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Claude Hamonet

 

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Paul Broca, un « cerveau » de la médecine et de l’anthropologie

 

Paul Broca est né le 28 juin 1824 à Sainte Foy la Grande, en plein vignoble bordelais, non loin de Saint Emilion, dans une famille calviniste. Sa biographie complexe est mieux connue grâce aux travaux d’un neurologue américain, Francis Schiller, et de son arrière petit-fils, Philippe Monod-Broca (1944).

Son père, ancien chirurgien de la grande armée, y exerçait une forme de médecine de campagne des pauvres. On le surnommait "quoy ré" à cause de la formule dont il gratifiait volontiers son patient et qui signifiait, en patois, "ce n’est rien". Paul l’accompagne volontiers dans ses visites. Dés son enfance et son adolescence, il montre de l’intérêt pour l’histoire, des origines de l’Homme, dont il recherchait les traces dans les anciens habitats humains de la Dordogne.

Initialement, Paul Broca avait le projet d’entrer à l’Ecole Polytechnique mais, pour des raisons familiales, il décide d’être médecin, dédaignant Bordeaux tout proche, à 17 ans il est à Paris. Il y mène la vie d’un étudiant en médecine, venant de province, tout en suivant des enseignements à la Sorbonne et au Collège de France.

Il est reçu à l’Internat à 20 ans à peine, en 1844, au 37 éme rang sur 38 sous le nom de Pierre-Paul Broca. Avec sa première paye d’interne il achète un microscope pour 200 francs, 10 ans avant Pasteur. Ceci démontre un esprit de chercheur qu’il développera dès l’internat (il sera membre de la Société anatomique dès sa deuxième année d’internat). Il protestera contre les règlements imposés par les directeurs d’hôpitaux qui interdisent les visites féminines : "…voilà les internes assimilés à des bambins de 7 ans…cette exclusion frappe les mères et les soeurs." Il sera aide d’anatomie à 22 ans et prosecteur à 24 ans. Il n’a pas 29 ans lorsqu’il devient agrégé et chirurgien des hôpitaux.

Il démontre, avec son microscope, que la maladie de Duchenne n’est pas neurologique mais musculaire. Il travaille, toujours à l’aide de son microscope, sur le cancer et montre, le premier, que les cellules cancéreuses peuvent pénétrer par effraction dans les veines et les lymphatiques, expliquant ainsi la dissémination métastatique. C’est encore le microscope qui lui permettra de décrire les aspects histologiques du rachitisme. Un ouvrage de 600 pages sur les anévrysmes et 240 publications représenteront son activité scientifique dans le domaine de la chirurgie dont il présidera l’Académie à 40 ans. Il épousera Augustine Lugol, fille du médecin qui a donné son nom à la solution iodo-iodurée.

Mais l’essentiel de ses préoccupation d’homme et de chercheur se concentreront sur ce qui caractérise l’Homme : le cerveau et, au-delà, à l’extraordinaire "odyssée de l’espèce humaine" en devenant, de fait, le fondateur Mondial de l’anthropologie. Cette démarche était en harmonie avec le sens de la vie d’un homme qui a exprimé, maintes fois, un esprit de progrès. La démarche a été longue et difficile car elle touchait des données essentielles sur lesquelles s’appuyaient les fondements culturels de la société de son époque : les origines de l’Homme (il défendait le polygénisme), les fonctions du cerveau (il était localisationniste), les caractéristiques des groupes humains (il avait montré l’inexactitude de la notion de supériorité d’un groupe humain sur un autre et était anti-esclavagiste), l’évolution des espèces (Il était critique face aux théories darwiniennes de la sélection naturelle et défendait le rôle de l’hybridation).

Ses moyens étaient ceux de l’époque. En anatomiste, il excellait dans la métrologie du crâne. Ses dispositifs ingénieux et le sérieux de ses mesures ont donné des résultats qui, 120 ans plus tard, ont été corroborés par les moyens actuels de l’imagerie numérique du corps humain (E.A. Cabanis).

A 35 ans (19 mai 1859), après bien des aléas, il fonde la première société d’anthropologie de Paris. Elle comporte 19 membres, car la police impériale interdisait les associations de 20 personnes et imposait la présence d’un policier qui vérifiait qu’on n’y parle ni de religion ni da politique. Curieusement, il en sera de même dans les salles de garde des hôpitaux parisien, à l’exception du policier, toutefois. La nouvelle société se réunira, pour la première fois, dans une petite salle de l’Ecole pratique mise à sa disposition par le doyen. Broca en sera le secrétaire général attentif et le rédacteur de tous les actes. Broca y donne la définition suivante de l’anthropologie qui est pratiquement reprise par les anthropologues d’aujourd’hui. "l’étude du groupe humain, considéré dans son ensemble, dans ses détails et dans ses rapports avec le reste de la nature".

Au moment d’une discussion sur l’organisation cérébrale du langage à la société d’anthropologie, Broca accueille dans son service à Bicêtre un pensionnaire, surnommé "tan tan", car il ne disposait que d’un phonème pour s’exprimer. Il comprenait le langage des autres. Au lendemain du décès du patient, il pratique l’autopsie et présente aussitôt le cerveau à la société d’anthropologie. On y observe une lésion de la troisième circonvolution frontale gauche. L’aire de Broca était découverte. La neuropsychologie était née ainsi que le terme "d’aphasie".

Républicain, il sera directeur de l’Assistance Publique. On lui prête l’exploit d’avoir sauvé la caisse de cette noble institution de la convoitise des fédérés. Ses amis de la gauche républicaine le font élire sénateur inamovible en 1880. Quelques mois plus tard, il meurt rapidement, à 56 ans ; peut-être d’un de ces anévrysmes qu’il avait si bien décrits.

 

Références

Francis Schiller, "Paul Broca, explorateur du cerveau", Éditions Odile Jacob, Paris, 1990.
Actes du Colloque "Hommage à Paul Broca, Fondateur de l’anthropologie", Sainte Foy la grande, 2 & 3 février 2001, Biométrie humaine et anthropologie, tome 19, juillet-décembre 2001, n° 3-4.