrait parler beaucoup à ces patients, surtout lorsqu'avancent la rééducation et ses certitudes, les inciter aussi à parler, à exprimer toutes leurs inquiétudes. »
(1) : Revue de Chirurgie Orthopédique, 1976, Suppl. 11 : 62.
(2) : Réadapt. Méd., 2005, 25, n° 1, pp. 32-41.